Relations polono-tchèques : je t’aime moi non plus
La tenue du championnat d’Europe de football en Pologne et en Ukraine a rappelé aux Tchèques combien les Polonais les apprécient. A Wrocław, où elle a disputé ses trois matchs de groupe, l’équipe de République tchèque et ses milliers de supporters ont été accueillis à bras ouverts. Et, à en croire les sondages, les Tchèques seraient les voisins préférés des Polonais. Mais l’inverse est loin d’être réciproque, les Tchèques manifestant somme toute peu d’intérêt pour ce qui passe au nord-est de chez eux. Un manque d’intérêt qui ressemble même à une certaine forme d’indifférence.
Mais si le championnat d’Europe se tenait en République tchèque, il serait difficile d’imaginer que les Tchèques soutiennent avec la même ferveur sincère la sélection polonaise. Au contraire, celle-ci évoluerait probablement dans l’indifférence générale, au même titre que les autres sélections de pays plus éloignés. C’est donc avec une certaine surprise que joueurs et supporters tchèques ont découvert l’accueil chaleureux qui leur était réservé à Wrocław. Mais ce n’est pas la seule chose qui a surpris les Tchèques, comme l’expliquait avant le début de l’Euro le célèbre journaliste et écrivain polonais Mariusz Szczygiel, auteur de plusieurs livres consacrés à la République tchèque, et notamment Gottland, traduit en français :
« Ils seront sans doute surpris de voir par exemple que nous buvons de la bière avec du sirop de framboise. Ils seront aussi surpris de voir que nous n’avons pas d’autoroutes, que nos routes sont dans un état lamentable, mais que nous arrivons quand même à vivre. Mais, surtout, ils seront surpris de voir à quel point les Polonais les trouvent très sympathiques. Ils sentiront que nous les aimons vraiment. »
A Wrocław, ville du sud de la Pologne distante de seulement 280 kilomètres de Prague, les Tchèques ont eu, il est vrai, le sentiment d’évoluer à domicile ou presque. Un sentiment né de l’accueil des habitants de la ville, mais pas seulement, comme s’en réjouit l’acteur Olaf Lubaszenko, lui aussi amoureux de la République tchèque :« Je suis content que les Tchèques viennent justement à Wroclaw, qui est devenu le symbole des changements positifs en Pologne. On peut dire que Wrocław est la ville de Pologne la plus européenne. De tous les points de vue : grâce à l’architecture et grâce à la culture. »
En Pologne, où l’humour, la quiétude, le cinéma ou encore la musique tchèques sont particulièrement appréciés, nombreux sont ceux toutefois à regretter que les Tchèques ne s’intéressent pas plus à leur pays et à sa culture. Même s’il n’est pas un passionné de football, Mariusz Szczygiel estime donc que l’organisation de ce championnat d’Europe est une occasion unique pour les deux peuples slaves de se rapprocher :
« Oui, moi aussi je suis content que les Tchèques viennent précisément à Wrocław. Certes, ce n’est pas une ville aussi belle que les villes tchèques, mais c’est quand même une belle ville. Je pense que les Tchèques ne savent pas grand-chose de la Pologne. La Pologne ne les intéresse pas, tout simplement. Le championnat d’Europe est donc pour les Tchèques l’occasion de découvrir et d’apprendre quelque chose de nouveau. »
Sa vision des choses est également partagée par la traductrice Anna Wanik, une de ces Polonaises qui apprécie tout ce qui est tchèque, mais qui constate néanmoins avec quelque regret :
« Les Tchèques ne s’intéressent pas beaucoup à la Pologne. Le tournoi peut être l’occasion pour eux de venir chez nous et de se faire une autre idée de notre pays que celle qu’ils ont encore aujourd’hui et qui remontent aux années 1980. Ils pensent que l’eau de notre mer est sale et que nous roulons toujours dans nos petites fiats polonaises. On peut donc espérer que le tournoi renforcera notre amitié réciproque. »
Même s’il est permis de douter de l’intérêt grandissant que porteront les Tchèques à la Pologne une fois l’Euro 2012 terminé, une chose est sûre cependant : à la différence du match Pologne – Russie disputé dans un climat rendu tendu par les affrontements entre hooligans des deux camps, avant comme après le match Pologne – République tchèque, les supporters des deux camps ont préféré trinquer ensemble plutôt que de se taper dessus. Et même si les Polonais mettent parfois du sirop de framboise dans leur bière, c’est avec un vrai pincement au cœur que beaucoup de supporters tchèques, touchés par l’accueil, ont quitté Wrocław.