Prague au centre du monde...

Forum 2000, Vaclav Havel et Nippon Johei Sasakawa, photo: CTK
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Prague a accueilli récemment la conférence internationale Forum 2000, qui, outre Vaclav Havel et Yohei Sasakawa, a réuni plusieurs personnalités du monde entier. L'occasion pour ces Chapitres de l'histoire de revenir sur les événements européens qui se sont tenus, au fil des siècles, dans la capitale tchèque. Quand Prague était au centre du monde...

Vaclav Havel et Yohei Sasakawa,  photo: CTK
Prague, capitale de l'Europe, c'est bien ce que fut la cité vltavine sous le règne du très illustre Charles IV au XIVe siècle. Au centre de l'Empire chrétien d'Occident, Prague voit alors de nombreuses sommités de l'époque défiler dans ses rues. Célébrations, assemblées ayant trait aux affaires politiques et économiques, Prague devient également un centre d'études européen réputé. Fondée en 1348, l'Université Charles est la première en Europe centrale, avant Vienne. Elle accueille des étudiants d'origines variées : sur 3 269 étudiants, la Faculté des Arts compte 28 % de Bavarois, 18 % de Saxons et de Suédois, 17 % de Polonais et 15 % de Tchèques. La cour elle-même devenait une référence européenne en matière d'humanisme. On y écrivait en latin, en tchèque ou en allemand.

Le règne des Habsbourg, quant ceux-ci séjournent - même un court laps de temps - dans la capitale tchèque, représente également pour Prague l'occasion de se retrouver au centre d'attraction de l'Europe. Pour le temps long, l'exemple le plus connu est bien sûr Rodolphe II, le Habsbourg le plus populaire parmi les Tchèques. Faisant venir des artistes et des scientifiques du monde entier, le roi transforme Prague en cité cosmopolite par excellence.

Léopold II
Pour le temps court, signalons les fêtes du couronnement de l'Empereur Léopold II en 1791, qui se tiennent à Prague et voient s'y rassembler quelques grands de ce monde. Après le couronnement à la cathédrale St-Guy, le 6 septembre, le roi assiste le soir à la représentation de "La Clémence de Titus", de Mozart. 6 000 invités sont présents au théâtre Nostic. Outre l'opéra lui-même, l'événement, c'est aussi ces hôtes au "sang bleu" venus de la France contre-révolutionnaire : le comte Alex Fersen, le prince de Polignac ou encore le marquis de Bouillé.

Le 25 octobre, Léopold II se rend au Carolinum, siège de l'Université Charles, afin d'assister à une séance de la Société des Sciences de Bohême. Au cours de celle-ci, le philologue et historien Josef Dobrovsky fait un discours remarqué, où se mêlent fidélité à l'Autriche et défense des langues slaves contre la germanisation. Doit-on y voir l'une des sources du panslavisme ? Toujours est-il que ce mouvement, qui naît au XIXe siècle, est l'occasion pour Prague de rassembler l'ensemble des nations slaves.

Zofin,  Prague
Du 2 au 12 juin 1848 se tient à Prague le premier Congrès slave, sur l'île de Zofin, près de l'actuel Théâtre national. Les 319 participants sont répartis en trois sections : tchèque et slovaque, polonaise et ruthène, slave du sud. Evoquons également la présence du révolutionnaire russe Bakounine. La capitale de Bohême inaugure, ce jour-là, une tradition qui ne se démentira pas par la suite. Du 12 au 16 juillet 1908, c'est cette fois l'ensemble du monde slave qui se réunit à Prague. Si l'événement semble au premier abord symbolique, des revendications politiques voient aussi le jour, parmi lesquelles l'égalité entre les Slaves et les autres nations de la monarchie autrichienne.

Et voilà comment les événements internationaux se tenant à Prague, qui honoraient autrefois la puissance des Habsbourg, constituent, dès le XIXe siècle, une pression pour la dynastie autrichienne. Avant même l'indépendance de la Tchécoslovaquie, le rayonnement de la Bohême sur le plan européen est en effet un symbole fort d'autonomie.

C'est sous cette grille de lecture que l'on peut analyser l'Exposition Universelle qui se tient à Prague en 1891, afin de commémorer celle de 1791. La cité vltavine, qui est l'une des premières à s'électrifier en Europe, y démontre son potentiel industriel et scientifique. Krizik y présente son tramway électrique et les milliers de visiteurs européens qui se pressent dans la capitale tchèque découvrent une ville moderne, dont le rapide développement rappelle l'évolution viennoise à la même époque. Ceux qui passent par Plzen peuvent admirer la plus grande usine d'armement d'Europe, construite par Emil Skoda.

Palais des Expositions,  construit pour l'Exposition Universelle
Laissée à l'écart du pouvoir politique après le dualisme austro-hongrois de 1867, la Bohême rappelle qu'elle est le pilier économique de la monarchie. Et pourquoi pas qu'elle pourrait bien se passer de la tutelle de Vienne !

Avant 1918 et la création de la Tchécoslovaquie, les événements mondiaux se tenant à Prague ont une forte valeur symbolique pour les Tchèques, qui peuvent y voir un prémisse de l'indépendance ou du moins une certaine représentativité sur la scène internationale.

A l'autre extrémité du siècle et déjà au XXIe, le sommet de l'OTAN, qui réunit à Prague l'ensemble des nations occidentales en novembre 2002, clôt une longue période d'insécurité pour la République tchèque. Désormais, le pays n'a plus à se considérer comme pris en étau entre une Allemagne et une Russie impérialistes. Mais surtout, le sommet replaçait la République tchèque dans le contexte des nouvelles menaces, celles du terrorisme et des menaces bactériologiques et chimiques.

Espérons donc que la réunion récente du Forum 2000 à Prague soit de meilleur augure pour l'avenir...