Reconnaissance des diplômes : un casse-tête franco-tchèque

Josef Nejedlý

Rencontre aujourd’hui avec Josef Nejedlý, un jeune diplômé tchèque qui a terminé ses études en France mais qui doit lutter pour faire reconnaître ses diplômes dans son pays d’origine. Malgré une récente décision historique du conseil du barreau de Prague, la bataille, qui mêle rigidité administrative et applicabilité du droit communautaire, n’est pas encore gagnée.

Josef, ton cas faisait ce lundi l’objet d’un article et d’une grande photo dans le quotidien Hospodářské Noviny. Peux-tu d’abord nous dire quels diplômes as-tu obtenus en France ?

« Après avoir passé le bac à Prague, j’ai été admis à Sciences-Po Paris et je suis parti en France. J’ai d’abord étudié à Dijon, pour le premier cycle est-européen de Sciences-Po Paris puis j’ai poursuivi ma formation avec une année Erasmus à l’université de Heidelberg en Allemagne. De retour en France j’ai continué à Paris au sein du Master Droit économique européen – une double formation organisée en partenariat entre Sciences-Po Paris et l’université Robert Schuman de Strasbourg. J’ai obtenu deux masters en droit français – un master en droit économique de Sciences-Po Paris et un master en droit économique européen de l’université Robert Schuman de Strasbourg – qui me permettent de devenir avocat en France. »

Photo: Commission européenne
« Le conseil du barreau de Prague vient de prendre une décision qui pourrait faire jurisprudence. Jusqu’à cette décision du 15 septembre dernier, en vertu de la loi tchèque sur la profession d’avocat encore en vigueur, il fallait avoir un diplôme national obtenu après cinq ans d’études ou une reconnaissance d’un diplome équivalent obtenu à l’étranger. »

Ce qu’on appelle ici un « Magistr »...

« Pour expliquer aux Français, cela correspond à un Master 2, ou à l’ancien DESS ou DEA. »

Pour prendre sa décision, le conseil du barreau de Prague s’est appuyé sur une jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, qui remonte à six ans avec le cas d’une étudiante un peu similaire au tien.

« J’ai la chance d’avoir un ami suisse qui m’a parlé de l’affaire Christine Morgenbesser, qui est arrivée devant la CJCE. Celle-ci a rendu un arrêt selon lequel il est interdit de refuser d’inscrire sur la liste des élèves-avocats (practicanti en Italie) quelqu’un qui a fait ses études dans un autre pays de l’UE au seul motif qu’il ne dispose pas d’un diplôme national ou d’une reconnaissance de son diplôme obtenu à l’étranger. »

« Ce que j’ai réussi à obtenir du barreau de Prague est très important parce que sans reconnaissance, il fallait refaire cinq années d’études ici avant de pouvoir être admis comme élève-avocat au barreau de Prague – donc aucune reconnaissance même partielle. La décision signifie la fin du critère de reconnaissance, qui demeure pourtant dans la loi nationale. Le conseil du barreau a décidé d’appliquer pleinement la primauté du droit communautaire et de rendre ineffective une disposition contraire d’une loi nationale. »

Cette décision du conseil du barreau de Prague est importante, mais ton affaire ne s’arrête pas là...

« L’histoire ne s’arrête pas là parce que le conseil du barreau a créé une nouvelle commission qui va examiner les candidatures de candidats potentiels et pour l’instant, les règles de procédure ne sont pas définies... »

En gros, tu ne sais pas si tu vas devoir parler de ton cas, passer un examen oral ou écrit...

« Pour l’instant, on n’en sait rien ! »

Est-ce que ces démarches sont seulement pénibles ou est-ce que c’est aussi quelque chose de passionnant pour un jeune juriste ?

« Bien sûr que c’est assez pénible, d’autant plus que je sais que mes démarches ne s’achèveront pas avant longtemps. Si je réussis à passer les examens en France, je serai avocat en France bien avant de pouvoir terminer la période sous le statut d’élève-avocat (koncipient) en République tchèque. Dans le même temps, je prends tout cela un peu comme un devoir. Comment peut-on faire avancer le droit communautaire et l’intégration européenne ? A l’origine de la plupart des arrêts importants de la CJCE, il y avait des affaires peu importantes portées par des particuliers qui allaient jusqu’au bout et qui ont réussi à faire avancer le droit communautaire. Je pense qu’aujourd’hui c’est à moi de m’occuper de ça, probablement au bénéfice des générations futures. Parce que je sais bien que probablement je ne pourrai plus en profiter moi-même. Comme je vous l’ai dit je serai sûrement déjà avocat en France avant d’être admis comme simple avocat-stagiaire en République tchèque. »