Restitution des biens aux Eglises : les plaintes constitutionnelles s'accumulent
Après le parti Affaires publiques (VV), la social-démocratie (ČSSD) a déposé à son tour une plainte à la Cour constitutionnelle contre la loi sur la restitution des biens aux Eglises, un texte qui a fait l’objet d’un long feuilleton législatif avant son adoption à l’automne dernier qui a cristallisé nombre de critiques.
Le texte prévoit que 56 % du patrimoine exproprié par le régime communiste, d’une valeur de près de 3 milliards d’euros, retourne dans le giron des Eglises. Une compensation financière sur trente ans est également prévue pour les biens ne pouvant être restitués, et ce pour un montant total de 2,35 milliards d’euros.
Pour l’opposition, il s’agit ni plus ni moins d’un cadeau fait aux cultes, d’autant plus que selon la législation actuelle qui pourrait toutefois être prochainement corrigée, ceux-ci pourront revendre leurs biens sans être imposés. Un cadeau malvenu en période de récession alors que le gouvernement s’attache dans le même temps à mener une stricte politique d’austérité.
Aussi le ČSSD poursuit sa lutte contre cette loi adoptée dans la difficulté en fin d’année dernière. Seulement, les armes ne sont plus législatives mais juridiques. Lundi, un groupe de députés du principal parti d’opposition a en effet déposé une plainte à la Cour constitutionnelle pour faire annuler ce texte. Jeroným Tejc, qui dirige le groupe social-démocrate à la Chambre des députés, a présenté à la presse certains des arguments employés :
« Des propriétés, qui appartenaient aux Eglises mais dont l’usage était limité avant même la naissance de la Tchécoslovaquie, vont revenir aux Eglises. Ces biens qui leur ont été ôtés avaient un caractère administratif précis. Cela signifie que les Eglises ne pouvaient pas en disposer comme bon leur semblait, chose qu’elles pourront faire désormais. »La plainte s’appuie sur des lois parfois relativement anciennes. Ainsi, l’une d’elle, qui remonte à 1860, précisait que les Eglises ne pouvaient louer, obérer ou mettre en gage leurs propriétés sans l’accord préalable des autorités publiques. Le ČSSD appuie également sa requête constitutionnelle sur le fait que parmi les dix-sept Eglises bénéficiaires de la loi sur la restitution des biens confisqués, sept n’existaient pas avant la chute du régime communiste. Aussi, la somme destinée aux différents cultes serait gonflée par rapport à ce qu’ils ont effectivement possédé.
Dans les rangs de la majorité, où on ne doute pas de son application dès l’automne prochain, on continue à se féliciter de l’adoption de ce texte « historique ». On écoute le député ODS Marek Benda :
« Je pense que la loi ne sera pas annulée car il me semble que mon collègue monsieur Tejc et tous les autres ne comprennent pas son sens. Cette loi n’est pas seulement une réparation pour les Eglises. Elle marque également une nouvelle orientation des relations entre l’Etat et les Eglises, relations qui ont été dénaturées par une loi communiste datant de 1949. »Les sociaux-démocrates ont pourtant bon espoir que la Cour constitutionnelle étudie leur plainte avec bienveillance. En effet, le président nouvellement élu Miloš Zeman, ancien Premier ministre social-démocrate et opposant farouche à la restitution des biens, doit présenter quatre candidats aux postes de juge constitutionnel en mars prochain au Sénat, lequel est tenu par ces mêmes sociaux-démocrates. Et le futur chef de l’Etat réitéra cette démarche en juin.
Ainsi, huit magistrats susceptibles d’appuyer cette plainte pourraient être nommés dans une institution qui compte actuellement douze juges, dont six sont appelés à quitter leurs fonctions cette année. Ancienne vice-présidente de la Cour constitutionnelle, Eliška Wagnerová estime toutefois que les juges ne seront pas partisans :
« Aucun juge ne travaillera au bénéfice d’un parti politique et il n’en a pas le droit. C’est une condition indispensable, car ce juge doit rester impartial. »Le parti communiste devrait aussi déposer une plainte contre cette loi et la Cour constitutionnelle pourrait choisir de l’étudier en même temps que celles des autres groupes parlementaires.