Saint Venceslas
Par Jaroslav Gissubelova
La statue de saint Venceslas est la dominante incontournable de la place du même nom, place Venceslas, au centre de Prague. C'est un lieu mouvementé où les Tchèques se réunissent toujours dans des moments cruciaux de leur histoire. La statue de Saint-Venceslas est le témoin tacite des leurs émotions, de leurs désespoirs et espoirs... Saint Venceslas, patron des Tchèques, est représenté ici comme cavalier en armure lourde sur cheval, pour symboliser toute la détermination des Tchèques de défendre leur pays.
N'y-a-t-il pas une contradiction entre Venceslas - saint et Venceslas - prince et combattant? La réponse des historiens est que c'est la légende qui a décidé de l'image de la statue. C'est, en effet, la légende sur Venceslas, selon laquelle saint Venceslas s'est métamorphosé en un protecteur des Tchèques, que l'auteur du monument, Josef Vaclav Myslbek, a immortalisée dans cette statue. Josef Vaclav Myslbek /1848 - 1922/, sculpteur de la génération du Théâtre national, représentant du réalisme monumental, fort influencé par le romantisme patriotique, par l'antique et la sculpture française, a créé des types idéaux du passé slave et de l'histoire tchèque, dont Jan Zizka, le cardinal Schwarzenberg, dans la cathédrale Saint-Guy. Son oeuvre la plus connue , c'est la statue équestre de Saint-Venceslas, plus grande que nature, entourée de quatre autres patrons de Bohême, Ludmila - sa grand-mère, Procope, Adalbert et Agnès.
Une courte parenthèse - une statue primitive du saint patron de la Bohême, Venceslas, réalisée par Jan Georges Brendl en 1680, se trouvait sur cet endroit jusqu'à 1879, où elle a été déplacée à Vysehrad. La statue équestre actuelle a été érigée par Josef Vaclav Myslbek en 1912. Le monument repose sur un socle sur lequel on peu lire les paroles du fameux choral du XIIIe siècle nommé d'après Venceslas et chanté aux heures sombres et aux grands moments de l'histoire des Tchèques, comme leur second hymne national: "Saint-Venceslas, ne nous laisse pas périr, nous et nos descendants..."
Dans son livre "Saint Venceslas", l'historien Dusan Trestik écrit que depuis le début du 11e siècle où le culte de Saint-Venceslas s'est créé, le personnage de celui-ci était lié à l'Etat tchèque et Venceslas revêt l'image du souverain siégeant sur le trône. Au 12e siècle, le personnage de Venceslas devient chevalier. Le nimbe cède la place à l'épée et la cuirasse: Venceslas se transforme en protecteur du peuple, donateur de la victoire.
Saint-Venceslas veille sur notre vie de tous les jours et attend le moment où le pays souffrira le plus, pour qu'il vienne en aide. Il est omniprésent, du fait, peut-être, que le pays n'est jamais allé très bien. Nous l'avons regardé dans des moments difficiles, ignorant, pourquoi c'était toujours dans des années se terminant par un 8: 1938, 1948, 1968, 1988. En réalité, le visage sous le heaume est un visage de notre espoir et non pas le visage d'un prince du début du 10e siècle.
Plus loin, l'historien Dusan Trestik essaie de décrire certains éléments de la statue. Il commence par le heaume, qui n'est pas la couverture la plus appropriée de la tête du saint Venceslas. C'est le bonnet de prince, l'attribut qui lui est dû. Myslbek l'a dessiné d'ailleurs dans ses projets initiaux. Plus tard, il a eu l'idée de le remplacer par le heaume allant mieux ensemble avec la stature d'homme d'armes sur cheval. Et Myslbek a eu le plein droit de le faire. Le heaume de Venceslas a existé et il s'est même conservé dans le trésor de la cathédrale Saint-Guy, au Château de Prague. La croix qui brille sur le front de saint Venceslas est aussi un symbole. Cette croix est la même avec laquelle on fait le signe de croix sur le front d'un nouveau-né et, dans le même temps, elle est le signe du triomphe sur les forces du mal.
En 1918, l'Etat tchécoslovaque a été proclamé devant la statue de Saint-Venceslas. En 1938, la statue est devenue le symbole de la résistance contre Munich. La tradition du patron du pays a survécu aux tentatives d'en abuser aux temps du protectorat de Bohême-Moravie. L'aigle Saint-Venceslas, dans l'emblème du protectorat, est resté le signe de collaboration la plus odieuse et détestée. Dans les années 1968 - 1969, la statue Saint-Venceslas devient le centre de la résistance contre l'occupation du pays. Le 21 août 1968, jour de l'occupation soviétique, les gens assis à ses pieds étaient décidés d'empêcher par leurs corps l'avance des chars soviétiques. Le 16 janvier 1969, l'étudiant Jan Palach s'immole par le feu non loin de la statue Saint-Venceslav, voulant éveiller, par son acte, la nation d'une léthargie et d'une résignation devant l'occupation. La place est le lieu des manifestations d'opposants contre le régime communiste en Tchécoslovaquie, culminant le 17 novembre 1989, par la révolution de Velours. Ces journées-là, le froid mordant ne pouvait pas dissuader des centaines de milliers de Tchèques venir entendre Vaclav Havel, Alexander Dubcek, Marta Kubisova. La place était trop petite pour contenir tous ceux qui se pressaient vers la liberté.
En érigeant la statue de Saint-Venceslas au milieu de Prague, on a déterminé son centre et le centre de tout le pays par lequel passe l'axe de l'histoire tchèque. Chacun qui voudrait s'emparer des pays tchèques, devrait s'emparer de cette statue ayant la valeur d'un symbole, écrit dans son livre Dusan Trestik.
Nous devons, peut-être, à nos auditeurs, une explication, celle pourquoi on a décidé de faire de la fête de Saint-Venceslas une fête nationale. Le fait que les Tchèques ont, pour leur fête nationale, le jour de la fondation d'un Etat aujourd'hui inexistant, le 28 octobre, a conduit certains députés à le proposer. Or, supprimer cette fête dont la tradition masarykienne est tout aussi forte et chère aux Tchèques que le culte et la tradition de saint Venceslas, serait trop osée. Aussi, a-t-on préféré un compromis. On a donc deux fêtes nationales, dont celle du 28 septembre tombant sur saint Venceslas porte officiellement l'appellation Journée de l'Etat tchèque.