Nouvel archevêque de Prague : avec Jan Graubner, peu d’espoir de changement
Le Saint-Siège a mis quatre ans pour désigner le nouvel archevêque de Prague. Le nom du successeur du cardinal Dominik Duka, à la tête de l’archidiocèse de Prague depuis 2010, a été annoncé vendredi 13 mai par le Vatican. C’est Jan Graubner, 73 ans, jusqu’à présent archevêque d’Olomouc et, pendant de longues années, un des principaux responsables de l’Eglise catholique tchèque qui occupera désormais ce poste prestigieux. Un choix surprenant, pour plusieurs raisons.
« Ceux qui attendait du nouvel archevêque de Prague des changements importants, sont sans doute déçus », a déclaré le politologue Petr Kratochvíl dans une interview pour le quotidien Deník N. « Moi-même, je suis très surpris et désappointé. Certains candidats étaient bien plus jeunes », a ajouté le politologue. Parmi les prétendants à ce poste figurait effectivement l’archevêque de Plzeň Tomáš Holub, âgé de 53 ans et qui représente le courant progressiste au sein de l’Eglise tchèque. Les médias ont également cité les noms de l’archevêque de Hradec Králové, Jan Vokál, ou encore de deux quinquagénaires : du théologien Jaroslav Brož et du prêtre et universitaire Jan Kotas.
L’âge avancé du nouvel archevêque de Prague laisse en effet peu d’espoir qu’il puisse introduire de quelconques changements. En 2023 déjà, l’année de ses 75 ans, Jan Graubner devra remettre au pape sa démission aux fonctions archiépiscopales, même s’il est probable qu’il soit maintenu à son poste pendant deux ou trois années supplémentaires encore, comme cela a été le cas de son prédécesseur Dominik Duka, âgé actuellement de 79 ans.
L’historien Jaroslav Šebek estime, tout comme de nombreux autres spécialistes sur le sujet, que Jan Graubner est un « archevêque de transition », dont la nomination laisse au Vatican quelques années supplémentaires pour choisir une personnalité plus marquante et peut-être plus réformiste :
« Apparemment, il était très difficile de trouver le nouvel archevêque de Prague. Ces quatre années d’attente témoignent de problèmes internes de l’Église tchèque. Elle est confrontée à un manque de personnalités. (…) Jan Graubner, comme j’ai pu le connaître, est très orienté vers l’action pastorale. Il consacre beaucoup de temps à la réflexion spirituelle. Par exemple, il a été très influencé par son expérience avec le Covid-19, qui lui a presque coûté la vie. Tout cela se reflètera sans doute dans son nouvel engagement. (…) Sa nomination m’a beaucoup surpris, parce qu’il a toujours vécu et exercé en Moravie, à laquelle il est très attaché. Du coup, il va se retrouver à Prague, dans un milieu absolument différent, qui représente une tout autre mentalité. »
Originaire de Moravie, cette région qui compte traditionnellement un nombre de croyants pratiquants plus élevé que la Bohême, Jan Graubner est considéré comme un représentant de l’aile conservatrice de l’Eglise tchèque. Né dans une famille de commerçants persécutée par le régime communiste, il a dû travailler un an comme ouvrier avant de pouvoir entamer des études de théologie, puis d’entrer au séminaire. Devenu archevêque d’Olomouc en 1992, il a présidé pendant de nombreuses années la Conférence des évêques tchèques, étant donc à la tête de l’Eglise catholique, la plus importante communauté religieuse du pays.
Tout comme le cardinal Dominik Duka, auquel il succède au poste d’archevêque de Prague, Jan Graubner a été soupçonné d’avoir dissimulé des cas d’abus sexuel dans le milieu de l’Eglise. A la différence du cardinal, il n’est pas rattaché aux milieux politiques et il s’est même opposé aux liens entretenus par le passé entre l’archevêché de Prague et le parti d’extrême-droite SPD.
Jan Graubner sera investi dans sa chargé d’archevêque de Prague début juillet, après l’arrivée en République tchèque du nouveau nonce apostolique Jude Thaddeus Okolo.