Rencontre avec Tylek et Tyleček, artistes tchèques à Paris
Depuis mardi et jusqu’au samedi 18 novembre, la galerie d’art pragoise La Femme accueille une exposition consacrée aux peintres Tylek et Tyleček. Désormais établi à Paris, ce couple d’artistes a d’abord commencé son parcours en Tchécoslovaquie socialiste avant d’entreprendre un tour du monde puis de se poser en France. Radio Prague a rencontré monsieur et madame, respectivement Tylek et Tyleček.
Lui, c’est M. Tylek, et elle, donc, Mme Tyleček. Artistes-peintres modernes, ils sont parisiens de cœur, mais sont en ce moment à Prague pour présenter leur dernière exposition, leur cinquième.
Tyleček : « Il s’agit du travail des deux dernières années, réalisé dans notre atelier à Paris. Les thèmes sont différents : mon mari réalise des portraits de femmes, tandis que moi je peins surtout des natures mortes, des fleurs, des bouquets, des vignes, des compositions… »Tylek et Tyleček réalisent aujourd’hui toutes leurs toiles à Paris, mais beaucoup de choses se sont passées avant leur installation au pied de la tour Eiffel. Tout a commencé avec une fuite de la Tchécoslovaquie socialiste en 1983, pour des raisons artistiques bien sûr :
Tylek : « Le régime était extrêmement dur, on ne pouvait faire que de la peinture engagée pour le système politique de l’époque, et ça ne nous convenait pas. Je suis très content que nous ayons passé la ‘ligne interdite’, même si nous sommes devenus réfugiés suite à cela. Vous savez, l’art, c’est aussi la confrontation entre les gens, et à Paris vous pouvez voir toutes les possibilités qu’il n’y avait pas chez nous à ce niveau-là. Cette galerie, par exemple, à l’époque n’existait pas : il y avait un style unique pour tous les artistes. A Paris il y avait tous les courants du monde représentés qui se confrontaient, et c’est là-bas que nous avons trouvé notre liberté. »
Les deux peintres tchèques ont donc ensuite entamé une carrière au sein du milieu parisien qui a visiblement fait mouche : les années suivantes ont été marquées par des expositions en Suisse, à Tahiti ou encore en Guadeloupe grâce à des rencontres avec des acheteurs parisiens. Un premier cycle de voyages suivi par un tour du monde artistique qui a commencé lors de l’Exposition universelle au Japon en 2005 :Tylek : « Nous avions une exposition stable là-bas, à côté de Nagoya, à Mihama. Les Japonais appellent ça un musée, mais je dirais que c’est plutôt une exposition permanente que nous avons eue pendant dix ans ensuite. »
Le Japon a ensuite été le point de départ d’un long projet qui aura permis aux deux Tchèques de peindre partout dans le monde, une reproduction du long voyage de Yamamoto Otokichi, héros national japonais, ayant fait le tour du globe.
Tylek : « Ce bonhomme-là a fait le tour du monde et les Japonais nous ont donc demandé de faire des illustrations du voyage d’Otokichi. J’ai répondu ‘non, les illustrations ce n’est pas notre truc’, mais ma femme a proposé autre chose… »
Tyleček : « J’ai proposé que nous voyagions sur les traces d’Otokichi autour du monde et de faire des tableaux à notre manière. Les Japonais ont adoré et nous avons ensuite préparé le voyage pendant cinq ans. »Tylek : « Et le voyage a duré trois ans. Finalement nous sommes allés sur les cinq continents, où nous avons pu peindre à notre manière tout ce que nous avons vu. »
Tyleček : « Le voyage a été très intéressant, nous avons découvert l’Australie, l’Afrique du Sud, la Côte-d’Ivoire, Tahiti… sur les traces d’Otokichi, qui avait fait le plan ! »
Tylek : « Finalement le projet s’est appelé ‘Cinq continents, d’après le voyage d’Otokichi’. »
Le couple de peintres est donc aussi bien un couple d’artistes tchèques qu’internationaux. Depuis, selon les mots de M. Tylek, l’âge des voyages est passé, et ils partagent désormais leur temps entre leurs deux amours : la France et la République tchèque.
Tylek : « Nous aimons vraiment les deux. La France, c’est la France, et la République tchèque, c’est la République tchèque. Nous sommes vraiment des Européens. Pour nous présenter réellement : nous avons deux enfants, qui nous ont donné quatre petits-enfants, ils sont tous à Paris, nous sommes liés avec la France ! Je vais vous dire, entre Paris et Prague il y a seulement 1 000 kilomètres ! Ce n’est pas loin finalement. »C’est même assez proche pour venir y exposer tous les deux ans, donc. Alors, pour découvrir la France et le monde à travers le regard artistique tchèque, rendez-vous cette semaine et la prochaine à la galerie La Femme. Plus d’informations sur les artistes sont disponibles sur le site de la galerie (http://www.glf.cz/cz/) et sur celui des artistes (http://tylek-tylecek.com/).
Anecdote finale, il ne vous aura pas échappé que Tylek et Tyleček ont des patronymes originaux. L’explication est la suivante : lors de leur mariage en Tchécoslovaquie, le couple s’appelait M. Tyleček et Mme Tylečekova, mais suite à leur fuite en France, l’administration française a imposé le patronyme « Tylecek » pour lui comme pour elle. Galant, monsieur a alors laissé le nom complet à madame, pour prendre donc son pseudonyme connu aujourd’hui, Tylek qui est aussi le diminutif en tchèque de Tyleček. Un féministe avant l’heure en quelque sorte…