Quand la Prague médiévale et renaissante était le cœur artistique de l’Europe

Photo: Supraphon

Quand on pense au Moyen-âge ou à la Renaissance, on n’imagine parfois pas – ou difficilement – que les routes de l’Europe aient pu être sillonnées en long, en large et en travers, même sans voitures ou vols low-cost. La circulation et la transmission des savoirs, des arts, et de la musique en particulier, est la preuve éclatante du contraire. Et la Prague médiévale et renaissante a été à cet égard un carrefour culturel bouillonnant, a fortiori à la fin du XVIe siècle sous le règne de l’empereur Rodolphe II.

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Praga Rosa Bohemiae est le titre du dernier album de musique ancienne réalisé par l’ensemble Capella Mariana et sorti en 2019 chez Supraphon. Autour de son directeur artistique, Vojtěch Semerád, ténor et altiste, cet ensemble vocal né en 2008 s’efforce de faire renaître et redécouvrir des œuvres oubliées de musique ancienne polyphonique, de la fin du Moyen-âge à la Renaissance.

L’album Praga Rosa Bohemiae rend hommage à la capitale tchèque qui, à cette époque, a accueilli œuvres et musiciens, d’ailleurs et de Bohême. La mobilité des compositions, des manuscrits, et des artistes, en cette période foisonnante et de transition des XVe et XVIe siècle, explique que Prague ait concentré en son sein des œuvres d’auteurs français, flamands ou allemands. Il en va ainsi de la messe d’Heinrich Isaac dont l’unique exemplaire encore existant est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de Prague ou de la chanson de quête de la Saint-Martin de Petrus Wilhelmi de Grudencz. Si aucun d’entre eux n’a sans doute jamais été ni à Prague, ni en pays tchèques, ce n’est pas le cas de leurs œuvres.

A Prague, le répertoire de la musique de la Renaissance est tout à la fois riche des compositions de Josquin Desprez, un des compositeurs les plus fameux en son temps, mais aussi d’illustres inconnus comme Johannes Tourout. Autant d’artistes issus de l’école franco-flamande dont les œuvres ont fait florès en pays tchèques.

Côté tchèque, c’est Kryštof Harant, qui est incarne le mieux l’accueil et l’assimilation de cet héritage franco-flamand. Cet humaniste dans le plus pur sens du terme, voyageur, diplomate, soldat, polyglotte, mais aussi écrivain et compositeur, a laissé derrière lui sept œuvres vocales considérées comme les plus importantes de la Renaissance tchèque. Nombre d’entre elles ont malheureusement disparu, victimes de l’anathème qui frappa son auteur : acquis à la cause protestante, Kryštof Harant a fait partie des 27 seigneurs tchèques décapités place de la Vieille-Ville à Prague, le 21 juin 1621, pour avoir mené l’insurrection contre le pouvoir catholique des Habsbourg.