Quels impacts économiques pour la défaite des Tchèques à la Coupe du Monde ?
Au mois de mai dernier, le ministre de l'Industrie et du Commerce tchèque éditait des brochures d'information pour ses compatriotes qui se rendraient en Allemagne pour la Coupe du Monde. Après la rapide et inattendue élimination de l'équipe tchèque, le ton n'est plus à l'euphorie. A l'heure des bilans, certains acteurs de l'économie nationale sortent le carton rouge. Quand d'autres arrivent à tirer leur épingle du jeu !
L'audience télévisuelle est la première concernée. L'équipe nationale rentrée à Prague, les Tchèques suivent beaucoup moins le championnat. Le nombre des téléspectateurs serait ainsi bien inférieur à celui des championnats d'Europe de 2000 et de 2004. Les agences publicitaires en ressentent déjà l'impact et les investissements futurs devraient être revus à la baisse, on parle de 10 %. La chaîne publique Ceska Televize, qui possède les droits exclusifs sur la diffusion des matchs, espérait encore, fin mai, 70 millions de couronnes de revenus publicitaires ! De même, bars et restaurants, en République tchèque, estiment que la défaite des Tchèques devrait aboutir à une baisse de leurs revenus. Sans parler des Sport Bars, nombreux dans la capitale, mais dont, il est vrai, la majeure partie de la clientèle est constituée de fans étrangers. Et ceux-ci sont malheureusement beaucoup plus Anglais que Français, Italiens ou Allemands !
Les seules à sortir du lot sont les sociétés de paris, qui, après avoir enregistré des gains sans précédent, ont d'avance amorti les éventuels effets de la défaite. Elles étaient aussi bien les seules à n'avoir aucun intérêt à une victoire tchèque. Un bookmaker témoignait récemment : " En raison de la foi absolue des parieurs pour l'équipe tchèque, nous perdons de l'argent quand les Tchèques gagnent et nous en gagnions quand ils perdent... ".
Ayant déjà enregistré un volume record de 11,4 milliards de couronnes en 2005, les agences ont vu les paris atteindre le demi-milliard de couronnes, juste prendant les dix premiers jours de la Coupe du Monde. Celle-ci devrait générer, selon les acteurs de l'industrie, les plus importants paris dans l'histoire tchèque du bookmaking. Les chiffres sont éloquents. Lors du match République tchèque-Ghana (0-2), le 17 juin dernier, l'agence Chance a enregistré des paris pour un montant de 9 millions de couronnes, soit la plus grosse somme misée depuis deux décennies.
Pour l'équipe de foot tchèque, c'est également l'heure des comptes. Si l'équipe nationale était parvenue jusqu'au 2ème tour, l'Association Tchèque de Football (CMFS) aurait reçu des dizaines de millions de couronnes. A quoi se seraient ajoutées 54 millions de couronnes de la part des sponsors et de la FIFA. Et si - il est permis de rêver - les Tchèques avaient gagné la Coupe du Monde, c'est de plus d'un demi-milliard de couronnes qu'aurait hérité la CMFS.130 millions de couronnes, c'est ce que l'Association de Footbal Tchèque recevra de la part de la FIFA. La sueur n'a pas coulé pour rien ! Le début de la Coupe du Monde était pourtant bien plus prometteur. Après la victoire contre les Etats-Unis (3-0), certains sponsors, Hyundai Motor et l'opérateur T-Mobile, avaient déclaré vouloir prolonger pour deux ans leur contrat avec l'équipe tchèque. Les défaites successives contre le Ghana et l'Italie rendent désormais la négociation des prochains contrats plus difficile pour l'Association Tchèque de Football.
Mais selon cette dernière, les pertes de la Coupe ne devraient pas vraiment remettre en cause le budget du football tchèque, fixé à 225 millions de couronnes par an.Pour les acteurs locaux de l'économie également, l'avant-26 juin annonçait une période féconde. L'Association tchèque de la Bière et du Malt escomptait ouvertement des profits records. Au bar (pression...) ou à la maison (bouteille), on imagine difficilement un match sans bière au pays de la cervoise.
Selon le porte-parole de Plzensky Prazdroj, Alexej Bechtin, la Coupe du Monde devrait augmenter la vente de bière de 2 %, soit de 550 000 litres par semaine. Pour donner un ordre d'idées, en République tchèque, la consommation hebdomadaire de bière s'est élevée à 30 millions de litres en 2005.
Les plus touchées sont les petites brasseries locales, à Prague et partout dans le pays.
Les géants comme Prazdroj ou Budejovicky Budvar comptent, quant à eux, sur les chiffres stables du commerce à l'export et notamment sur les revenus dégagés par les exportations en Allemagne pour la Coupe du Monde. L'exportation de bière en Allemagne est d'ailleurs en augmentation constante depuis quelques années et elle a atteint 90 000 litres en 2004. Signe de l'enjeu-Coupe du Monde, Budvar avait renoué, juste avant son lancement, sa coopération avec des grandes surfaces et des distributeurs allemands. Quant à Pazdroj, elle a conclu des contrats avec plusieurs agences de voyage organisant des séjours en Allemagne pour l'événement. Il n'est pas jusqu'aux stratégies de management dans l'entreprise que la Coupe du Monde n'ait affectées. En laissant leurs employés suivre les matchs, les directeurs ont trouvé un nouveau moyen de les motiver. Le 12 juin dernier, lors du match République tchèque-Etats-Unis, on a ainsi enregistré un arrêt du travail à l'usine Toyota Peugeot Citroën de Kolin, en Bohême centrale. Une pause décidée d'un commun accord avec l'équipe dirigeante.L'entreprise avait même poussé l'élégance jusqu'à installer quatre grands écrans de télévision dans la salle de la cantine, où près de 500 employés regardaient le match ! Même scénario pour les matchs suivants. Soulagement après l'élimination de l'équipe tchèque ? Ca dépend pour qui ! La FIFA et l'Association tchèque de football semblent d'ailleurs avoir adopté les mêmes stratégies de motivation interne. Elles ont ont distribué à leurs employés ou à leurs partenaires commerciaux des tickets d'entrée gratuits pour le Mondiale. Après tout, on est jamais mieux servi que par soi-même !