Le peintre Franta expose ses œuvres au Centre tchèque de Paris
Il a vécu la Seconde Guerre mondiale puis les interrogatoires de la police secrète pour finalement fuir la Tchécoslovaquie communiste via Berlin-Ouest en 1958. Mieux connu sous nom d’artiste Franta, le peintre et sculpteur František Mertl s’est alors installé, avec son épouse Jacqueline, à Vence, dans le sud de la France, où se trouve toujours son atelier. Jusqu’au 3 septembre prochain, l’artiste de 93 ans expose ses œuvres récentes au Centre tchèque de Paris.
Chargée des projets d’arts plastiques et d’arts vivants au Centre tchèque de Paris, Marie Kopecká Verhoeven nous présente cette exposition dont elle est l’une des commissaires :
« L'exposition s'intitule ‘Exils’, un thème que František Mertl a toujours traité dans son travail artistique. À l’exception d’un tableau grand format datant de 1973, nous exposons principalement les peintures qu’il a réalisées durant les cinq à dix dernières années, deux sculptures et deux gravures. »
Où l’artiste a-t-il puisé son inspiration et comment son style se caractérise-t-il ?
« František Mertl a puisé son inspiration dans sa vie personnelle, à la fois dans l’histoire de sa propre famille et dans les expériences faites au cours de ses voyages, notamment en Afrique du Nord, en Afrique équatoriale et aux États-Unis. Son œuvre est essentiellement le reflet d’une vie éprouvée par les régimes criminels du XXe siècle, les évasions et les persécutions que lui et sa famille ont vécues et subies. »
« Pour ce qui est de son style, Franta représente ‘la nouvelle figuration’. Il s’agit donc d’une peinture figurative. Son thème principal reste le corps humain, souvent sous une forme très naturaliste qui contraste avec la brutalité de la technique. »
František Mertl fait partie des nombreux artistes tchèques qui vivent en France. Quel a été son parcours ?
« Je ne peux le décrire vraiment que brièvement, car il faudrait un livre pour raconter l’histoire de sa vie. Il est né en 1930 à Třebíč, en Moravie, et a donc passé une partie de son enfance pendant la Seconde Guerre mondiale. Son père est parti à l’étranger pour combattre l’armée hitlérienne, tandis que sa mère est restée seule avec ses deux fils en Tchécoslovaquie. À plusieurs reprises, elle a été interrogée par la Gestapo et menacée d’emprisonnement. »
« Après la guerre, František Mertl est entré à l’Académie des Beaux-Arts de Prague (AVU) et a pu voyager en Italie pour un séjour d’études, mais il y était constamment surveillé par la police secrète communiste comme les personnes qui s’étaient portées garantes de lui. À son retour d’Italie, voyager à l’étranger lui a été interdit. »
« C’est pendant ce séjour en Italie que František Mertl a fait connaissance de Jacqueline, une étudiante française qui, plus tard, est devenue son épouse. Ensuite, elle lui a rendu visite à deux reprises à Prague, où elle aussi a été arrêtée et interrogée plusieurs fois par la police avant, finalement, que tout séjour en Tchécoslovaquie ne lui soit interdit. C’est à cette époque, en 1958, que František Mertl décide d’émigrer via Berlin-Ouest et part se réfugier en France. Une décision dont sa famille a immédiatement subi les conséquences et ce n’est que dans les années 1970 qu’il a été autorisé à retourner en Tchécoslovaquie pour rendre visite à sa mère malade. Cela lui a d’ailleurs valu d’etre de nouveau harcelé par le régime communiste. »
« Le paradoxe de sa vie, c’est aussi le destin de sa femme, qui est issue d’une vieille famille juive installée en Algérie depuis le Moyen-Âge. La famille de Jacqueline a elle aussi été expulsée de son domicile en 1962, à la fin de la guerre d’indépendance algérienne, soit quelques années après l’émigration de Franta. On comprend ainsi mieux pourquoi la fuite et l’exode sont un sujet omniprésent dans son œuvre. »
Qu’est-ce que les visiteurs français découvriront dans l’œuvre de Franta ?
« Ses peintures sont une expérience dont on pourrait dire qu’elle touche la zone de confort de chaque observateur, précisément parce que ses tableaux traitent de thèmes humains, existentiels et profonds, tels que la douleur ou la souffrance. C’est ensuite aux visiteurs qu’il appartient de décider de la manière dont ils souhaitent envisager son œuvre et y faire face. Le contraste entre la fragilité du corps humain et la force de la volonté de rester libre peut aussi toucher leur sensibilité. »
Ses peintures et dessins sont exposés à la Galerie nationale de Prague ou au Musée d’art moderne de Paris. Où peut-on encore voir ses œuvres ?
« Outre les grands musées à New York et ailleurs dans le monde, il est possible de se rendre dans son atelier à Vence dans le sud de la France, où il vit. L’artiste serait sûrement très heureux d’accueillir les personnes qui souhaitent voir son travail. Depuis 2014, ses tableaux sont également exposés dans la ville de Třebíč, à laquelle Franta a offert une quarantaine de peintures et dessins. La ville a même créé une nouvelle galerie dédiée à son célèbre natif. »
Organisée en collaboration avec l’ambassade de République tchèque en France, l'exposition Exils de František « Franta » Mertl, est à voir jusqu'au 3 septembre 2023 au Centre tchèque de Paris. Elle est une suite libre de la présentation de l’artiste qui a eu lieu en avril au siėge de l’UNESCO à Paris.
https://paris.czechcentres.cz/fr/programme/franta-v-ceskem-centru-pariz