Grèves dans les écoles et l’industrie : un mouvement de contestation rare en Tchéquie attendu lundi

Les affiches pour la demonstration organisée par la Confédération tchéco-morave Confédération tchéco-morave des syndicatse des syndicats (ČMKOS)

Grève dans plus de la moitié des écoles du pays et grève d’une heure dans plusieurs centaines d’entreprises du secteur de l’industrie à laquelle pourraient participer jusqu’à un million d’employés. Un important mouvement de contestation contre le gouvernement est attendu en Tchéquie lundi prochain.

Observé avec un œil français, le mouvement de protestation annoncé un peu partout en Tchéquie n’a, en soi, rien de très exceptionnel. Dans sa forme, il ferait presque même sourire. Des écoles en grève ? Des employés mécontents de leurs conditions salariales en grève ? Et alors ? Sauf, donc, que nous sommes en Tchéquie, un pays où la grève et l’interruption de travail qui en découle, sans être des gros mots, sont considérés, tant par les travailleurs que par les syndicats eux-mêmes, comme l’ultime recours pour faire valoir ses revendications.

Le mécontentement est néanmoins croissant parmi les Tchèques, en raison notamment de la forte inflation de ces deux à trois dernières années et, pour beacoup d’entre eux, d’une sensible baisse du niveau de vie. Leur moral est ainsi forcément quelque peu en berne.

Mais bien qu’un important projet de réforme du système de retraite soit envisagé, bien que les hôpitaux et les médecins se plaignent de leurs conditions de travail et bien que le vaste plan d’austérité du gouvernement ait été signé par le président de la République mercredi, aucun grand mouvement de contestation sociale n’a jusqu’ici pris forme en Tchéquie. Interrogé par la Radio tchèque, le sociologue Daniel Prokop admet que les actions collectives pour faire pression ne sont pas dans la nature des Tchèques :

« Les Tchèques ne font pas souvent grève, c’est vrai. Pour ma part, je pense qu’il est parfois utile de rappeler certains problèmes de société, comme la disparité entre l’imposition des travailleurs, qui conduit à des salaires bas et à la pauvreté des employés, et la fiscalité du capital. La question est de savoir si la grève a des objectifs clairs et si elle peut changer les choses, et je pense que c’est le cas pour ce qui est du mécontentement des écoles. En revanche, je ne suis pas sûr que les protestations contre le plan d’austérité aient des objectifs concrets. Les syndicats proposent-ils clairement ce qui devrait être fait différemment ? »

Photo illustrative: Martina Klímová,  ČRo

Concernant les écoles, plus de 1 500 d’entre elles garderont leurs portes fermées lundi. Il devrait s’agir de l’une des grèves les plus importantes depuis 1990. Malgré les quatre milliards de couronnes supplémentaires qui leur seront consacrées l’année prochaine, les syndicats reprochent au ministère de l’Éducation le fait de ne pas être parvenu à obtenir de fonds plus importants afin de garantir un meilleur financement.

Petr Fiala | Photo: Michal Krumphanzl,  ČTK

Une revendication à laquelle le Premier ministre a réagi sur un ton très sec. Argumentant que « l’État ne dispose pas de ressources supplémentaires », Petr Fiala a déclaré qu’il considérait « la grève, et plus particulièrement dans les écoles, comme une action infondée et irresponsable ».

Analyste économique de la Radio tchèque, Jana Klimová porte un regard quelque peu différent de celui du chef du gouvernement sur la problématique des écoles :

« Pour ce qui est de la situation dans l’éducation, la santé ou des employés de la fonction publique, le gouvernement dispose d’un certain pouvoir d’action et des compétences pour faire évoluer les choses. Le budget de l’État a déjà été adopté pour l’année prochaine, mais les ministères disposent, à leur échelle, de certaines réserves d’argent qu’ils peuvent redistribuer en fonction des besoins des uns et des autres. Les revendications des grévistes contre le gouvernement sont donc légitimes. »

« En revanche, ce que je trouve absurde, c’est que les syndicats fassent grève contre le gouvernement en raison de la baisse des salaires réels tout en déclarant ne pas vouloir nuire aux intérêts des entreprises. Là, on marche sur la tête ! Dans l’industrie en particulier, s’ils réclament des augmentations de salaires, c’est quand même d’abord sur les employeurs que les syndicats devraient faire pression. Au lieu de cela, les synicats défendent les employeurs et se battent en leur nom pour que le gouvernement leur accorde des aides pour compenser la hausse des coûts de l’énergie. »

Photo: Škoda Auto

Le deuxième mouvement de protestation concernera les employés du secteur de l’industrie. Comme ce sera le cas, par exemple, chez Škoda Auto, un des plus grands employeurs du pays, jusqu’à un million de personnes - selon les annonces faites par les sandicats - pourraient participer à la grève d’une heure pour exprimer leur opposition au plan dit de consolidation budgétaire ; un paquet de mesures qui seront appliquées à compter de janvier prochain et qui visent à réduire le déficit des finances publiques de plusieurs dizaines de milliards de couronnes. Parallèlement, une manifestation est prévue dans le centre de Prague, en début d’après-midi, cette fois pour reprocher au gouvernement l’absence de dialogue social.