La copie ratée du calendrier de l’horloge astronomique de Prague sera remplacée
C’est une des plus célèbres attractions touristiques de Prague : l’horloge astronomique de la tour de l’ancien hôtel de ville attire tous les jours des milliers de visiteurs venus admirer ce mécanisme vieux de plus de 600 ans ainsi que le décor historié qui l’accompagne. Objet d’une controverse après la découverte des libertés prises par son auteur pour la confection d’une copie, le calendrier de la tour va être remplacé par la mairie.
Il y a près d’un an, les Pragois découvraient, atterrés, que la copie du calendrier de l’horloge astronomique médiévale, place de la Vieille-Ville, présentait des changements pour le moins significatifs par rapport à l’original du XIXe siècle. Sur ce calendrier figurent les armoiries de la Vieille-Ville, les signes du Zodiaque, mais aussi des scènes de la vie paysanne de Bohême symbolisant les mois de l’année. Œuvre du peintre Josef Mánes, l’original de 1866 est conservé au Musée de la ville de Prague.
A l’occasion des travaux de restauration de l’horloge qui se sont achevés en 2018, une nouvelle copie réalisée par le peintre académique Stanislav Jirčík avait été mise en place. C’est elle qui pose problème à Milan Patka, membre du Club de la Vieille Prague, une association dédiée à la protection des monuments et des sites patrimoniaux de la capitale tchèque. En observant le calendrier, c’est lui qui s’est rendu compte – quatre ans plus tard ! – des changements particulièrement importants effectués par le peintre par rapport à l’original :
« Dix visages ont été modifiés sur le calendrier de l’horloge astronomique. Ils sont assez petits, c’est vrai, et il faut se concentrer pour les voir. Mais il y a des choses plus grandes visibles à l’œil nu depuis la place devant l’horloge : par exemple, pour représenter le mois de mai, un couple devant une botte de foin au lieu d’un buisson fleuri, ou encore une femme qui moissonne représentée en mini-jupe au lieu de sa longue jupe d’origine. »
Et le peintre a clairement pris des libertés pour le moins importantes – comme en témoigne aussi l’allégorie du signe du Verseau, dont le visage ressemble plus à celui du joueur de foot Kilian Mbappé qu’à celui imaginé par Josef Mánes… De même, au lieu de la figure virginale représentant le signe de la Balance, le nouveau calendrier représente une femme plus âgée aux cheveux gris. Un jeune homme vêtu d’une cape a été remplacé par une femme d’âge moyen. D’autres portraits ont également été modifiés et présentent des cheveux, des barbes ou des expressions différentes…
Selon de nombreux experts en histoire de l’art, le peintre a dépassé les limites de l’éthique de la restauration. A l’époque, l’administration précédente de la mairie, dirigée alors par Zdeněk Hřib (Pirates), avait presque immédiatement promis de descendre la plaque de la tour et d’en créer une nouvelle. Mais ce n’est qu’un an plus tard que la décision de la remplacer a enfin été prise. La semaine dernière, un accord a été enfin trouvé avec la société responsable de livrer la copie : c’est la municipalité qui choisira qui sera chargé de la restauration, moyennant quoi la société qui avait livré la copie défectueuse règlera une partie de la facture. Le total des frais de remplacement, partagés pour moitié avec la mairie, s’élèvera à deux millions de couronnes.
C’est l’atelier de restauration de l’Académie des beaux-arts de Prague qui a été chargé de la nouvelle peinture de la plaque, avec cette fois-ci un cahier des charges bien précis. La mairie de Prague souhaite ainsi éviter les erreurs commises lors de la création de la copie précédente, qui ont été relevées par l’Inspection du patrimoine l’an dernier. Cette dernière avait estimé que la copie ratée était le résultat d’une « combinaison d’actions incohérentes de toutes les parties concernées » - dont justement un cahier des charges imprécis.
C’est une enveloppe de 10 millions de couronnes qui a été débloquée par la mairie de Prague dans les travaux de restauration complète de l’horloge astronomique, qui est la plus ancienne horloge de ce type au monde à être encore fonctionnelle. Or ce n’est pas la première fois que le résultat de ces travaux sont contestés : en 2019 déjà, des experts avaient fait part de leur consternation en découvrant que la plaque du cadran astronomique était peinte de manière incorrecte.
Rappelons que c’est le peintre Josef Mánes qui avait été chargé de créer ce calendrier dévoilé et inauguré le 18 août 1866. L’œuvre souffrant des intempéries, Emanuel Krescen Liška en a très vite réalisé une copie, installée le 31 décembre 1882. Cette copie elle-même fut en grand partie détruite lors de l’incendie de l’hôtel de ville en mai 1945, et remplacée par une autre copie peinte par Bohumír Číla. C’est celle-ci qui avait été remplacée par la copie incriminée et désormais vouée à disparaître de la façade de la tour.