Rater les cours à cause des règles : les écoles tchèques face à la précarité et la stigmatisation

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Près de 38 000 filles en Tchéquie souffrent de précarité menstruelle, selon les estimations des ONG. Dans un pays où la TVA sur les produits d’hygiène féminine est de 21%, soit l’un des taux les plus élevés en Europe, il arrive couramment que les adolescentes manquent les cours à cause de leurs règles. En attendant un changement législatif, les établissements scolaires tentent eux-mêmes de lutter contre cette inégalité et commencent à distribuer des protections périodiques gratuitement.  

Source: Cdd20,  Pixabay,  Pixabay License

« Il arrive fréquemment que les filles viennent me voir, parce qu’elles n’ont pas de serviettes hygiéniques. Bien évidemment, elles ne sont pas à l’aise dans cette situation. Elles viennent aussi me demander des serviettes pour leurs copines », a raconté à la Radio tchèque Barbora Pavlorková, psychologue scolaire habituée à acheter des protections périodiques pour les élèves à ses frais.

La situation a changé il y a quelques mois : Ostrava (suivie de Liberec) où se trouve son collège est la première ville tchèque à avoir décidé de financer la distribution des produits d’hygiène féminine dans les établissements scolaires. La directrice de l’école primaire et du collège Horymírova, Petra Hladíková, s’en félicite :

« Notre école est fréquentée également par des enfants issus des milieux défavorisés. Le fait de mettre les protections périodiques à disposition dans les toilettes nous a permis de prendre réellement conscience du problème de la précarité menstruelle : nous nous sommes rendus compte combien de filles manquaient les cours quand elles avaient leurs règles. Depuis quelques mois, l’absentéisme des élèves a diminué. Je pense que les protections périodiques devraient être disponibles gratuitement dans toutes les écoles du pays, et pas seulement dans les écoles : toutes les femmes devraient y avoir accès, comme c’est le cas par exemple en Ecosse. »

Photo illustrative: Anna,  Pixabay,  Pixabay License

Située dans un quartier très défavorisé, majoritairement rom, de la ville d’Ústí nad Labem, l’école primaire Mojžíř fait partie d’une soixantaine d’établissements scolaires en Bohême du Nord et en Bohême centrale, où les serviettes hygiéniques sont distribuées gratuitement par la plus importante ONG humanitaire tchèque Člověk v tísni/People in Need. Directeur-adjoint de l’école, Zbyněk Pazdera est chargé de la mise en œuvre du projet :

« En 2023, l’ONG nous a proposé de participer à ce projet pilote. Le directeur était d’accord et moi aussi, même si, au début, nous étions un peu sceptiques : nous pensions que les filles allaient abuser de ce dispositif. Mais c’était le contraire. Nous avons installé de petits paniers avec des serviettes hygiéniques à six endroits de l’école, pour que les filles y aient un accès libre. Il a fallu en parler avec les élèves, expliquer aux filles comme aux garçons comment cela fonctionne. Avant cela, on n’en parlait jamais, c’était un peu un sujet tabou. Moi-même, je n’étais pas au courant du problème, je ne m’y intéressais pas vraiment. Ce n’est qu’après le lancement du projet que mes collègues féminins m’ont dit qu’il leur arrivait de donner des protections périodiques aux élèves qui n’en avaient pas. Je suis donc content que ce projet existe et que notre école y participe, parce que cela fonctionne vraiment très bien. »

Photo illustrative: Tiia Monto,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

L’organisation People in Need entend élargir le projet à d’autres écoles, en collaboration avec des Banques alimentaires et des sponsors.

Après plusieurs tentatives infructueuses de faire baisser la TVA sur les protections périodiques de 21% à 10%, une table ronde a été organisée, à la mi-janvier, à la Chambre des députés. Les participants ont appelé le ministère de la Santé à émettre une directive qui permettrait de distribuer les produit d’hygiène féminine gratuitement dans tous les établissements scolaires en Tchéquie. Les frais, dont se chargeraient les municipalités, sont estimés à 120 millions de couronnes (4,7 millions d'euros) par an.

Auteurs: Magdalena Hrozínková , Lukáš Matoška , Marta Pilařová
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