Wagner : des appels en Tchéquie pour classer la milice russe parmi les organisations terroristes
À l’instar du Royaume-Uni, la Tchéquie et l’ensemble de l’Union européenne devraient-elles inscrire l’organisation de mercenaires Wagner sur la liste des organisations terroristes ? C’est en tout cas le souhait de plusieurs organisations non gouvernementales et hommes politiques en Tchéquie. Mais un vœu qu’il n’est pas si simple d’exaucer. Explications.
Les autorités ont beau considérer que l’organisation paramilitaire russe représente un risque pour la sécurité publique, son inscription sur cette liste se heurte à différents obstacles juridiques, selon le ministère des Affaires étrangères. Dimanche soir, la Télévision tchèque a informé qu’une enquête avait été ouverte concernant les activités de certains hommes d’affaires dans la région de Teplice (Bohême du Nord), là où Evgueni Prigojine, le fondateur du groupe Wagner, possédait une entreprise.
Aux yeux de Londres, même après la mort récemment de Prigojine dans un accident d’avion, le groupe Wagner constitue toujours une menace pour la sécurité de l’Europe. Le Royaume-Uni l’a donc inscrit sur la liste des organisations terroristes, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, justifiant cette décision par le fait que « ses] méthodes de torture, de vol et de barbarie menacent la démocratie et la liberté dans le monde entier ». Le Royaume-Uni s’octroie ainsi le droit de confisquer les biens du groupe Wagner et de prendre des sanctions concrètes à son encontre. Analyste au Centre pour une société informée, Andrea Michalcová souligne que d’autres pays ont entrepris une démarche similaire :
« Récemment, l’organisation a été reconnue comme terroriste par la France ou encore les parlements estonien et lituanien. Il serait donc souhaitable que d’autres États membres de l’UE les rejoignent. »
En Tchéquie, si la bonne volonté au niveau politique ne manque pas non plus, comme en témoigne l’important soutien accordé à l’Ukraine et aux réfugiés ukrainiens depuis le début de la guerre, une telle démarche apparaît plus problématique en l’état actuel des choses, sur le plan juridique notamment. Directeur du département en charge des affaires européennes au ministère des Affaires étrangères, Jaroslav Kurfürst précise pourquoi :
« Nous ne disposons tout simplement pas de liste de ce type, ni ne possédons de définition précise et concrète de ce qu’est une organisation terroriste. Dans notre pays, le terme a plutôt une valeur symbolique et politique. »
De son côté, l’Union européenne dispose toutefois bel et bien d’une liste d’organisations terroristes et elle envisage d’ailleurs d’y ajouter le groupe qui était commandé par Evgueni Prigogine, comme le rappelle Veronika Víchová, experte des questions de sécurité au Centre pour une société informée :
« C’est en tout cas ce que le Parlement européen a demandé l’année dernière. Dès que les membres du groupe Wagner seront inscrits sur la liste européenne des organisations terroristes, il sera possible de geler leurs avoirs. »
Des traces du groupe Wagner jusqu’en Bohême du Nord
Le groupe mercenaire a laissé son empreinte sur le sol tchèque, plus précisément en Bohême du Nord, à Teplice, où Evgueni Prigojine a possédé une société appelée RT-Consulting pendant huit ans. Oleg Sramko, l’homme d'affaires russe qui l’a aidé à créer cette entreprise, possède toujours des propriétés dans la région frontalière de l’Allemagne.
Selon les dires des habitants, si la maison dont il est le copropriétaire à Teplice reste vide depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, Oleg Sramko a fait part à plusieurs reprises déjà de son intention de revenir en Tchéquie. En 2018, l’homme d’affaires s’était vanté sur les réseaux sociaux d’avoir assisté à une conférence sur le soutien aux entrepreneurs russes, aux côtés de Vladimir Poutine.
Son principal associé en Tchéquie, Miloš Hakl, qui figure dans huit sociétés en sa compagnie, a été contacté par la Télévision tchèque, mais l’homme d’affaires tchèque refuse de s’exprimer sur le sujet.
Selon les estimations de diverses organisations internationales, quelque 50 000 personnes à travers le monde composaient les forces du groupe Wagner cette année. Les États-Unis ont commencé à leur imposer des sanctions dès 2016, et l’Union européenne les a imités quatre ans plus tard.