Peut-on offenser le chef de l’Etat en toute impunité ?
Une soixantaine de députés veulent en finir avec les offenses au chef de l’Etat. Toute personne qui outragerait la fonction présidentielle pourrait ainsi être passible d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison. C’est le sens d’une proposition de loi soutenue par ces parlementaires, projet qui, malgré le respect dû au président, ne fait pas l’unanimité.
C’est en tout cas le vœu de Zdeněk Ondráček, député communiste à l’origine de cette proposition de loi sur l’offense au chef de l’Etat, qui estime qu’elle serait nécessaire du fait de l’immaturité de la société civile tchèque :
« Si la société était suffisamment adulte pour réaliser qu’il existe ici la fonction de président de la République et d’autres institutions qui ont un caractère constitutionnel, si nous réalisions que nous avons des symboles nationaux dont nous devons être fiers en tant que bons patriotes, en l’occurrence en tant que Tchèques, eh bien il n’y aurait pas besoin d’une telle loi. »Le parlementaire suggère que depuis l’année 1997, quand le délit d’outrage au président a été supprimé, la République tchèque a suivi une évolution qui justifierait le retour de cette législation. Une chose a clairement changé : le chef de l’Etat est désormais élu au suffrage universel direct, et ce depuis l’élection de M. Zeman. Et l’outrage à la fonction présidentielle contribuerait à entacher le prestige de cette institution.
Zdeněk Ondráček est soutenu dans sa démarche par une soixantaine de députés issus de formations diverses ; on trouve des communistes bien sûr, des membres du mouvement ANO, du parti de l’Aube ou encore du parti social-démocrate. Pour la social-démocratie, il s’agit peut-être d’une façon de se rapprocher du chef de l’Etat, le ministre de l’Intérieur Milan Chovanec ayant récemment déclaré que sa formation devait capitaliser sur la popularité de ce président pourtant également cible de nombreuses critiques.
Les partisans du retour de la loi sur l’offense au président invoquent également l’histoire : ils rappellent que ce délit existait sous la Première République tchécoslovaque, dans l’entre-deux-guerres, quand des personnalités aussi respectées que Tomáš Masaryk et Edvard Beneš étaient à la tête de l’Etat. Pour Josef Baxa, le président de la Cour suprême, ce n’est pas un argument recevable :« Je pense que cette disposition devrait restée là où elle est dans l’histoire du droit pénal. Je ne crois pas qu’il faille aujourd’hui la réintroduire dans la législation pénale. Les personnalités de la vie politique doivent être capables de supporter un niveau élevé de critique. »
La proposition de loi ne fait donc pas l’unanimité. Réagissant sur le réseau social Twitter, le premier ministre, le social-démocrate Bohuslav Sobotka, considère que « le chef de l’Etat mérite le respect », mais que s’il doit choisir entre la liberté d’expression et le retour du délit d’offense au président, c’est la liberté d’expression qui l’emporte. Un avis partagé par d’autres personnalités indépendamment de leur couleur politique, comme le ministre des Finances Andrej Babiš ou bien le député ODS Marek Benda, qu’on écoute :
« Je pense qu’on ne résoudra pas cette question à travers le droit pénal. Surtout, cela ne se résoudra pas en faisant ressortir un acteur, le président, de la sphère publique. D’ailleurs, il s’agit là d’une sorte de privilège royal qui n’est pas adapté à un président normalement, démocratiquement élu. »Le texte, que doit désormais examiner le gouvernement, ne prévoit pas en revanche que le chef de l’Etat soit également tenu de s’abstenir d’offenser tel ou tel groupe de personnes. Miloš Zeman, qui a pour l’heure refusé de commenter la proposition de loi, ne devrait en tout cas pas cette fois-ci s'exposer à des comportements insultants à l'occasion des célébrations du 17 novembre, puisqu'il a annoncé qu'il resterait chez lui.