À l’origine, le métro de Prague aurait dû être… un tramway souterrain !

La station Hlavní nádraží

Le métro de Prague a 50 ans ! À cette occasion, nous vous invitons à découvrir quelques-unes des stations emblématiques du réseau métropolitain de la capitale tchèque. Dans cet épisode, nous faisons halte à la Gare centrale, sur la ligne C, où notre guide Martin Karlík, de l’organisation Prague City Tourism, nous présente le projet curieux de tramway souterrain qui a précédé celui du métro.

Hlavní nádraží, en français la gare centrale, compte parmi les premières stations du métro de Prague. Cependant, celles et ceux qui connaissent bien le métro de la capitale tchèque auront remarqué que l’agencement de la station diffère singulièrement de celui de ses voisines Florenc et Muzeum, pourtant inaugurées au même moment. À Hlavní nádraží, en effet, il n’y a ni de quai central ni de voies de part et d’autre de celui-ci, mais, à l’inverse, des voies adjacentes et deux quais séparés. Quelle est donc la raison de cette configuration particulière, par ailleurs peu pratique lorsque l’on est habitué au fonctionnement de presque toutes les autres stations du métro de Prague ?

Martin Karlík | Photo: Šárka Ševčíková,  ČRo

« La raison pour laquelle il en est ainsi à la gare centrale est très simple. Cela tient au fait que cette station de métro, à l’origine, devait être un arrêt de tramway souterrain, lequel n’a finalement jamais vu le jour. D’ailleurs, lorsque les travaux ont débuté, il était encore question d’y faire circuler de tels tramways. Ces derniers auraient fonctionné pendant quelques années, jusqu’au jour où, ne suffisant plus, ils auraient été reconvertis en métro. Ce n’est qu’une fois les travaux lancés que le projet a finalement été modifié en faveur d’un métro. Il était toutefois trop tard, car il était déjà prévu à Hlavní nádraží que la sortie de la rame s’effectue du côté droit. C’est là une petite curiosité, qui n’en est plus tout à fait une d’ailleurs, car, plus tard, dans les années 1990, certaines nouvelles stations ont été configurées de la même façon. Mais il est vrai que parmi les stations les plus anciennes du métro de Prague, les stations de la gare centrale et de Vyšehrad, qui s’appelait alors Gottwaldova, se distinguent des autres par leur sortie de la rame du côté droit. »

La station Hlavní nádraží | Photo: Paul-Henri Perrain,  Radio Prague Int.

Quels auraient été les atouts d’un tramway souterrain par rapport à un tramway ordinaire ?

Un tramway souterrain à Brno  | Photo: Kirk,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0

« Avec un tramway souterrain, il n’y aucun risque qu’une voiture stationne sur les voies ou que des accidents se produisent aux intersections ; ce qui arrive parfois à Prague. Il y avait donc un avantage certain. Cependant, un tramway souterrain a une capacité moindre qu’un métro. Le tramway souterrain était une solution hybride, à mi-chemin entre le tramway et le métro : c’était mieux qu’un tramway en surface mais un peu moins bien qu’un métro. Pourquoi ont-ils envisagé de le construire ? Parce que cela aurait coûté moins cher. Mais après mûre réflexion, il a été admis qu’une éventuelle transformation ultérieure du réseau de tramway souterrain en un réseau métropolitain s’avérerait particulièrement difficile et coûteuse et qu’il valait mieux, par conséquent, construire d’emblée un métro. »

La question de la construction d’un réseau métropolitain à Prague est restée pendant de nombreuses décennies un serpent de mer. Évoqué dès la fin du XIXe siècle, le sujet a été à plusieurs reprises retoqué et ajourné. Qu’est-ce qui a motivé le gouvernement communiste de l’époque à finalement franchir le pas ?

« Le trafic à Prague était particulièrement dense, Prague commençait à croître significativement et l’idée d’un métro s’est alors imposée. Pourtant, quand les communistes ont pris le pouvoir, la situation était tout autre à Prague. Les investissements se faisaient en priorité dans l’industrie chimique, métallurgique et minière à Kladno, Ostrava, Most ou Litvínov, et Prague se vidait alors de ses habitants. Puis la tendance a fini par s’inverser. Les appartements ont été rénovés, de nouveaux grands ensembles d’immeubles sont sortis de terre et l’industrie a aussi trouvé sa place à Prague. La croissance de la ville attirait toujours plus d’habitants et la nécessité de s’équiper d’un métro se faisait ressentir. Il faut s’imaginer que les rues étaient alors aussi encombrées qu’elles le sont aujourd’hui. Il y avait certes moins de voitures, mais il n’existait pas encore de périphérique, seulement des ‘magistraly’ - de grandes artères. Par conséquent, tous les camions qui empruntent aujourd’hui les autoroutes dans la banlieue de Prague, passaient alors par le centre-ville. Ce trafic gênait donc la circulation des tramways et des bus, et c’est à partir de ce constat que le métro est apparu comme un choix évident. »

Par conséquent, le projet initial de tramways souterrains est resté lettre morte. Aucun de ces tramways n’a jamais circulé ?

« Le tramway souterrain n’a jamais circulé à Prague. Cependant, le projet de développer un tel système à Prague a conduit à la conception accélérée du mythique tramway T3. Les tramways antérieurs au T3 comprenaient encore de nombreux éléments en bois dans leur structure, ce qui représentait un grand danger en cas d’incendie dans un tunnel. Il fallait donc concevoir un nouveau type de tramway composé de matériaux ininflammables. C’est ainsi que le T3 a vu le jour. Et bien qu’ils n’aient jamais circulé sous terre, nous disposons toujours de ces beaux tramways aujourd’hui à Prague. »

Pouvez-vous également nous dire quelques mots sur l’histoire du magnifique bâtiment de la Gare centrale situé au-dessus de la station de métro Hlavní nádraží ?

La Gare centrale de Prague | Photo: Paul-Henri Perrain,  Radio Prague Int.

« Cette gare a été construite dans les années 1870 et était alors surnommée la ‘gare castrale’ (en tchèque, zámecké nádraží), car elle ressemblait à un château. Cependant, trente ans après son inauguration, la gare arrivait déjà à saturation tant le développement du ferroviaire était spectaculaire. Le projet d’un nouveau bâtiment était donc à l’étude. L’appel d’offres a finalement été remporté par l’architecte Josef Fanta qui s’est inspiré de la Gare du Nord à Paris, qui faisait alors référence en Europe et dont il a repris l’idée d’une grande halle et l’agencement des voies. »

Le bâtiment Fanta | Photo: Paul-Henri Perrain,  Radio Prague Int.
Entrée du nouveau hall de la Gare centrale | Photo: Paul-Henri Perrain,  Radio Prague Int.

« La ‘gare castrale’ a ainsi été progressivement démantelée et remplacée par un nouveau bâtiment de style Art nouveau, un bâtiment splendide dont la construction a nécessité près de huit années. Le clou du projet a été la construction de l’immense halle qui permet aux voyageurs de s’abriter en cas d’intempéries. Ce beau bâtiment constituait une véritable porte d’entrée de la ville de Prague jusque dans les années 1970 quand une nouvelle phase de travaux a été entreprise. Beaucoup se sont alors enthousiasmés. Ils pensaient que les travaux rendraient la gare plus lumineuse, moderne et mieux connectée aux autres modes de transport, mais malheureusement tout cela s’est fait un peu au détriment du bâtiment Fanta d’origine. »

En près de 150 ans d’existence, la Gare centrale a-t-elle toujours porté le même nom, à savoir Hlavní nádraží ?

Halle et quais de la Gare centrale | Photo: Paul-Henri Perrain,  Radio Prague Int.

« Non, elle avait été initialement baptisée ‘Gare de l’empereur François-Joseph’ (nádraží císaře Františka Josefa), puis, sous la Première république, ‘Gare Wilson’ (Wilsonovo nádraží) du nom du président américain Woodrow Wilson. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle a troqué son nom de ‘Gare centrale’ (Hlavní nádraží), pour celui de ‘Gare Wilson’ à nouveau. Cependant, en 1953, elle est redevenue la ‘Gare centrale’ (rires) et elle a conservé ce nom y compris après la révolution de Velours, ce qui est logique puisque c’est la plus grande et la plus importante des gares de Prague. »

Nouveau hall de la gare centrale | Photo: Paul-Henri Perrain,  Radio Prague Int.

Le saviez-vous ?

En cette année particulière pour le métro pragois, la Société des transports de Prague (DPP) a développé un jeu de géolocalisation baptisé « Metro 50 ». Dans ce jeu pour smartphones, les participants sont invités à partir à la découverte des curiosités du métro qu’ils empruntent quotidiennement en répondant à une série de questions dans chacune des 61 stations qui composent le réseau de la capitale tchèque. Deux parcours sont proposés, pour les adultes et pour les enfants. Une surprise attend tous les joueurs qui obtiennent au moins 750 points !

Source: DPP
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