Pour un meilleur départ des enfants défavorisés
Que deviennent les enfants après avoir quitté les foyers pour enfants dès qu’ils ont atteint l’âge adulte ? Quelles sont les opportunités qui leur sont données et existe-t-il des projets pour leur faciliter cette étape difficile de leur vie ?
Un enfant sur cinquante en République tchèque vit en dehors de sa famille naturelle. Près de 7000 d’entre eux grandissent dans un des 136 foyers destinés aux enfants entre 3 et 18 ans qui se trouvent dans le pays. Certains ont la chance de trouver tôt ou tard une famille d’accueil, la plupart y passent pourtant une grande partie de leur enfance. Le constat est sobre : à la différence de la situation qui existe dans les autres pays européens, la plupart des enfants défavorisés qui pour telle ou telle raison doivent quitter leur famille d’origine, ne vont pas en Tchéquie dans des familles d’accueil, mais dans des foyers et établissements pour enfants. Les conditions dans ces établissements ne cessent de s’améliorer, pourtant, comme tout le monde le sait, ceux-ci ne peuvent nullement remplacer une vraie famille. On écoute Petr Zmunda, directeur d’un foyer pour enfants de la ville de Ostrov nad Ohří.
«Dans notre foyer, les enfants sont répartis en six groupes à caractère familial et nous voulons que chacun de ces groupes soit, si possible, indépendant. Mais même si nous déployons des efforts pour que les enfants adoptent des pratiques et des habitudes qui sont propres aux enfants qui vivent dans une famille normale, on n’y arrive pas vraiment. D’un autre côté, force m’est de constater que la situation dans ces établissement est bien meilleure qu’il y a quelques années encore».
Chaque année, près de 350 jeunes gens qui atteignent l’âge de 18 ans ou, le cas échéant, qui sont dans la tranche allant jusqu’à 26 ans, quittent les foyers pour entamer une vie « indépendante ». Plus d’une moitié d’entre eux se retrouvent tôt ou tard en prison pour avoir commis une infraction. L’explication des experts est catégorique : un long séjour dans des établissements qui varie en Tchéquie autour de 14,5 ans, a dans la plupart des cas un impact négatif sur la vie socio-psychologique ultérieure des enfants concernés. Les soins institutionnels, aussi bons soient-ils, n’arrivent pas à les préparer à une vie courante, avec tous les droits et les devoirs qu’elle apporte. En plus, ces jeunes n’ont pas très souvent où aller : les familles naturelles problématiques, des maisons d’asile ou « à mi-chemin », des amis… autant de repères habituels. Les professionnels en la matière – directeurs et responsables des foyers pour enfants, se mettent d’accord pour dire que pour changer la situation en République tchèque qui n’est pas bonne, les autorités publiques doivent prendre des mesures systématiques. Petr Nečas, ministre du Travail et des Affaires sociales admet que ces critiques sont justifiées :
« Nous devons en premier lieu faire en sorte que le système des soins aux enfants défavorisés soit unifié. Il s’agit notamment d’adopter de nouvelles dispositions permettant d’accélérer la procédure pour qu’un enfant puisse aller dans une famille adoptive ou dans une famille d’accueil, plus facilement et plus vite que maintenant. Un autre important but à atteindre est l’élargissement du nombre de ces familles d’accueil. »Pour aider les jeunes gens défavorisés à s’intégrer dans la vie normale, le Centre des soins d’accueil et l’Ecole supérieure d’économie (VŠE) ont mis sur pied un intéressant projet qui s’appelle Start do života, Départ pour la vie. Plus de 150 jeunes ont déjà passé par le projet qui cherche à les activer et à mobiliser. Le professeur Milan Pádivý de la VŠE est l’un des promoteurs de l’initiative.
«Ce projet signifie une année et demi de contacts avec les jeunes qui y ont participé. Nous avons contribué à ce projet avec nos activités sportives qui ont permis de mettre ces jeunes en contact avec d’autres jeunes et de préparer pour eux des obstacles qu’ils avaient à surmonter. Tout le système de ces activités a été construit de façon à mettre en contact les jeunes de différents foyers d’enfants, de différentes régions afin de les obliger à communiquer entre eux, de les obliger à coopérer au moment où eux-mêmes ne peuvent pas surmonter ces obstacles. Tout cela a été lié avec des activités psychomotrices, des activités éducatives. Les jeunes ont beaucoup travaillé avec les ordinateurs et ils avaient pour tâche de résoudre et de régler différentes situations : contacter une agence immobilière pour se trouver un logement, contacter un employeur possible, on a préparé des situations où ils étaient obligés à régler certains problèmes d’ordre financier ou à résoudre des problèmes de la vie courante – réparer une ampoule qui ne fonctionne plus, par exemple, comment fermer une porte, comment trouver certains services dans une ville ou dans un village. Tout cela ce sont des choses normales pour les enfants qui vivent dans une famille normale, mais pour eux c’est souvent des choses qu’ils n’ont jamais faites avant. Ils sont habitués que tous les matins ils ont un petit déjeuner sur la table, au moment, où ils en ont besoin, ils reçoivent des vêtements ou des chaussures. Au bout de ce projet on a souvent l’impression que ce sont des enfants gâtés, mais qui entrent dans la vie normale, hors murs d’un foyer, sans aucune préparation pour cette vie. Ils oublient qu’il faut payer le loyer, que ça s’achète, qu’il faut travailler pour avoir de l’argent etc.»
Quelles sont les réactions des enfants auxquels ce projet est destiné ?
« Au début, ils sont très réservés, mais dès qu’ils comprennent que nous on n’est pas des gens des services sociaux ou psychiatriques, qu’on est des profs de gym, qu’on est des sportifs, les barrières tombent et on a beaucoup de facilité à les gérer et à les mener dans les différentes activités qu’on leur prépare. On a donc eu de très bons contacts ».
Le projet Départ pour la vie est soutenu par le Fonds social européen et est co-financé par le budget d’Etat de la République tchèque.