Nouveau documentaire sur les Tchèques qui se disent heureux… grâce au tantra

'Tantra'

« Le tantra n’est pas une philosophie, ce n’est pas non plus une religion qui vous dicte en quoi vous devez croire. Le tantra est une carte de l’expérience humaine. Vous allez l’expérimenter et ce voyage emmènera chacun de vous à un endroit différent », explique un animateur britannique de stages de tantra en République tchèque dans le documentaire du réalisateur et scénariste Benjamin Tuček, sorti en salles le 10 mars dernier. Le tantra est un courant très ancien de l’hindouisme. Pratiqué de plus en plus souvent dans les pays occidentaux comme en République tchèque, sous forme de séminaires et de stages de plusieurs jours, plusieurs semaines ou plusieurs années, le tantra est devenu, dans l’Europe au XXIe siècle, synonyme de l’épanouissement personnel par la voie de la sexualité. Une pratique qui reste tout de même, pour les non initiés, entourée de mystère, de tabous et de préjugés, de nombreux Tchèques confondant les séances de tantra avec des soirées échangistes. Benjamin Tuček a essayé de lever le voile sur ce phénomène…

Benjamin Tuček
Le film « Tantra » n’est pas une initiation à cette pratique qui devrait permettre à l’humain d’atteindre une forme d’extase physique est spirituelle. Le thème est délicat, le tournage l’a été aussi. Benjamin Tuček a mis deux ans à réaliser son documentaire. Ces deux années ont été remplies de rencontres, dans le cadre des stages de tantra et en marge de ceux-ci, de dialogues. Au bout des deux ans, certains adeptes du tantra sont devenus amis du cinéaste. Cette approche personnelle, intime et sincère des deux côtés de la caméra a été essentielle : de nombreuses scènes ont donc été tournées pendant les séminaires de tantra, où se déroulent différents exercices qui apprennent la connaissance de son propre corps, dont le travail avec la respiration, les massages… Ils font aussi, chez beaucoup de personnes, ressurgir toute sorte de problèmes, surmonter les traumatismes de l’enfance.

Benjamin Tuček a voulu savoir à quel point le tantra était, comme un peu toutes les pratiques spirituelles orientales, une question de mode et pourquoi le tantra trouvait une telle résonnance en République tchèque. On l’écoute :

'Tantra'
« Tout au début, je me disais, et c’était une motivation pour tourner ce film, que cela pouvait être effectivement quelque chose de suspicieux, une bande d’imposteurs. Mais non, ce n’était absolument pas le cas. Ces cours sont basés sur le principe que tout est strictement volontaire. On n’oblige personne à faire quoi que ce soit. Nous avons remarqué dès le début du tournage que ce sont très fréquemment les femmes qui initient les cours de tantra. Les femmes sont beaucoup plus pudiques que les hommes, je pense qu’elles ne resteraient jamais dans un milieu où elles ne sentiraient pas bien. »

« Je ne me sentais pas heureuse. J’avais tout ce que l’on peut désirer : un homme qui m’aime, des enfants magnifiques, autant d’argent que je voulais... Mais je n’étais pas heureuse. Je me sentais vide, inutile et j’ai commencé à chercher pourquoi. »

'Tantra'
Cette jeune femme aux cheveux blonds, que l’on devine artiste, fait partie, avec son mari, des adeptes du tantra qui se sont confiés au réalisateur. Elle et son mari racontent comment ils sont arrivés, par le biais du tantra, à redonner des couleurs à leur vie de couple, alors qu’ils avaient été sur le point de se séparer. A l’origine du film, il y a une autre femme, une mère célibataire, l’amie du réalisateur, qui venait de traverser un période difficile, mais qui a trouvé grâce au tantra un équilibre dans la vie, une résolution aussi de ses problèmes de longue date avec son père. Nous écoutons, dans le film, le témoignage de la compagne de l’animateur renommé des cours du tantra, John Hawken, une jeune Tchèque qui s’était lancée dans la pratique du tantra après avoir quitté son travail pour les institutions européennes à Bruxelles qui ne la satisfaisait pas. Une actrice tchèque, Simona Babčáková, évoque, elle aussi, ses impressions après un séminaire tantrique. De même que plusieurs hommes – participants réguliers aux stages – certaines séances n’étant que masculines.

Simona Babčáková
Tous ces gens affirment que le tantra a donné une autre dimension à leur vie, sexuelle, mais pas seulement. Benjamin Tuček :

« Nous avons rencontré des filles de 18, 19 ans, qui n’étaient intéressées que par la connaissance de leur corps. Elles se demandaient pourquoi tout le monde parlait du sexe, alors qu’elles n’y voyaient rien de spécial. Ensuite, les cours sont fréquentés par beaucoup de gens d’âge moyen qui ont des problèmes de couple. Beaucoup de participants ont d’autres expériences thérapeutiques, certains sont masseurs ou physiothérapeutes. Ils voient des choses dans leur complexité et ne perçoivent par le tantra comme un dogme, comme une solution absolue à tous les problèmes. »

Dans son film, Benjamin Tuček s’adresse également aux animateurs des cours de tantra.

'Tantra'
« Ces gens-là, qu’on le veuille on non, savent créer un milieu protégé, intimiste et agréable. Ce qui manque peut-être aux participants aux séminaires dans la vie réelle. Voilà pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à prendre part à ces cours et pourquoi, et j’en reviens aux femmes, elles sont nombreuses à les initier. »

Benjamin Tuček a cherché parmi ses interlocuteurs, en vain, une voix critique à l’égard du tantra. Quel est le bilan qu’il en tire lui-même de ces deux années passées en compagnie des amateurs du tantra ?

'Tantra'
« Chacun d’entre nous a des problèmes. Et chacun cherche, de son côté, la façon de les résoudre. Moi, personnellement, je ne choisirais pas la voie du tantra. Mais je n’oserais pas porter un jugement sur les gens qui ont opté pour cette pratique. Au contraire, cela m’a intéressé et je me suis par exemple posé des questions à savoir pourquoi je ne me sens pas interpellé au point de participer à ces séminaires. »

La communauté tantrique tchèque compte plusieurs centaines de personnes. A noter que les cours de tantra organisés en République tchèque sont également fréquentés par des Slovaques et des Polonais – une preuve que la société tchèque est peut-être plus tolérante qu’on ne pourrait le penser…