27 ans après : la réussite économique face à l’incertitude politique
Le rappel du début de la révolution de Velours incombant au 17 novembre 1989 qui a été à l’origine de la chute du régime communiste a offert l’occasion à dresser toutes sortes d’analyses se rapportant au chemin que la société tchèque a au cours de 27 annés écoulées parcourue. Nous vous en présenterons quelques extraits. La polémique autour de la proposition de loi sur l’offense au président de la République, le remaniement ministériel vu par un des deux ministres sortant, la parution d’un nouvel ouvrage consacré au célèbre voyageur explorateur tchèque, Miroslav Zikmund, 97 ans. Tels sont les autres sujets traités dans cette nouvelle revue de presse.
« Le climat d’ouverture au sein de la société tchèque a disparu. Il existe plusieurs explications à cela, dont les écueils que présentent la transformation rapide du monde et la globalisation. Mais la cause principale est ailleurs : tandis qu’en 1989, les gens n’avaient rien à perdre, aujourd’hui, au moment où la société tchèque fait partie des Etats les plus riches de l’Europe et du monde, ils craignent de perdre les certitudes matérielles qu’ils ont acquises au cours des 27 ans écoulés. On peut dire que l’esprit de fermeture va à contre-courant de l’énergie révolutionnaire de l’an 1989 ».
L’enjeu principal pour l’avenir serait donc de trouver un nouveau consensus politique au sein de la société concernant sa future orientation. Autrement dit, il s’agit de choisir entre l’ouverture et un isolement national.
« Le passé est important, voilà pourquoi il ne faut pas l’oublier. Il faut cependant accéder aux événements d’un passé récent de notre histoire avec une certaine réserve et surtout, sans fanatisme. » C’est ce que souligne une note se rapportant au rappel des événements de novembre 1989 qui a été publiée dans le journal internet DenikReferendum. Selon son auteur, « c’est seulement ainsi que l’on pourra amener au moins une certaine partie de la population à vouloir encore aujourd’hui réfléchir sur sa propre histoire ».
Le politologue et enseignant universitaire, Jiří Pehe, constate pour sa part que depuis l’an 1989, la société tchèque a connu une modernisation radicale. C’est pourtant la modernisation économique qui a réussi plus que celles politique et civique. Et de préciser :
« Aujourd’hui, on assiste à un collapsus des partis politiques traditionnels qui cèdent la place à des populistes. La société tchèque semble ne pas savoir où elle appartient. Et, tout en constituant son principal ancrage occidental, c’est même l’appartenance du pays à l’Union européenne qui est mise en doute. Or, sur le plan économique, la Tchéquie est aujourd’hui un pays assez moderne, prospère et globalisé ce qui a été confirmé par une récente étude du Forum économique mondial qui a rangé la Tchéquie à la 13ème position à l’échelle mondiale. Mais, d’un point de vue géo-politique, la Tchéquie est un pays confus qui ne sait pas vraiment où elle appartient, sa politique locale demeurant provinciale. »
L’important est alors de savoir si la politique et la société civique du pays vont se moderniser au point de pouvoir égaler son économie.
L’intérêt de la loi sur l’offense au président
La proposition de loi sur l’offense au président qui a été ces derniers jours soumise par le député communiste, Zdeněk Ondráček, et qui est soutenue par une soixantaine de parlementaires de quatre différentes formations politiques, a trouvé un large écho dans la presse. L’édition de ce mercredi du quotidien économique Hospodářské noviny a à ce propos remarqué :« A la veille du 27e anniversaire de la révolution de Velours, lors de laquelle les Tchèques et les Slovaques ont mis fin au régime communiste, un groupe de parlementaires propose de renouveler la criminalisation de l’acte d’offense au président. Au moment, où les gens se rappellent le legs de Václav Havel et l’acquisition de la liberté, ceux-ci veulent réintroduire dans le code pénal un point qui en avait été en 1998, sur l’impulsion de ce dernier, enlevé. »
Le journal rappelle que cette proposition a été initiée par un ancien membre de la police communiste qui avait, par exemple, intervenue contre les participants lors des manifestations de protestations contre le régime, en janvier 1989. A la base de cette nouvelle loi qui doit être désormais examinée par le gouvernement, toute personne qui outragerait la fonction présidentielle risque d’être passible d’une peine allant jusqu’à un an. Le journal Lidové noviny constate dans ce contexte que même si la loi sur la protection de la République existait déjà avant la Deuxième Guerre mondiale, une offense au président a été passible de peines beaucoup plus modérées et plus nuancées que cette nouvelle disposition envisagée. C’est d’ailleurs cet ancien règlement qui semble avoir inspiré ses iniateurs d’aujourd’hui.
La social-démocratie a-t-elle besoin d’un changement ?
Jiří Dienstbier, ministre en charge des droits de l’homme, est l’un des deux membres sociaux-démocrates du gouvernement de coalition, avec le ministre de la Santé, Svatopluk Němeček, à être révoqué dans le cadre du remaniement ministériel annoncé par le Premier ministre. Dans l’édition de ce vendredi du quotidien Lidové noviny, Diensbier a à ce propos expliqué :« Lors des élections régionales et sénatoriales d’octobre dernier, la social-démocratie (ČSSD) n’a pas réussi, d’où le besoin d’un changement. Le leader du parti, Bohuslav Sobotka, veut que le parti mise, outre les électeurs traditionnels, sur des électeurs plus jeunes, plus libéraux, habitant les grandes villes. C’est justement ce genre d’électeura qui soutient les partis sociaux-démocrates, par exemple, en France, en Autriche ou en Allemagne. Chez nous il s’agit d’un objectif que l’on n’arrive pas, et de loin, à atteindre. ».
Ceci dit, le ministre sortant Jiří Dienstbier estime que le remaniement gouvernemental tel qu’il a été réalisé n’est pas le fruit d’une stratégie réfléchie. D’après ses propres paroles, il est « peu compréhensible et chaotique », ne donnant à la société aucun signe d’une éventuelle transformation au sein de la social-démocratie.
Miroslav Zikmund : les voyageurs explorateurs n’ont plus rien à découvrir
« Les véritable voyageurs explorateurs comme Marco Polo, Emil Holub ou Hanzelka et Zikmund qui ont découvert des mondes inconnus n’existent plus. Aujourd’hui, toute personne qui a assez d’argent peut s’acheter un billet d’avion pour se rendre à l’autre bout du monde. Il s’agit de découvertes qui ont de l’intérêt pour l’individu, mais point pour l’humanité. Désormais, à l’exception de fonds des mers et des océans qui cachent des trésors, il n’y a plus lors de voyages rien à découvrir ».C’est ce qu’a déclaré pour le site aktualne.cz, à l’occasion de la parution d’un ouvrage qui lui est consacré, Miroslav Zikmund, 97 ans. C’est avec son compagnon de route, Jiří Hanzelka, qu’il avait entrepris plusieurs expéditions qui ont valu à tous les deux la dénomination de voyageurs explorateurs tchèques les plus célèbres. Le site a à cette ocasion rappelé :
« La légende de Hanzelka et Zikmund a commencé à s’écrire le 22 avril 1947 lorsque les deux copains ont entamé, avec leur Tatra 87 de luxe, en tant que représentants commerciaux de l’Usine d’automobile de Kopřivnice, le tour du monde. Ils ont traversé l’ensemble de l’Afrique et l’Amérique du sud. Leur retour dans le pays a été triomphal, car ils étaient les premiers au monde à avoir réussi, par exemple, à traverser en voiture le désert de Numibie. Il y a beaucoup d’autres endroits qu’ils ont par la suite ensemble explorés, leurs voyages ayant inspiré des centaines de reportages radiophoniques, de livres et de films. »
Le texte mis en ligne sur le site aktualne.cz rappelle également que, sous le régime communiste, Miroslav Zikmund a été pendant une vingtaine d’années mis au silence. Toutefois, il considère avoir eu de la chance d’avoir vécu à l’époque, car aujourd’hui, en raison du changement radical de la situation sécuritaire, il ne pourrait plus traverser de nombreuses régions d’Asie et d’Afrique, « jadis belles et idylliques », car elles sont aujourd’hui secouées par le terrorisme et les conflits.