Pays du tourisme

Dans cette période de l'Avent, où nous attendons tous impatiemment l'arrivé de l'Enfant-Jésus, je voudrais vous inviter dans une église pas comme les autres; non seulement parce qu'elle est l'unique église pragoise où les messes sont célébrées en français, une fois par semaine, mais parce qu'elle abrite une surprise - la célèbre statuette de l'Enfant-Jésus de Prague.

L'église Notre-Dame-de-la-Victoire se trouve dans l'un des plus anciens quartiers de Prague, Mala Strana. Sa large façade est cachée derrière les cimes immenses de deux châtaigniers dont les branches dépourvues de feuilles en cette période d'hiver laissent passer le bruit de la rue Karmelitska; le tintement des trams, le grondement des automobiles ou les cris des enfants sortant de l'école voisine. Mais celui qui monte l'escalier en pierre et pousse la lourde porte se retrouve dans l'univers du calme, de la paix et de la méditation?

Les gens qui entrent dans l'église, ces jours-ci, sont beaucoup plus nombreux que d'habitude. Ils restent assis sur les bancs, ils prient peut-être, mais le plus souvent leurs pas se dirigent vers un autel latéral où se trouve le légendaire Enfant-Jésus de Prague, habillé de vêtement richement brodé, avec une couronne sur la tête. Il bénit les venus avec un sourire suave et mystérieux. Le mur autour de l'autel avec l'Enfant-Jésus est couvert de dizaines de plaques portant les écritures suivantes: merci d'avoir sauvé notre fils, merci pour ton aide, pour la guérison, grazie, thanks, gracias?

Une légende veut que, non loin de Séville, deux moines rescapés vécurent dans les ruines d'un monastère détruit à la suite des incursions mauresques du début du XIIe siècle. L'un d'eux, Joseph, fut connu pour son respect à l'égard de l'enfance de Jésus-Christ et de la Sainte famille de Nazareth. Un jour, un enfant d'une beauté extraordinaire lui apparut en songe l'invitant à prier. Lorsque le moine prononça les mots "béni soit le fruit de vos entrailles", Jésus sourit et dit: "C'est moi?" - et disparut. Depuis, Joseph essaya de modeler le visage de l'enfant. En vain. Mais grâce à ses prières ardentes, l'enfant réapparut un jour en disant: "Je suis venu pour que tu me voies et pour que tu puisses terminer ton oeuvre". Lorsque Joseph eut terminé son travail, il prit sa tête entre les mains pour ne plus jamais se réveiller. Les anges auraient emporté son âme au paradis?

Si l'Enfant-Jésus est venu au monde ainsi, on ne le sait pas, mais selon les historiens, sa naissance remonte au XVIe siècle où son culte se répandit grâce à Sainte-Thérèse-de-Jésus - patronne d'Espagne et fondatrice de l'ordre des carmélites déchaussées. Parmi les jeunes filles espagnoles qui entraient dans les couvents des carmélites, il y avait aussi la noble Isabelle Manrique de Lara qui obtint de ses amies une statuette de l'Enfant-Jésus - le futur Enfant-Jésus de Prague. Mais comment cette statue se retrouva-t-elle à Prague? C'est la fille d'Isabelle, Marie, qui la prise avec elle lorsqu'elle se maria, en 1556, au seigneur tchèque Vratislav de Pernstejn. Puis, la statue fut offerte à la fille de Marie - Polyxène - également à l'occasion de son mariage. Polyxène resta sans enfant et, lorsqu'elle devint veuve, elle offrit la statue à l'ordre des carmélites de l'église Notre-Dame-de-la-Victoire de Prague. Elle aurait dit à cette occasion: "Je vous donne ce que j'aime le plus au monde. Portez respect à cette statue et vous irez bien". Et elle a eu raison.

C'étaient surtout les moines du couvent des carmélites qui se prirent d'affection pour l'Enfant-Jésus. Tous les jours, ils firent sortir la statue du couvent pour l'exposer à l'église durant la messe. Des histoires insolites commencèrent à se répandre: des gens aveugles ont retrouvé la vue, les sourds l'ouïe et les paralysés rejetèrent leurs béquilles pour se mettre à marcher. Depuis la présence de l'Enfant-Jésus, le couvent alla bien, car le peuple l'honorait et commença à l'appeler Gratiosus Jesulus.

Mais les temps heureux ne durent jamais longtemps. La guerre de Trente Ans ravagea l'Europe et la peste se répandit à Prague, en 1631, en semant la mort partout. Les carmélites quittèrent Prague, leur église fut cambriolée, la statue disparut. Plusieurs années passèrent avant que le curé Cyril ne revienne au couvent. Il se souvient de la statue et la cherche partout. Il finit par la trouver dans l'entrepôt de l'église, couverte de poussière et abîmée. Il la prit, la nettoya et la remit à sa place habituelle dans le choeur. Après avoir prononcé sa prière, il entendit une voix d'enfant: "Ayez pitié de moi et moi, j'aurai pitié de vous. Rendez-moi mes mains et je vous donne en échange ma paix. Si vous me respectez, je serai toujours à votre aide", dit l'enfant. Surpris, le pauvre curé rassembla tout son courage pour écarter l'habit bleu de la statue. En effet, l'Enfant-Jésus n'avait pas de mains. Plusieurs années se sont écoulées avant que Cyril n'ait réussi à réunir la somme nécessaire pour réparer la statue.

L'habit de l'Enfant-Jésus change, selon le calendrier liturgique. Pendant les fêtes de Noël, les soeurs de l'ordre lui mettent l'un des habits les plus anciens et les plus beaux offert, en 1754, par l'impératrice Marie-Thérèse. C'est un habit de velours à riches broderies dorées. L'Enfant-Jésus a au total quatre-vingt habits qui proviennent aussi des pays étrangers.

Auteur: Astrid Hofmanová
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