Premier Ballon d’or de l’Europe de l’Est, Josef Masopust fête ses 80 ans
Premier footballeur tchèque et de l’Europe de l’Est à avoir reçu le Ballon d’or en 1962, 41 ans avant Pavel Nedvěd, Josef Masopust souffle ses 80 bougies ce mercredi. Un anniversaire célébré en grandes pompes en République tchèque, où les amateurs de ballon rond se souviennent d’un joueur à la technique hors norme et d’un homme modèle de fair-play et de modestie.
15e minute de la finale de la Coupe du monde en juin 1962 à l’Estadio National de Santiago du Chili : l’envoyé spécial de la Radio tchécoslovaque est euphorique. Contre le Brésil champion en titre, la Tchécoslovaquie vient d’ouvrir le score grâce à un but de son meneur de jeu Josef Masopust.
« J’aurais préféré marquer non pas le premier mais le dernier but de ce match, le but victorieux qui nous aurait permis de ramener la coupe chez nous, en République socialiste tchécoslovaque. »
Buteur malheureux d’une finale de Coupe du monde finalement remportée par le Brésil 3 à 1, la deuxième finale perdue par la Tchécoslovaquie après une première contre l’Italie en 1934, Josef Masopust aura de quoi se consoler quelques mois plus tard. A Prague, avant le coup d’envoi d’un quart de finale de Coupe d’Europe des clubs champions avec son club du Dukla contre le grand Benfica d’Eusebio, il reçoit le Ballon d’or France Football récompensant le meilleur joueur européen de l’année 1962. A l’époque, un an avant le légendaire gardien soviétique Lev Yachine, Josef Masopust est le premier joueur d’un pays d’Europe de l’Est à se voir attribuer le prestigieux trophée. Correspondant du magazine France Football en République tchèque depuis de nombreuses années, Stanislav Hrabě explique quelle est la place de Josef Masopust dans la riche histoire du football tchèque :
« Josef Masopust a été élu joueur du siècle, mais les comparaisons sont toujours difficiles et injustes. Qui a été le meilleur ? Masopust ou Nedvěd ? Pelé ou Maradona ? Ce sont des questions auxquelles il n’y a pas de réponse. Seulement des spéculations. A mon avis, Masopust fait partie des grands joueurs de l’histoire. »
Elu meilleur joueur tchèque du XXe siècle en 2000, Josef Masopust a marqué la mémoire des amateurs de foot d’abord grâce à son élégance sur le terrain. Stanislav Hrabě :
« Le grand écrivain Ota Pavel a écrit : ‘Masopust ? C’est bizarre. Ce n’est pas un buteur. Il n’est pas rapide.’ C’était un meneur de jeu, un organisateur, un chef. Et un technicien ! Pelé a dit : ‘Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas un Européen, ce n’est pas un Tchèque. C’est un Brésilien ! Pourquoi il n’est pas des nôtres comme Didi, comme Garrincha ?’ Masopust était donc un formidable technicien et un grand meneur de jeu. »
Ses slaloms entre ses adversaires, sa conduite de balle tête droite et levée ou encore ses passes millimétrées restent, un demi-siècle plus tard, bien présents dans le souvenir de tous ceux qui ont eu le privilège de voir évoluer Masopust depuis les tribunes, de jouer à ses côtés ou même dans le camp opposé. Un temps que pas seulement les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, mais dont le célèbre attaquant portugais Eusebio, lui, se souvient bien. Sacré à son tour Ballon d’or trois ans après Masopust, Eusebio était présent à Prague cette semaine à l’occasion des nombreuses cérémonies qui ont accompagné la célébration des 80 ans de son ami Josef :
« C’est pour moi un grand plaisir d’être présent. Lorsque j’ai appris que Josef allait fêter ses 80 ans, j’ai décidé de venir en personne. Je suis un peu plus jeune que lui, mais je considère que Masopust était un bien meilleur footballeur que moi. Lui, son rôle sur le terrain était plus compliqué que le mien. Il devait créer, organiser le jeu, alors que moi je me contentais de finir les actions et de marquer des buts. J’ai beaucoup d’admiration pour lui, c’est pour cette raison que je suis vraiment très heureux d’être ici et que je souhaite à mon ami de vivre encore de nombreuses années. »
Eusebio, Franz Beckbenbauer, Alfrédo di Stefáno, Pelé : autant de grands noms du jeu qui, dans les années 60, ont croisé le chemin de Josef Masopust sur les stades d’Europe et du monde et qu’une sincère amitié continue de lier aujourd’hui encore. Stanislav Hrabě le confirme:
« Pelé a dit : ‘C’est un grand geste sportif. Masopust est un chevalier du football !’ »
Ce geste de fair-play qui a valu à Josef Masopust l’admiration de Pelé et ce surnom de « Chevalier du football » remonte également à la Coupe du monde 1962. Deux semaines avant la finale contre le Brésil, lors d'un match de poule opposant les Tchécoslovaques aux mêmes adversaires, Masopust se retrouve face au grand Pelé, victime d'une blessure musculaire, et s’arrête, conscient du handicap de son vis-à-vis, pour permettre au « roi » de faire une passe. Pelé lui rend la politesse en mettant le ballon en touche…
Alors, forcément, ses talents de footballeur hors pair et sa qualité de gentleman valent aujourd’hui à Josef Masopust de nombreux honneurs. Le petit monde du football tchèque a décidé de mettre les petits plats dans les grands : une statue grandeur nature va donc été installée devant l’entrée du stade du Dukla de Prague, théâtre de ses exploits autrefois, un film documentaire est en cours de réalisation et une exposition sera bientôt inaugurée au Musée national. Rien que ça pour un homme qui aurait préféré fêter ses 80 ans dans l’intimité de son modeste appartement pragois :
« Je ne m’en suis pas encore remis. Je ne m’attendais absolument pas à tout cela. Je pense que c’est exagéré. On a même érigé une statue à mon effigie alors que je ne suis pas encore mort ! Vous savez, je ne suis qu’un footballeur, un joueur parmi les milliers qui ont porté le maillot de la Tchécoslovaquie. C’est pourquoi j’estime que c’est trop d’honneurs pour une seule personne. »
Une personne qui serait toutefois sans doute devenue une vedette mondiale du jeu si le régime politique de l’époque en Tchécoslovaquie ne l’avait pas empêché de rejoindre les plus grands clubs européens. Un footballeur hors du commun qui a su rester un homme comme les autres, et c’est aussi ce que les anciennes générations de Tchèques amoureux de foot ont voulu rappeler aux plus jeunes.