Letní Letná : harmonies fraternelles et équilibre inédits avec le collectif Malunés
La 20e édition du festival du nouveau cirque Letní Letná à Prague met en vedette trois troupes artistiques francophones qui apportent leur créativité et leur énergie à la scène. L’une de ces troupes, le Collectif Malunés, nous en dit plus sur son approche unique et sa participation au festival.
VB : « Je suis Vincent Bruyninck et je suis accompagné de Simon Bruyninck. Nous faisons partis du collectif Malunés, fondé en 2009 en Belgique et ultérieurement étendu pour devenir une compagnie franco-belge du fait de l’implication croissante de nos collègues français. Notre compagnie se caractérise par sa nature nomade. Bien que notre orientation récente se concentre principalement sur des spectacles participatifs, l’œuvre que nous présentons au festival Letní Letná ne suit pas cette démarche. L’actuel spectacle de Letní Letná résulte d’une collaboration interne. Après une période de non-collaboration de plusieurs années, cette représentation constitue un défi, marquant avec mon frère notre réunion sur scène. »
SB : « Ce spectacle revêt également une forme innovante pour nous, étant le fruit d’une collaboration avec une nouvelle compagnie. Il fusionne danse, cirque et performance artistique. Nous faisons appel à d’anciennes techniques circassiennes, notamment l’utilisation de mâchoires en fer. A travers une mâchoire placée dans notre bouche, nous sommes reliés par un fil, tendu entre nous deux, ce qui crée un équilibre. Plutôt que de nous saisir par les mains, nous nous maintenons par la force nos dents. »
Qu’entendez-vous par collectif plutôt que troupe ?
VB : « Notre collectif incarne le concept de collaboration au sein duquel les membres ne résident pas au même endroit, mais travaillent ensemble de manière coopérative. Cela se traduit par des prises de décisions collectives, où la confiance envers nos collègues est primordiale. Elle nécessite également la capacité de lâcher prise, de déléguer les responsabilités, et de partager les charges de travail de manière équitable et solidaire. »
SB : « C’est dans cette association que réside la puissance de notre collectif : chaque individu est mis en avant et se voit attribuer des rôles en fonction de ses aspirations et compétences. Lorsque tous ces éléments sont réunis, une équipe organisée voit le jour, dans laquelle chaque membre contribue au succès collectif. »
Quels sont donc les défis auxquels vous faites face en tant que collectif ?
SB : « Le dicton français ‘mettre de l’eau dans son vin’ trouve une résonance particulière dans notre approche collective. Il symbolise le fait que dans des groupes, les choix et les préférences individuelles ne peuvent pas toujours prévaloir. Nous devons régulièrement adapter nos idées pour les rendre acceptables à tous. »
VB : « Cela implique également de mettre de côté son ego, car nos réflexions sont influencées par notre propre perspective. Donc, notre défi réside dans la recherche d’un équilibre entre ces diverses influences au sein du collectif. »
Comment est née votre participation au festival ?
VB : « Nous avions déjà fait une présentation à Letní Letná en 2017, présentant le spectacle Forever Happily qui a été un vrai succès. Cette expérience semble avoir captivé l’attention du festival. Ses représentants sont ensuite venus nous voir jouer en France, ce qui semble avoir fait naître une continuité à leur intérêt. C’est ainsi que leur invitation à nous produire lors de cet événement nous est parvenue. Après, il faut être honnête, nous voulions vraiment retourner à Prague. »
Quelle est votre appréciation de l’événement ?
VB : « L’auditoire est incroyablement animé. Ils démontrent une véritable envie de voir les numéros de cirque. C’est un moment qui vibre au rythme d’un mois de festival et les salles affichent pratiquement complet. Le festival qui célèbre ses deux décennies d’existence, respire cet esprit : une évolution marquante est la croissance du cirque, il prend de l’ampleur.
La programmation revêt également une dimension internationale. C’est une opportunité précieuse de mettre en avant des éléments qui sortent de l’ordinaire pour ce public. Le cirque se déploie de différentes manières en fonction ddes invités et de leur pays d’origine, qu’il s’agisse de la France, du Québec ou de Prague. C’est satisfaisant de constater que les spectateurs peuvent goûter à toute une variété de spectacles, qu’ils soient axés sur le divertissement, commerciaux, performatifs ou même théâtraux. »
Avez-vous vu d’autres spectacles d’artistes francophones ?
VB : « Nous avons assisté au spectacle de deux autres compagnies de cirque, Cirque Alfonse, une troupe canadienne, et Cirque Aital. Leurs propositions étaient radicalement différentes de la nôtre. C’était extrêmement enrichissant de constater qu’il existe trois performances tout à fait distinctes. Le Cirque Alfonse offre un spectacle imposant, avec une forte musique et un public de 700 personnes qui applaudissent et crient d’enthousiasme. En revanche, le Cirque Aital présente une atmosphère plus intime et théâtrale, créant une expérience conviviale. Ces deux spectacles étaient vraiment intéressants à voir et regorgent d’idées novatrices.»
Comment vous positionnez-vous par rapport à eux, êtes-vous plutôt conviviaux comme le cirque Aital ou plutôt énergétiques comme le cirque Alfonse?
VB : « Notre spectacle est spécifique. Nous créons un moment d’intensité, ancré dans le principe de fraternité. Cette dimension est renforcée par le fait que nous sommes frères. Nous avons minutieusement creusé cet aspect, plongeant dans notre relation et explorant comment nous pourrions exprimer cette connexion de manière physique, en utilisant notamment notre mâchoire. Nous nous efforçons au maximum d’être nous-mêmes et de simplement partager un moment authentique. »