Prague Pride : une semaine pour célébrer la diversité sexuelle

Le festival Prague Pride débute ce lundi 2 août et se tiendra toute la semaine. De nombreuses activités sont organisées mais la situation sanitaire a eu raison de la grande parade arc-en-ciel dans les rues de Prague, annulée comme l’année dernière.

Le directeur du festival, Tomáš Bílý, a officiellement déclaré ouverte la 11ème édition du festival ‘Prague Pride’. Depuis 2011, l’association du même nom organise chaque année en août une semaine pour mettre en avant la cause LGBT+ (Lesbien, Gay, Bisexuel, Transgenre). De nombreuses activités sont proposées dans toute la ville : conférences, séances de sport, ateliers thématiques, débats, expositions… En plein air ou en intérieur, gratuit ou payant, il y en a pour tous les goûts. Le programme est disponible en ligne sur le site du festival (https://festival.praguepride.com/cs/program).

Au cœur de l’édition 2021, le coming-out. Le processus de révélation de son homosexualité à ses proches est un passage obligé pour de nombreux jeunes. Qu’il soit synonyme de libération ou de rejet par la famille et les amis, il s’agit souvent d’une période compliquée, autant pour celui qui fait son coming-out que pour ses proches.

Tomáš Bílý | Photo: Zoé Samin,  Radio Prague Int.

Rendre publique son orientation sexuelle devient souvent l’occasion d’accepter sa véritable identité dans un monde hétéronormé. Tomáš Bílý, le directeur du festival, nous explique le choix de ce thème :

« Le coming-out est le thème du festival pour la deuxième fois déjà. La première fois, c’était il y a sept ans. Nous avons à nouveau choisi ce thème cette année car il est toujours important dans la vie de chaque personne LGBT. C’est le cas durant toute leur vie car tu dois toujours réfléchir à ce que les gens vont en penser. C’est aussi un sujet que la majorité de la population ne comprend pas car tu n’as pas à faire de coming-out quand tu es hétérosexuel. Nous voulons en parler de plein de manières différentes et se questionner dessus. »

Marqué par la bonne humeur et la convivialité, le festival accueille chaque année de plus en plus de curieux venus de toute la République tchèque et même de toute l’Europe. 80 000 personnes s’étaient rassemblées en 2019. En effet, la programmation sait se renouveler pour rester l’un des moments forts de la communauté LGBT+ européenne. 155 activités sont proposées cette semaine, notamment à la caserne Karlín dans le VIIIème arrondissement et sur l’île des Chasseurs t (Střelecký ostrov) à Prague 1.

« Nous proposons principalement des événements culturels et des conférences. Nous invitons beaucoup de personnalités, notamment pendant les talks-shows de Pride Voices qui auront lieu samedi après-midi à Karlín pendant lesquels nos invités vont raconter leurs expériences de vie. Nous avons cette année le plaisir d’accueillir un artiste polonais, un avocat qui lutte contre les discours de haine ou encore un Tchèque parti vivre aux Pays-Bas avec son mari pour élever leur fils. »

La pandémie a bousculé l’organisation du festival et la parade arc-en-ciel dans les rues de Prague a dû être annulée. Tomáš Bílý insiste sur l’impossibilité de concilier certaines restrictions sanitaires et le caractère festif de la Pride :

« Nous avons gagné de l’expérience l’année dernière en organisant déjà une Pride en pleine pandémie. Mais dès mars cette année, nous avons pris la décision d’annuler la parade à laquelle participent habituellement 40 000 personnes, c’est beaucoup trop pour lutter contre le virus. Mais les autres activités que nous proposons sont conformes aux restrictions sanitaires pour assurer la sécurité de nos visiteurs. »

La Pride de Prague n’est pas la seule qui se tient en République tchèque, mais c’est celle qui accueille le plus de monde. Tomáš Bílý explique comment elle se différencie de celle de Brno par exemple :

Photo: Martin Dorazín,  ČRo

« Nous sommes très liés à la Pride de Brno car cette dernière a été pensée comme un écho à celle de Prague. Nous sommes très contents d’avoir pu développer une semaine Pride à Brno aussi. Nous communiquons beaucoup avec les organisateurs et nous essayons de nous soutenir mutuellement. Il y a aussi la Pride d’Ostrava qui essaie d’être plus indépendante, plus petite mais avec une base communautaire plus importante, en ce sens qu’ils n’ont pas de sponsors. A Prague, nous avons aussi une base de bénévoles mais notre festival est de plus grande ampleur. »

Même si la République tchèque fait figure de pays progressiste pour les droits des LGBT+ en comparaison avec les autres pays ex-communistes, il n’en reste pas moins que des combats restent encore à mener. L’homosexualité est décriminalisée depuis 1961 et le partenariat enregistré, équivalent du PACS français, a été voté en 2006 mais contrairement à la France, les couples homosexuels ne peuvent pas encore se marier et adopter un enfant.

Photo: Filip Jandourek,  ČRo

La République tchèque est pourtant perçue comme l’un des pays les plus libéraux d’Europe centrale. En 2017, un sondage révélait que 76% de la population était en faveur de l’union civile, 52% pour le mariage et 51% pour l’adoption homoparentale. Mais la société tchèque n’est pas pour autant une société parfaitement tolérante qui chercherait toujours à inclure les minorités sexuelles.

« De mon point de vue, il y a trois enjeux sur lesquels il faut se concentrer. Le premier est évidemment le mariage pour tous. Il y a une loi en examen au Parlement depuis deux ans mais elle n’a toujours pas été acceptée. C’est l’enjeu le plus important pour la législation tchèque. Le deuxième combat à mener concerne le droit des personnes transsexuelles qui ne sont toujours pas bien protégées par la loi. Il y a aussi des enjeux moins officiels au niveau de la société. Par exemple, ce n’est pas acceptable que le gouvernement ait un discours de haine. C’est un gros problème car c’est accepté par une grande partie de la population. »

Photo: Klára Stejskalová,  Radio Prague Int.

Le gouvernement tchèque actuel ne semble en effet pas enclin à accorder plus de droits aux personnes homosexuelles. Le président Miloš Zeman a même déclaré en juin dernier qu’il trouvait les personnes transgenres « dégoûtantes » et s’est dit être agacé par la Prague Pride. Le Conseil constitutionnel s’est aussi prononcé la semaine dernière contre l’adoption d’un enfant par un couple homosexuel.

« Cependant, la République tchèque peut être le centre névralgique de la communauté LGBT+ en Europe centrale et de l’Est car c’est plus ou moins un pays libéral. Nous avons de gros problèmes mais c’est toujours mieux qu’en Pologne ou en Hongrie où il y a des zones anti-LGBT+. Il y a aussi beaucoup d’expatriés ici donc nous avons la capacité de soutenir les pays voisins. »

La Prague Pride a donc bien des combats à mener pour faire entendre son message d’amour et de diversité au cours de toutes les activités organisées cette semaine. Les milliers de personnes attendues au festival devraient rendre Prague festive et accueillante : un événement à ne pas manquer.