Saint Venceslas : un prince, une légende et une inspiration musicale
Pendant tout un millénaire, le culte de Venceslas, saint patron de la Bohême, continue à résister au temps, à l’oubli et aux vagues de sécularisation. Il est même sorti vainqueur du combat contre l’idéologie communiste. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle les historiens officiels cherchaient en vain à minimiser et problématiser le rôle de ce prince dans l’histoire du peuple tchèque et aujourd’hui encore saint Venceslas (en tchèque Václav) qui a vécu probablement entre 907 et 935, continue d’être considéré comme un symbole de la nation tchèque et un élément clé de la continuité de son histoire.
C’est vers saint Venceslas que se tournaient les Tchèques dans les temps difficiles, c’est autour de sa statue équestre sur la place pragoise qui porte son nom que se réunissaient et se réunissent de grands rassemblements populaires comme si les gens y cherchaient protection lors des moments décisifs pour l’histoire du pays. C’est saint Venceslas qui est invoqué aussi dans un des plus anciens chants de Bohême dont la création est située à la fin du XIIe siècle:
Saint Venceslas
Duc de Bohême, notre prince,
prie pour nous
Dieu et le Saint-Esprit
Kyrie eleison! La cour céleste est merveilleuse
Bienheureux qui y va
La vie éternelle, le feu clair
du Saint-Esprit
Kyrie eleison! Nous demandons ton aide
aie pitié de nous
réconforte ceux qui sont tristes
chasse tout le mal
Saint Venceslas! Kyrie eleison!
Au XXe siècle cette prière ardente qui est aussi un hymne à la gloire de saint Venceslas, personnage historique et prince mythique, a inspiré le compositeur Josef Suk. Il est l’auteur d’une Méditation sur l’ancien choral tchèque en l’honneur de saint Venceslas. La Méditation a été écrite en été 1914, donc au début de la Première Guerre mondiale. C’est une composition assez exceptionnelle dans la création de Josef Suk car il n’utilisait que rarement les citations des œuvres d’autres compositeurs et n’aimait pas beaucoup la forme des variations. Suk a choisi la version plus récente et très répandue du chant dont la notation se trouve dans la biographie de saint Adalbert «Rosa Bohemica» de 1668. Il a divisé la mélodie du chant en quatre parties.
«C’est la troisième partie qui est la plus importante, dit le musicologue Jiří Berkovec, car elle correspond aux paroles suivantes du chant original : ‘Ne nous laissez pas périr ni notre postérité.’ Suk inscrivit ces paroles en en-tête du manuscrit en les accompagnant de la mélodie du secteur correspondant du choral. Cette œuvre est une méditation profonde sur le sens de l’hymne que l’on chantait avec espoir et foi aux moments glorieux, mais aussi aux moments douloureux de la vie de la nation ; et cela vaut tant pour la conception morale de l’œuvre que pour son expression purement musicale.»