Regard sur les cinémas roumain, balkanique et tchèque

A l’occasion de la première édition du festival de cinéma « New waves, new ways » qui présente des films issus des pays des Balkans et des pays baltes à l’Institut culturel roumain de Prague, Radio Prague a rencontré le directeur de l’Institut Mircea Dan Duta. Mircea Dan Duta est aussi critique de cinéma. Il explique la vitalité du cinéma dans ces jeunes démocraties et apporte son regard sur le cinéma tchèque.

'4 mois,  3 semaines et 2 jours'
Vous avez mentionné cette idée de nouvelle vague cinématographique dans certains des pays qui sont représentés dans votre festival. Par exemple, pour le cas roumain, on a vu dernièrement des films qui sont sortis à l’échelle internationale et qui ont reçu des récompenses, comme la palme d’or du festival de Cannes pour le film « 4 mois, 3 semaines et 2 jours ». Comment et pourquoi des pays comme la Roumanie réussissent à avoir cette nouvelle génération de réalisateurs, de cinéastes, qui sont prolifiques et novateurs ?

« On aurait besoin de beaucoup de temps pour expliquer tout cela mais en concernant le cas de la Roumanie, c’est un changement de génération qui est intervenu pendant les années 90. Après la révolution anti-communiste, le cinéma roumain a connu un vrai marasme, parce que c’était encore la lutte entre les générations. Des réalisateurs exceptionnels, qui avaient fait des films d’opposition, anticommunistes, pendant le régime socialiste, ont monopolisé la scène et les moyens financiers de l’Etat pour faire leurs projets. Mais malheureusement, ils n’ont pas réussi à s’adapter à l’économie de marché. C’est pour cela que le cinéma roumain était presque mort. En 1998, seulement un film a été fait. En 2000, il n’y a pas eu du tout de film roumain. Mais déjà en 2000, 8 films ont été faits. Puis en 2001, 12 films, en 2002, 20 films.

C’était donc un miracle mais un miracle en apparence parce que c’est tout simplement la nouvelle génération de réalisateurs qui a réussi à pénétrer cet espace, et à imposer un style de production beaucoup plus adapté aux réalités contemporaines de la Roumanie. Et surtout, du point de vue des mentalités, c’est une génération de réalisateurs qui ne sent plus le besoin de prendre sa revanche sur l’époque communiste, parce qu’ils étaient trop jeunes. Tout simplement, ils ont été élevés pendant cette période, ils appartiennent à cette période, et ils n’ont plus de passion subjective avec cette époque passée. Pour ce qui est des cinémas des Balkans, ils ont été marqués d’une façon dramatique par les guerres civiles dans cette zone pendant les années 90. Ça a été une catalyse dramatique pour les réalisateurs qui se sont inspirés de la réalité tragique et violente de ces guerres. N’oublions pas, et c’est également le cas pour les pays baltes, ce sont des Etats jeunes, une réalité jeune, qui stimule une pensée novatrice, une manière originale de penser ou de redéfinir l’art, et notamment l’art cinématographique. Une réalité nouvelle inspire toujours pour une nouvelle vague, pour une nouvelle modalité d’expression. »

Une coproduction tchéco-albanaise est programmée dans le festival. En comparaison avec le cinéma roumain ou celui d’autres pays plus récemment entrés dans l’Union européenne, le cinéma tchèque peut parfois sembler un peu endormi, même s’il y a de bons films. Pensez-vous que le cinéma de ces pays peut être une bonne source d’inspiration pour le cinéma tchèque ?

« Je dois dire tout d’abord que je suis critique de films à la base. C’est une opinion personnelle et si je suis enthousiaste vis-à-vis des cinémas balkaniques et baltes, je ne serais pas aussi critique envers le cinéma tchèque. Je ne le considère pas du tout comme endormi, il est très dynamique et très intéressant. Je crois qu’il cherche un peu sa voie, il cherche une manière artistique propre, quelque chose qui pourrait le projeter dans l’univers international. Les films tchèques d’aujourd’hui sont très professionnels. Les jeunes réalisateurs tchèques ont appris quelque chose que les réalisateurs des pays post-communistes ne connaissaient presque pas : ils ont appris à dire des ‘stories’, à raconter des histoires avec les moyens de la cinématographie. Presque tous les films tchèques disent des histoires d’une façon très professionnelle, un peu à la hollywood – et je le dis comme un compliment.

'Medvidek'
Le cinéma tchèque se cherche, les films sont un peu hermétiques : ils sont peut-être un peu moins compréhensibles par des étrangers que certains films de la période d’or du cinéma local, quand on produisait des films à la fois très tchécoslovaques mais aussi très universels et compréhensibles ailleurs. Les films tchèques d’aujourd’hui, même si très professionnels, sont faits un peu pour l’intérieur. C’est à cause de ça qu’ils n’ont pas le succès qu’ils méritent dans les festivals internationaux. Ils sont un peu moins compris et c’est dommage. »