Rugby - Jean-Baptiste Soucek, pilier français du XV tchèque: « Je joue pour mon grand-père »

Jean-Baptiste Soucek, photo: rugby.cz
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Jean-Baptiste Soucek, a fêté, samedi, sa deuxième sélection sous le maillot de l'équipe nationale tchèque de rugby. A 33 ans et grâce au rugby, le pilier de Miélan, dans le Gers, retrouve une partie de ses origines, celles d'un petit-fils d'émigré morave.

La République tchèque recevait, samedi, la Russie pour le compte de la quatrième journée de la Coupe d'Europe des nations de première division organisée par la Fédération Internationale de Rugby Amateur (FIRA). Dans une compétition disputée par des pays constituant l'antichambre de l'élite européenne, derrière les équipes participant au Tournoi des Six nations, la République tchèque, sous les ordres de l'entraîneur français Christian Galonnier, a dominé le grand frère slave sur le score étriqué de 11 à 7. A cette occasion, le pilier français Jean-Baptiste Soucek, dont le grand-père était originaire de Brno, en Moravie, a fêté sa deuxième sélection sous le maillot frappé du lion argenté à double queue et couronné, symbole de la Bohême. Vendredi dernier, veille de match, à la sortie du dernier entraînement, nous lui avons tendu le micro pour qu'il nous raconte son histoire peu banale:

« Mon histoire démarre à 19 ans. Jusqu'alors je jouais au foot, mais en rentrant de l'armée, je me mets au rugby. J'ai alors évolué dans différents clubs, en passant par Gimont, puis Mauvezin, Cahors, puis surtout Auch. Lorsque j'arrive là-bas, le club est en deuxième division et l'année suivante, nous montons en première. J'ai enchaîné huit saisons à Auch, dont trois dans le Top 16. J'y ai fini avec un titre de champion de France en Pro D2. Voilà... Et puis, il y a cinq ans de cela, lorsque nous étions en première division, Eduard Krutzner, le président de la fédération tchèque, m'avait contacté pour venir jouer pour la République tchèque. A l'époque, je ne savais pas trop encore, j'avais des ambitions, j'étais à deux doigts de partir pour Agen et je voulais donc plutôt me donner à fond dans le rugby français. Ce qui fait qu'il n'y a pas vraiment eu de suite. Mais en début de saison, Christian Galonnier m'a de nouveau contacté et là, je me suis dit qu'à 33 ans, ça pourrait être intéressant. Alors pourquoi pas ? Et voilà que j'ai disputé mon deuxième match sous les couleurs tchèques. »

-Alors justement, comment s'est passée votre première sélection contre l'Ukraine ?

« Le staff et les joueurs sont vraiment très sympathiques, j'ai été très bien accueilli. Bon, après, sur le terrain, je suis un peu perdu parce que je ne parle pas tchèque. Mais dans l'ensemble, ça va quand même, je vais essayer de grignotter petit à petit. »

-Comment s'est passée l'intégration dans l'équipe ?

« Super bien. Comme je vous l'ai dit, les joueurs sont très sympathiques et il y en a beaucoup de très bons, chose que l'on n'imagine pas lorsque l'on est en France. Quand j'ai annoncé que j'étais international tchèque, cela a fait rire beaucoup de gens, mais le niveau de l'équipe n'est pas mal quand même. »

-Y a-t-il des rituels à respecter lorsqu'un nouveau joueur arrive dans l'équipe tchèque ?

« Ca dépend. En France, oui, mais ici, rien de particulier. L'intégration s'est faite progressivement pendant les première, deuxième et troisième mi-temps. Généralement, c'est dans ces moments-là que l'on essaie de s'intégrer, et apparemment, d'après quelques échos, j'ai été très bien accueilli... »

-Et comment s'est déroulée cette fameuse troisième mi-temps ?

« Impeccablement bien. On a été boire quelques petites bières avec les joueurs et... bref, c'était vraiment bien ! »

-Etait-ce la première fois que vous étiez à Prague ou même en République tchèque ?

« Oui. Je n'avais jamais mis les pieds dans le pays et Prague est vraiment une ville magnifique. Je n'ai aucun regret. »

-Entre les deux matches contre l'Ukraine et la Russie espacés d'une semaine, vous êtes rentré en France. Pourquoi tous ces voyages ?

« Je suis rentré parce que je travaille au Conseil général au service garage. Et puis j'ai une famille, je suis marié et j'ai une petite fille, ce qui implique des obligations et puis je ne suis pas professionnel. Il y a de cela deux semaines, avant le match contre l'Ukraine, j'ai posé plusieurs jours de congé, cette fois-ci, avant la Russie, j'ai pris aussi un jour. Je suis parti de Miélan à quatre heures du matin pour aller à Toulouse, prendre l'avion jusqu'en Allemagne et arriver à l'aéroport de Prague juste avant onze heures et participer à l'entraînement à quatorze heures. Donc, tout cela demande quand même des sacrifices. »

-Comment se passe la communication avec vos coéquipiers ? Plusieurs d'entre eux évoluent en France. Ce sont eux qui vous aident ?

« Oui, il y en a quatre ou cinq qui jouent en france, donc ça permet de sortir un peu du pétrin, parce que sinon, ce n'est pas gagné... Mais petit à petit, j'essaie de comprendre les combinaisons en touche et je pense qu'il n'y a pas trop de soucis avec la mêlée. En général, pour les phases statiques, ça va à peu près. Par contre, c'est plus difficile dans les zones où le jeu se développe, parce qu'il faut courir et communiquer en même temps. Mais ça vient progressivement. »

-Est-ce que vous pourriez nous dire quelques mots sur votre famille et votre grand-père tchèque qui a émigré en France ?

« Mon grand-père, Karel Soucek, est né à Brno. Il a quitté le pays à l'âge de dix-huit ans après avoir fait son service militaire. Mon père et ses frères et soeurs sont arrivés en France. Mon grand-père n'est jamais retourné au pays et nous n'avons jamais eu de nouvelles de la famille. C'est un petit peu dommage, mais quelque part, ses fils et mon père sont très heureux que je puisse porter le maillot de la République tchèque. C'est un honneur pour la famille et moi je suis content vis-à-vis de mon grand-père. »

-Peut-on donc dire que porter le maillot tchèque est pour vous avant tout un geste familial ?

« Oui, c'est un geste familial, mais c'est aussi un plaisir pour moi-même. Vous savez, j'ai commencé un peu tard le rugby et j'espérais peut-être accrocher « quelque chose » un jour. J'aurais aimé pousser encore un peu plus loin, mais bon, il y avait l'âge et puis le problème est que nous n'étions pas professionnels à Auch. Du coup, j'ai réfléchi un peu et ça m'a poussé à lever le pied et à partir d'Auch pour Miélan, en Fédérale 2. Aujourd'hui, je considère donc un peu cette aventure tchèque comme une récompense, je me dis que c'est à faire et que c'est sympa de voir qu'ailleurs on joue aussi au rugby, et bien en plus. »

-Que saviez-vous du rugby tchèque avant de venir ?

« Je savais que le rugby tchèque existait, mais je ne pensais pas trouver autant de gabarits et de qualités individuelles chez certains joueurs. Cela prouve bien que le rugby est un sport mondial. »

-Maintenant que vous êtes ici, avez-vous l'intention de partir à la recherche de vos racines et des membres de votre famille qui sont restés au pays ?

« Oui, j'ai envie de pousser un peu, de voir ce qu'il y a à Brno et de visiter la ville. Je devais y aller la semaine dernière, mais nous n'avons pas eu de chance, nous sommes restés bloqués deux heures sur l'autoroute à cause d'un carambolage et du coup nous sommes revenus sur Prague. Mais ce n'est que partie remise, je compte bien y retourner et éventuellement faire quelques recherches au niveau des Soucek, puisque apparemment il n'y a que de ça à Brno (rires)... »