Sir Simon Rattle s'engage avec la Philharmonie tchèque,« l'un des plus grands orchestres du monde ! »
Le célèbre chef d’orchestre britannique Sir Simon Rattle est à Prague cette semaine pour une série de trois concerts au Rudolfinum avec la pianiste chinoise Yuja Wang. À cette occasion, le mari de la mezzo-soprano tchèque Magdalena Kožená a annoncé la signature d’un contrat avec l'Orchestre philharmonique tchèque à partir de la saison prochaine. Entretien.
Qu'est-ce qui vous a poussé à accepter l'invitation à devenir premier chef invité de la Philharmonie tchèque ?
Sir Simon Rattle : « Oh, c'était un pur plaisir. Je suis tombé amoureux de l'orchestre la première fois que je suis venu le diriger. Bien sûr, je les connaissais depuis des années, mais quand on dirige, c'est différent. »
« Je me suis dit que c'était une relation que j'aimerais entretenir, que je ne voulais pas être un simple invité occasionnel, mais que j'aimerais faire partie intégrante de cette institution. »
« Et bien sûr, c'est l'un des plus grands orchestres du monde ! J'espère que tout le monde dans ce pays le sait. C'est donc égoïste. J'aime l'orchestre et je veux continuer à faire de la musique avec lui. »
Quelles ont été vos premières rencontres avec cette institution, comme vous l'appelez ?
« Je suis fan depuis mon enfance. C'est en achetant des enregistrements [du label tchécoslovaque] Supraphon que j'ai entendu ce son très inhabituel et spécial de l'orchestre : des couleurs vives, très alertes et vivantes, beaucoup de personnalité et d'énergie. C'est donc quelque chose que j'ai toujours eu en tête ; je n'aurais jamais imaginé que plus tard dans ma vie, je ferais partie de la famille. »
Hommage au grand chef d'ocrchestre tchèque Rafael Kubelík
Vous avez fait ajouter les mots « Chaire Rafael Kubelík » à votre titre. Pourquoi avez-vous fait cette demande ?
« Oh, ce n'est pas du tout moi qui ai fait cette demande. C'est l'orchestre qui a fait cette demande. J'ai suivi Rafael Kubelík quand j’étais jeune musicien et, d'une certaine manière, cela changé ma vie de l’écouter travailler. »
« Pour moi, c'est très émouvant, parce qu'il fait partie intégrante de la raison pour laquelle je suis musicien et de la manière dont je suis musicien. Et aussi à cause de la façon dont il traitait les gens : il y avait chez lui ce côté menschlich, ce côté humain. »
« Bien sûr, je dirige aujourd'hui son ancien orchestre, à Munich. Et on sent son esprit sur place ; c'est un endroit où les gens se traitent avec amour et respect. Et cela vient de lui. »
Avez-vous rencontré Rafael Kubelík dans votre jeunesse ?
« Je n'ai jamais eu le courage d'aller le saluer. C'était vraiment stupide, mais qu'aurais-je dit ? Je ne sais pas [rires]. »
Qu'attendez-vous le plus de cette collaboration avec la Philharmonie tchèque ?
« Nous passons de très bons moments ensemble. C'est très chaleureux, ce sont des gens très drôles. Et on a l'impression qu'il n'y a pas de limite à ce qui est permis. Je pense donc que nous allons explorer et passer un bon moment. »
« Il y a un son très spécial dans cette belle salle [la salle Dvořák du Rudolfinum], et l'orchestre a appris à utiliser ce son et à le produire. Car ce n'est pas facile. C'est beaucoup plus petit que la plupart des salles de concert, mais il y règne une magie particulière - et l'orchestre sait comment exploiter cette magie. »
Les sept péchés capitaux et bien d'autres choses encore
Quels sont vos projets avec l’Orchestre philharmonique tchèque ? Des compositeurs que vous aimeriez jouer en particulier ?
« C’est intéressant parce qu’à chaque fois que je viens ici j’ai une nouvelle idée. La saison prochaine nous jouerons Les sept péchés capitaux de Kurt Weill, qui est une partition que la Philharmonie tchèque n’a jamais joué – les musiciens vont adorer et l’interpréter à merveille. »
« Dans le passé cet orchestre était assez conservateur et jouait souvent les mêmes choses, de manière exceptionnelle mais avec un répertoire assez restreint. Même le répertoire romantique n’a pas été beaucoup joué, pas beaucoup de Schumann ni de Wagner ou Bruckner, pas beaucoup de musique française, pas beaucoup de musique britannique et pas beaucoup de Haydn par exemple. Il y a beaucoup de choses à explorer »
« Et ce sera amusant de voir les couleurs apportées par cet orchestre, parce qu’ils sont passés maîtres dans l’art de donner des teintes variées et différents tons – c’est très inhabituel et je me réjouis de voir comment ils vont appréhender les nouvelles idées aussi. »
Vous avez bien sûr une épouse tchèque, Magdalena Kožená. Combien de temps passez-vous à Prague ?
« Je pense qu'au fil des ans, nous avons beaucoup passé de temps ici et continuerons à le faire. J'ai évidemment passé beaucoup de temps à Brno, d'où elle est originaire. Mais j'ai aussi exploré la campagne. Je pense donc que nous serons de plus en plus présents dans ce pays. »