Rencontre avec le monde du spectacle tchèque
Aujourd'hui, Culture sans frontières vous invite au Théâtre national, à la remise des Prix Thalie, destinés aux meilleurs comédiens, chanteurs d'opéra et d'opérette et danseurs de ballet de l'année 2003. Revenons quelques jours en arrière : nous sommes le samedi 27 mars. A dix-neuf heures, le parterre du Théâtre national de Prague est rempli. Nous voilà entourés de smokings et de robes du soir... Rien de bien particulier jusqu'ici, si ce n'est que tous ces visages, on n'a pas l'habitude de les voir de si près. Mais aujourd'hui, c'est la Journée mondiale du théâtre, alors tout est possible...
Barbora Hrzanova, 39 ans, est la fille de Jiri Hrzan, un grand talent du théâtre et du cinéma tchèques mort tragiquement en 1980. Elle a été couronnée meilleure comédienne de l'année pour son rôle de Helenka, une gamine de huit ans, qu'elle interprète dans la pièce Hrdy Budzes (Le fier Budzes), au théâtre de Pribram, en Bohême centrale. Avec l'écolière Helenka, imaginée par l'écrivain Irena Douskova, le public revit la période dite de "normalisation" qui a suivi, dans l'ancienne Tchécoslovaquie, le Printemps de Prague. "Vous ne pouvez pas imaginer combien je suis heureuse de pouvoir dire sur scène, en tant que petite Helenka, que 'les Russes et les communistes sont des salauds, mais on ne peut pas le dire en public' ", a confié Barbora Hrzanova, qui ne mâche jamais ses mots, au parterre rempli du Théâtre national. Mais selon la presse, cette fois-ci, sa franchise a dépassé les bornes : "Le soliste du ballet du Théâtre national, Sascha Katsapov, lauréat du prix Thalie l'année dernière et assis, ce soir-là, à quelques mètres de Hrzanova, est-il un salaud ? Et les autres, Pouchkine, Soljenitsyne, Tchekhov ?", s'indigne le cinéaste Petr Jancarek dans le quotidien Mlada fronta Dnes. Barbora Hrzanova, formée dès son enfance par un milieu artistique et anti-communiste (ce qui ne l'a pas empêchée, a-t-elle dit dans une interview, de dévorer les classiques russes) est une tête dure. Après la remise des Thalies, nous avons parlé, non seulement de son rôle d'Helenka, mais aussi de celui d'Edith Piaf que Barbora avait joué, avec beaucoup de succès, au Théâtre Na zabradli.
"J'aime la France, mais ce qui me dérange un peu, c'est son esprit gauchiste. Moi, j'ai toujours été de droite. Evidemment, cela ne concerne pas le personnage d'Edith Piaf. C'était un talent exceptionnel, qui ne naît qu'une fois tous les cent ou deux cents ans, qui est envoyé sur Terre par Dieu. On ne peut que l'admirer, c'est tout."
Il est plutôt rare qu'une soliste de ballet soit primée pour un rôle comique, comme cela a été le cas de la charmante Tereza Podarilova. Les gags de sa Catherine, la "Mégère apprivoisée" créée par Shakespeare et adaptée pour le ballet par le fameux chorégraphe britannique John Cranko, font éclater de rire le public du Théâtre national. Ecoutez Tereza Podarilova.
"La chorégraphie de la Mégère apprivoisée est merveilleuse. Le rapport entre moi et mon partenaire, Petrucchio, est très important, il faut que nous soyons en harmonie absolue. Mais ce qui me plaît le plus, c'est le fait de jouer véritablement. Pour une fois, j'exprime, à travers le mouvement, une action, pas seulement une émotion. Je parle, en fait..."
La Mégère apprivoisée sera donnée au Théâtre national les 14 et 15 mai prochains. Tereza Podarilova, vous pouvez la voir aussi dans le rôle titre du ballet Giselle, présenté en première cette semaine.
Restons au Théâtre national de Prague, mais passons à l'opéra : Yvona Skvarova a été couronnée du prix Thalie pour sa performance dans l'opéra La Mort de Klinghoffer de John Adams. Sa Marylin Klinghoffer est déchirée par la mort de son mari, tué par les terroristes.
"Pour la première fois de ma vie, j'ai incarné un personnage réel : Marylin Klinghoffer était une femme faite de chair et d'os. Cela arrive rarement à un chanteur d'opéra. Et puis, travailler avec ce sujet du terrorisme, triste mais d'actualité, c'était aussi intéressant. Mais ce qui était le plus dur pour moi, c'était de comprendre la manière de penser d'une femme américaine."
J'ai demandé à Yvona Skvarova quel était son rapport à l'opéra français. Sa réponse n'a pas besoin de commentaire...
"J'adore... On me disait souvent que ma voix était faite pour l'opéra français. J'ai beaucoup aimé chanter Mignon d'Ambroise Thomas et, évidemment, Carmen, proche à chaque mezzo-soprano."