Prague veut faire fi du Tibet pour mieux privilégier ses échanges avec la Chine
La République tchèque entend développer ses relations économiques avec la Chine. Le ministre des Affaires étrangères, Lubomír Zaorálek, et le Premier ministre, Bohuslav Sobotka, se sont accordé pour réviser la position du gouvernement. Jusqu’alors, celui-ci privilégiait, dans le cadre de l’UE, la défense des droits de l’homme vis-à-vis de Pékin. Désireux de profiter du grand potentiel de développement des échanges commerciaux avec la Chine, les dirigeants tchèques ont annoncé que par conséquent ils ne reconnaîtraient pas, par exemple, la légitimité du gouvernement tibétain en exil.
« A court terme, je souhaite que nos contacts au plus haut niveau avec la Chine se poursuivent et par exemple qu’une visite officielle du président chinois Xi Jinping puisse se réaliser. Nous espérons rattraper rapidement le retard et le handicap que la République tchèque avait dans le cadre de l’Union européenne. »
Favorable à ce rapprochement, le président Miloš Zeman doit lui-même se rendre à Pékin à l’automne prochain. Selon l’OCDE, la Chine, qui a connu une croissance de 7,7% en 2013, un chiffre à la baisse qui n’en ferait pas moins baver d’envie les dirigeants occidentaux, devrait devenir la première puissance économique mondiale en 2016. En voyage officiel en Chine à partir de dimanche prochain, le chef de la diplomatie tchèque entend bien ne pas rater l’opportunité de profiter du développement rapide du pays le plus peuplé de la planète. Lubomír Zaorálek a rappelé quelques évidences :
« La Chine est le pays dont le PIB a le plus crû ces quinze dernières années. C’est un Etat de près de 1,3 milliards d’habitants qui, logiquement, est un partenaire commercial significatif pour des pays comme les Etats-Unis, l’Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne. »Et donc pourquoi pas un partenaire commercial de la République tchèque. En Chine, Lubomír Zaorálek a l’ambition de porter des projets de coopération dans les domaines des sciences et technologies, de l’aviation civile, de l’éducation, de l’énergie ou encore de l’agriculture. L’agence gouvernementale CzechInvest applaudit des deux mains la nouvelle position de Prague. Elle souligne le grand potentiel des investissements chinois dans le pays.
Les organisations non gouvernementales sont moins enthousiastes. A Člověk v tísni (Lhomme en détresse), plus grande ONG tchèque qui opère partout dans le monde, on juge qu’il n’y a nul besoin de tout ce battage médiatique pour développer des relations commerciales avec un pays tel que la Chine. Membre de la section tchèque d’Amnesty International, Martina Pařízková relativise quant à elle le pouvoir du gouvernement tchèque à influencer la politique menée à Pékin. Elle ajoute :
« Pour une organisation comme Amnesty International, il importe peu qu’un pays reconnaisse ou non l’intégrité territoriale de la Chine. Par contre, ce qui est important, c’est que le gouvernement chinois lui-même ne viole pas les droits de l’homme au Tibet comme il le fait depuis un bon nombre d’années. »Ce n’est pas le seul grief qui est reproché à la Chine en matière de droits de l’homme. Pékin est par exemple critiqué pour son usage récurrent de la peine de mort (10 000 personnes seraient exécutées en Chine chaque année), pour sa répression brutale des dissidents politiques ou encore pour la pauvreté de son droit du travail. La nouvelle position tchèque semble cependant globalement acceptée par la sphère politique. Il serait ainsi plus facile d’avoir une quelconque influence sur les Chinois en développant des relations fructueuses avec eux.