Rodrigue Norman : Inventer une langue propre
Depuis jeudi dernier, et pendant toute cette semaine encore, le festival Afrique en création accueille le dramaturge togolais Rodrigue Norman dont une des pièces « Allo, l’Afrique » vient de sortir en tchèque. Un autre de ses opus a été joué vendredi dernier à l’IFP dans le cadre du festival. Tout cela se déroule également dans le cadre des Journées de la francophonie. Rodrigue Norman est revenu au sur l’origine de sa passion pour l’écriture...
« J’ai commencé à écrire il y a de cela quinze ans. J’ai écrit une dizaine de pièces dont quatre sont publiées. Je suis venu à l’écriture par curiosité et aussi par complexe par rapport à la langue française. Je suis issu d’un milieu assez modeste et pour mon émancipation j’avais besoin d’apprendre la langue française, parce qu’elle est un signe distinctif d’une certaine classe. Je crois que j’ai commencé à écrire à cause de mon complexe vis-à-vis de ceux qui parlaient français. Je voulais en avoir une maîtrise totale d’où l’exercice à l’âge de 12 ans : j’écrivais à la manière des auteurs que j’aimais bien. Petit à petit j’ai essayé de trouver ma propre liberté. Aujourd’hui, ce n’est plus par complexe que j’écris mais par nécessité. Mon objectif n’a plus été de maîtriser la langue française mais d’inventer ma propre langue qui n’est certainement plus la langue française mais une langue finalement francophone, avec un fond mina, ma langue maternelle. »
Avez-vous déjà songé à écrire dans votre langue maternelle ou l’avez-vous déjà fait ?
« Jamais, car c’est une langue orale. Mais il y a des gens de la génération avant la mienne qui ont appris à écrire, à transcrire cette langue mais je n’ai jamais eu cette science-là. Je sais la parler, mais pas l’écrire. »
Quels sont les emprunts que vous faites à la langue mina pour votre écriture ?
« J’aime parler de ‘copulation’ entre la langue française et la langue mina. Effectivement je m’exprime en français mais on oublie que mon imaginaire est peuplé de réalités de mon village, de la ville où je réside (Lomé, ndlr), la capitale des odeurs, et finalement j’essaye, à travers mon écriture à dominante française, de rendre compte de toutes ces images-là, de mon imaginaire, en langue française. Cela donne effectivement quelque chose de bizarre, des formulations pas tout à fait françaises. Des Français qui lisent mes pièces se heurtent parfois à la difficulté de prononciation des phrases... Ils trouvent que l’agencement n’est pas celui qu’on rencontre normalement. C’est dû au fait que j’ai envie de rendre compte d’une réalité qui n’est pas forcément française, mais qui résulte de mon histoire personnelle, de mes voyages etc. »
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