Petr Nečas fragilisé par une affaire de corruption d’une ampleur sans précédent
C’est le plus retentissant scandale politique et de corruption de l’histoire de la République tchèque. Dans la nuit de mercredi à jeudi, l’Unité de lutte contre le crime organisé (ÚOOZ) a mené une perquisition au siège du gouvernement, ainsi que dans les locaux du ministère de la Défense et de différents organismes d’Etat. Sept personnes, parmi lesquelles la directrice du cabinet du Premier ministre et trois anciens députés du parti civique démocrate (ODS), principale formation de la coalition gouvernementale, ont été inculpées pour différents motifs. Même si l’opposition exige sa démission, Petr Nečas entendait bien, vendredi, rester à la tête du gouvernement.
Ses propos ont certes été clairs, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le Premier ministre a pris son temps avant de réagir à l’information, pourtant publiée tôt dans la matinée, selon laquelle un commando policier avait fait une descente dans les bureaux du gouvernement la nuit précédente. Il aura en effet fallu attendre la fin de l’après-midi pour entendre Petr Nečas donner sa version des faits dans une conférence de presse expédiée, questions comprises, en trois petites minutes, pas une minute et pas une question de plus. Un point presse suffisamment long néanmoins pour que le chef du gouvernement assure de sa volonté de ne pas démissionner, clame son innocence et celle du plus proche de ses collaborateurs, la directrice de son cabinet :
« Concernant l’arrestation de madame Nagyová, je n’ai qu’un seul commentaire à faire : je garde toujours la même confiance en elle et je n’ai aucune raison de penser qu’elle a commis un délit quelconque. »Telle était donc la version défendue jeudi par Petr Nečas, qui exhortait la police et les procureurs à donner les raisons de ces descentes d’une rare envergure. Cela n’a pas tardé. Restée muette jeudi, la police a annoncé, ce vendredi, avoir inculpé sept personnes. L’ancien chef du service de renseignement militaire Ondrej Páleník, son successeur Milan Kovanda et un autre agent du service sont accusés d’avoir organisé et mené des filatures de l’épouse du Premier ministre. L’opération aurait été commandée par la directrice du cabinet du chef du gouvernement, Jana Nagyová, elle aussi arrêtée jeudi et accusée d’abus de pouvoir. Très proche professionnellement de Petr Nečas, Jana Nagyová serait également, selon les médias tchèques, la compagne du Premier ministre, qui a annoncé cette semaine que lui et son épouse avaient engagé une procédure de divorce...
Jana Nagyová, toujours elle, figurerait également dans l’affaire des trois anciens députés membres de l’ODS eux aussi arrêtés jeudi et accusés de corruption. A l’automne dernier, les trois hommes, présentés comme des « rebelles » dans leur propre parti, avaient accepté d’abandonner leurs fonctions à la Chambre basse du Parlement afin de permettre l’adoption d’une loi dite « de stabilisation financière ». En échange de quoi, Petr Tluchoř, ancien chef du club parlementaire de l’ODS, Ivan Fuksa, ancien ministre de l’Agriculture, et Marek Šnajder, ancien vice-ministre de la Santé, avaient obtenu des postes lucratifs dans le management de diverses entreprises publiques. Aujourd’hui, ils sont donc tous les trois accusés de différents délits de corruption, des versements de dessous de table ayant accompagné cet échange de bons procédés, une pratique que le Premier ministre a qualifiée de « normale » dans le monde politique lors de son passage devant les députés vendredi midi. Depuis jeudi, le Parti social-démocrate (ČSSD) exige, comme cela s’entend, la démission de Petr Nečas et de la coalition gouvernementale. Le leader du ČSSD, plus grand parti de l’opposition à la Chambre des députés et régulièrement en tête des sondages depuis plusieurs mois, souhaite également l’organisation dès que possible d’élections législatives anticipées. Selon Bohuslav Sobotka, l’affaire en cours, d’une ampleur sans précédent ces vingt dernières années en République tchèque, constitue une atteinte à la culture politique tchèque, sans préciser ce qu’il entendait par « culture politique tchèque ».