Pavel Bělobrádek au congrès des Allemands des Sudètes : les violences ne doivent pas être oubliées
« Je ne suis pas venu pour m’excuser ni pour me réconcilier avec vous, comme le prétendent de nombreuses personnes en République tchèque. Je suis venu vous rendre visite. » C’est par ces propos que le vice-Premier ministre tchèque et président du parti chrétien-démocrate (KDU-ČSL), Pavel Bělobrádek, a entamé son discours devant plusieurs milliers de participants au congrès des Allemands des Sudètes qui s’est tenu ce week-end à Augsbourg, en Bavière. Si Pavel Bělobrádek a été accueilli avec enthousiasme à ce congrès organisé depuis 68 ans par les Allemands expulsés de la Tchécoslovaquie après la Seconde Guerre mondiale et par leurs descendants, sa présence à Augsbourg a divisé la scène politique tchèque.
Même si le chef des chrétiens-démocrates tchèques a déclaré qu’il avait, tout simplement, accepté une invitation à une fête, sa présence à la rencontre est perçue, dans les deux pays, comme un geste politique clair. Un geste d’amitié salué par les « compatriotes allemands », ainsi que par une partie de la société tchèque, une démarche inacceptable pour d’autres. C’est un message important, certes, étant donné que le vice-Premier ministre est le plus haut représentant politique tchèque à avoir jamais participé à un congrès des Allemands des Sudètes. L’année dernière, Pavel Bělobrádek a été précédé par son collègue du parti chrétien-démocrate, le ministre de la Culture Daniel Herman, qui était alors le tout premier membre d’un gouvernement tchèque à assister à cette rencontre.
Après la Deuxième Guerre mondiale, presque trois millions d’Allemands des Sudètes, la région frontalière de la Bohême et de la Moravie, ont été expulsées de Tchécoslovaquie et leur biens ont été confisqués, tout cela en vertu des décrets Beneš. Selon les estimations des historiens, entre 15 000 et 30 000 membres de la minorité allemande ont péri lors de ce déplacement forcé et violent.
Dans son discours, Pavel Bělobrádek a déclaré :
« Cela ne doit plus jamais se reproduire. Il n’est plus acceptable de forcer des civils à quitter leur domicile à cause de leur nationalité, leur religion ou leur origine ethnique. Hélas, nous avons assisté, même récemment, à ces injustices. Celles-ci se produisent dans de nombreux pays, mais pas au sein de l’Union européenne. Cela souligne son importance. Je suis heureux qu’il y ait le drapeau européen en tête de votre défilé. »Depuis la chute du communisme qui a ouvert un large débat sur ce sujet ô combien douloureux des relations tchéco-allemandes, celles-ci ont évolué : en 2013, l’ancien Premier ministre Petr Nečas, du Parti civique démocrate ODS, a officiellement exprimé les regrets de la République tchèque pour les violences qu’a subies la population germanophone en Tchécoslovaquie dans l’après-guerre. Pour sa part, l'association des Allemands des Sudètes a décidé de laisser tomber la revendication de récupérer les biens confisqués dans le cadre des décrets Beneš.
Même si, lors du congrès bavarois, les représentants tchèques et allemands ont déclaré vouloir se tourner vers le futur, notamment vers le développement de la coopération entre régions et communautés, même si, comme l’a rappelé la presse tchèque « 72 ans après la guerre, personne n’exige plus rien », le geste du vice-Premier ministre Pavel Bělobrádek a provoqué les protestations d’une partie de la scène politique tchèque. Pour le parti communiste, ainsi que pour certains représentants de l’ODS, il s’agit d’une démarche « inappropriée et inacceptable ». La réaction a été plus nuancée du côté de la social-démocratie, principal parti de la coalition gouvernementale : ses représentants ont déclaré qu’ils respectaient la décision du vice-Premier ministre de participer au congrès des Allemands des Sudètes, tout en précisant qu’il s’agissait « d’une initiative personnelle » de Pavel Bělobrádek.