Jordann Perret, international français : « Tout est fait en Tchéquie pour que le hockey soit populaire »
La 31e saison de l’Extraliga tchèque, le championnat d’élite de hockey sur glace, a débuté ces jeudi et vendredi. Quadruples champions en titre, les Sidérurgistes de Třínec, club de Moravie-Silésie, entendent bien être sacrés pour la cinquième fois consécutive. Dans un pays où palets et crosses sont rois, qui accueillera le championnat du monde en fin de saison, et où les patinoires sont souvent plus remplies que les stades de football, un joueur français continue de tracer son chemin. Installé en Tchéquie depuis 2017, finaliste malheureux avec son club de Hradec Králové (Bohême de l’Est) au printemps dernier, Jordann Perret s’apprête à disputer sa septième saison dans l’Extraliga. Avant son premier match dans la chaude ambiance de Brno, ce vendredi soir, l’attaquant de l’équipe de France s’est longuement confié à l’antenne de RPI.
Jordann, le championnat tchèque redémarre après une intersaison longue de près de cinq mois, la préparation estivale a comme toujours été très longue, avec notamment une grosse préparation physique indispensable parce que, ensuite, les matchs de saison régulière s’enchaînent très vite avec généralement trois matchs par semaine. Dans quel état d'esprit abordez-vous donc cette reprise de l'Extraliga ?
« On est plutôt excités et impatients de reprendre le championnat, parce qu’on s’entraîne dûr depuis la mi-juillet, ça va faire deux bons mois maintenant. Les matchs vont enfin commencer et on a hâte ! »
Comment se passe la préparation d’un joueur professionnel de hockey durant l’été ?
« Tout de suite après la saison, on a d’abord une pause, plus ou moins longue pour les joueurs qui sont sélectionnés en équipe nationale, si on dispute les play-offs, si l’équipe va loin dans la phase finale… Après la saison, il y a une pause, pour reposer le corps, et ensuite on va reprendre la préparation physique depuis le début, avec d’abord uniquement de la musculation et de la course à pied. C’est une période où on ne monte pas encore sur la glace. Vers juillet, on reprend la glace et la préparation physique pour préparer la saison. »
On suppose que ce n’est pas là le moment de la saison préféré des joueurs…
« Non ! C’est sûr qu’on n’a pas signé pour ça, mais pour faire une bonne saison, il faut s’entraîner dur, et donc il faut aussi en passer par là. »
Pour vous la saison dernière s’était achevée avec l’équipe de France au championnat du monde, une blessure derrière un genou vous avait contraint à abandonner vos partenaires en cours de compétition. De même, une autre blessure vous avait tenu éloigné de la glace pendant plusieurs mois en début de saison dernière. Par rapport à tous ces problèmes de santé, comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
« En début de saison l’année dernière, pendant un match de Ligue des champions, je me suis cassé le coude, ce qui m’a tenu éloigné de la glace pendant quatre mois. C’est assez long. Après, au championnat du monde, j’ai été victime d’une coupure d’un tendon derrière le genou. C’est une blessure qui a nécessité un mois et demi d’arrêt, sans sport, sans rien. Cet été, j’étais donc heureux de pouvoir reprendre la préparation physique à 100 % de mes moyens, maintenant que tout est bien soigné. J’ai hâte de pouvoir continuer sur cette bonne lancée, de continuer la saison et que tout se passe bien sans pépin physique. En tout cas, j’ai tout fait pour revenir en forme. »
Votre club, Hradec Králové, avait perdu en finale des play-offs la saison dernière. À l’aube de cette nouvelle saison, on suppose que l’objectif est de faire au moins aussi bien. Quant à faire mieux, cela signifierait être sacré champion de Tchéquie...
« Exactement ! On va essayer de faire mieux, mais la saison est longue, il ne faut pas s’impatienter, il faut rester concentré match après match, et on verra ce que ça donnera. Le premier objectif est de se qualifier pour les play-offs, puis d’aller le plus loin possible. »
Justement, Hradec est un club qui est souvent très bien classé, qui va loin dans les compétitions, on se souvient ainsi aussi qu’en 2020 vous aviez atteint, avant de la perdre, la finale de la Ligue des Champions. Que vous manque-t-il encore pour aller jusqu’au bout ?
« Ça se joue souvent à des petits détails, c’est déjà très difficile, surtout à ce niveau-là, d’atteindre la finale. Il faut travailler plus dur que l’adversaire, gagner des matchs, être constant... Après, quand on arrive en finale, le corps est fatigué mais il faut tout donner, et ce n'est pas si facile. Il y a plein de choses qui entrent en ligne compte. »
La saison dernière, Třinec a décroché un quatrième titre de champion consécutif, et le club vise donc un cinquième titre de suite, ce qui lui permettrait d’égaler un record datant des années 1990. Třinec est un club que l’on connait un peu moins bien, qui se trouve dans l’extrême-est de la Tchéquie, à proximité de la frontière avec la Pologne. Comment expliquer sa domination sur le hockey tchèque?
« C’est vrai qu’ils sont toujours au rendez-vous pendant les phases finales même si, des fois, pendant la saison régulière, ils ne finissent pas dans les quatre premiers. Le fait est qu’ils sont toujours prêts quand démarrent les play-offs. Ils ont toujours eu de bonnes équipes, un bon recrutement, beaucoup d’expérience. Ils ont des joueurs expérimentés qui savent comment faire, Třinec est une des meilleures équipes du championnat. »
Cette saison, quels sont les autres favoris selon vous ? On parle beaucoup de votre ancien club, Pardubice, qui s’est bien renforcé. Pardubice est un club historique du hockey tchèque, ce que vous savez très bien puisque vous y avez évolué pendant vos deux premières saisons en Tchéquie. On parle aussi du Sparta Prague, forcément, ou encore de Kometa Brno. Quel est votre avis ?
« Pardubice, bien sûr, qui a fait un gros recrutement et qui a une grosse équipe depuis quelques années. Třínec, Sparta, ce sont des top équipes qui seront dans le haut du classement. Brno, je ne sais, mais je dirais que pour ce qui est de ces trois-là, c’est à peu près sûr : Třínec, Sparta, Pardubice. »
Et Hradec ?
« Et Hradec, exactement ! »
« Je ne pensais pas rester si longtemps »
Vous êtes arrivé en Extraliga en 2017, à Pardubice, qui est le grand rival de Hradec Králové en Bohême de l’Est. Vous avez maintenant 28 ans, bientôt 29 au mois d’octobre. Vous voici donc bien installé en Tchéquie, pensiez-vous réaliser un tel parcours lorsque vous êtes arrivé ?
« Non, pas du tout. Je ne pensais pas rester aussi longtemps. J’ai eu la chance d’avoir directement décroché ma place dans une grande ligue d’Europe, dans une bonne équipe comme Pardubice. Après Pardubice, j’ai eu la possibilité de signer un autre contrat à Hradec. À Hradec je me suis bien senti, je m’y plais bien, on a toujours eu de bonnes équipes et des chances de gagner le titre chaque saison. Comme vous l’avez dit on a joué la finale de la Ligue des champions, l’année dernière la finale du championnat, et l’année précédente on avait fini premiers de la saison régulière. C’est toujours plaisant d’être dans une équipe qui se bat pour le titre. Il y a une bonne ambiance dans l’équipe, je me plais vraiment bien à Hradec avec mes deux enfants et ma conjointe qui m’accompagnent dans cette aventure. »
Si on parle plus largement du hockey tchèque, l’équipe nationale affiche depuis plusieurs années déjà des résultats assez décevants, que ce soit aux championnats du monde ou aux Jeux olympiques. Les équipes nationales de jeunes souffrent elles aussi souvent de la comparaison contre les grandes nations du hockey. Par rapport à ça, comment situeriez-vous le niveau de cette Extraliga tchèque, un championnat dans lequel évoluent beaucoup de joueurs étrangers ?
« Le championnat tchèque fait toujours partie des meilleures ligues d’Europe. Il est dans le Top 5, et les cinq se valent et se tiennent plus ou moins. On a donc la Suède, la Tchéquie, la Suisse, l’Allemagne et la Finlande. On l’a bien vu en Ligue des champions, où une équipe tchèque comme la nôtre a atteint la finale, contre une équipe suédoise. »
Malgré les résultats décevants de l’équipe nationale, les salles de hockey en Tchéquie restent très bien remplies, avec souvent même des affluences qui sont supérieures à celles des clubs de l’élite du football tchèque, notamment l’hiver bien évidemment. Beaucoup de clubs tchèques possèdent aujourd'hui de très belles patinoires, nouvelles, modernes, est-ce là aussi un élément qui vous pousse à poursuivre votre carrière en Tchéquie ?
« C’est sûr qu’il est plus plaisant de jouer dans une patinoire devant 7 000 ou 10 000 personnes que dans une patinoire avec 2 000 places. Les fans tchèques sont réputés pour mettre une bonne ambiance. À tous les matchs, c’est le cas, les spectateurs et les supporters des deux équipes nous poussent. Et puis, c’est vrai, il y a de très belles infrastructures, que ce soit à Prague, à Třínec, à Liberec, et ailleurs encore. La patinoire de Pardubice aussi est très grande. Tout est fait en Tchéquie pour que le hockey soit populaire. »
Justement, à des fans de hockey, français ou étrangers, qui viendraient passer quelques jours en Tchéquie et souhaiteraient assister à un match d’Extraliga, quelles sont les salles ou les ambiances que vous leur conseilleriez pour vivre la meilleure expérience possible du hockey tchèque ?
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« Le mieux, ce sont les matchs de play-offs, peu importe l’équipe, parce que les phases finales sont vraiment quelque chose à part. Il y a une hausse du niveau de jeu et une grande ferveur des supporters. Et si c’est durant la saison régulière (52 matchs au total), je dirais d’aller assister à un Hradec-Pardubice, un bon derby, une superbe ambiance... C’est sûr, ils ne seront pas déçus ! »
Et puis on ne peut pas parler de hockey tchèque sans parler de Jaromír Jágr, qui, malgré son âge canonique, reste toujours à Kladno. Kladno, qui possúpde le petit budget de l’élite tchèque, est parvenu à s’y maintenir. Jágr en est le propriétaire tout en continuant à jouer et à disputer certains matchs. Que vous inspire sa longévité ?
« Jágr, c’est une légende ! Une légende mondiale, tout le monde le connaît, à lui seul il remplit les patinoires partout dans le pays. De par sa carrière, son expérience, vraiment c’est une légende qui a marqué le hockey mondial, et il continue de le marquer à travers sa longévité, il joue toujours à plus 45 ans (à 51 ans, en réalité). C’est beau ce qu’il fait, chapeau !