Remise de décorations : Miloš Zeman imprime sa marque
L’indépendance de la Tchécoslovaquie est proclamée le 28 octobre 1918 dans la petite ville de Darney dans les Vosges et entérinée par le traité de Saint-Germain-en-Laye un an plus tard. Et c’est cette date du 28 octobre, date de la création de l’Etat tchécoslovaque, qui est devenue un jour de fête nationale tchèque. Toutefois cette année, la célébration a laissé un goût quelque peu âpre. Le président de la République, Miloš Zeman, a procédé pour la première fois dans le cadre de son mandat à l’attribution des hautes décorations d’Etat. Et il n’a pas manqué de soulever quelques controverses.
« J’ai bien évidemment été surpris car l’invitation des recteurs à cette cérémonie fait partie d’une certaine tradition. Et pour l’Université Masaryk, qui a été fondée immédiatement après la création de l’Etat tchécoslovaque, le fait que son recteur ne soit pas invité a une grande valeur symbolique. »
Mikuláš Bek avait empêché la tenue d’un débat avec Miloš Zeman, membre honoraire du Parti du droits des citoyens (SPOZ), au sein de sa faculté, car il craignait que cet événement ne donne lieu à une publicité électorale à l’approche des législatives. Le recteur avait alors souligné que chaque université a le droit de limiter le contact avec les hommes politiques, afin d’assurer la neutralité du monde académique. Ce à quoi Miloš Zeman a répliqué quelques jours avant la cérémonie du 28 octobre :« Le recteur de l’Université Masaryk de Brno a déclaré qu’il a interdit ma conférence pour des raisons de propagande pré-électorale, une conférence qui avait entre autre été demandée par la région de Moravie du Sud. Je considère qu’il s’agit d’un outrage fait au chef de l’Etat. En réaction, j’ai donc décidé de ne pas l’inviter. »
Le recteur de l’Université du sud, Libor Grubhoffer, n’a pas été invité lui non plus, sans doute en raison de son absence lors de la nomination officielle des professeurs au mois de juin dernier.
Lors de la cérémonie, qui s’est déroulée dans la salle Vladislav du Château de Prague ce lundi, Miloš Zeman, a décoré vingt-neuf personnalités du monde de la science, de la culture, des sciences humaines ainsi que des défenseurs des droits civiques. Le chef de l’Etat a accordé à cette occasion la décoration de l’Ordre de Tomáš Garrigue Masaryk au philosophe tchèque Erazim Kohák et à l’artiste Jiří Suchý. Les vingt-sept autres personnes distinguées ont reçu la médaille du mérite.La cérémonie elle-même n’a pas été épargnée par certaines polémiques. Pour la première fois de l’histoire de la République tchèque, la confédération des prisonniers politiques n’a pas présenté de candidat. Le chansonnier tchèque Vladimír Mišík a quant à lui refusé d’accepter la décoration présidentielle en invoquant les prises de parti du président. D’autres, comme Kamila Moučková, la présentatrice de télévision qui avait annoncé l’invasion des chars soviétiques en 1968, a laissé savoir qu’elle avait longuement hésité, avant d’accepter cette médaille :
« Moi aussi, j’ai des réserves à l’égard du président Zeman, et ce surtout parce qu’il n’est pas impartial, comme il avait promis. Et à vrai dire, je suis ennuyée de ne pas l’avoir dit au président directement, car je n’ai pas l’habitude de médire de quelqu’un. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit de dimanche à lundi, car j’ai vraiment hésité jusqu’à la dernière minute, si je devais ou non recevoir cette décoration d’Etat. J’ai demandé conseil à ma famille, et à la fin j’ai estimé, que le président Zeman me transmet seulement cette décoration. Mais je la reçois pour mes propres accomplissements dans ce pays. »Selon un éditorialiste du quotidien tchèque Mladá fronta DNES, Miloš Zeman a procédé à une remise des décorations comme le veut la tradition, mais il a également ébranlé cette tradition, en faisant indirectement savoir que « ceux qui ne sont pas avec lui, sont contre lui ».