Saisie de documents à la Télévision tchèque

Photo: CTK

L’intervention de la police militaire, vendredi dernier, dans les locaux de Česká televize, la télévision publique tchèque, a provoqué de vives réactions sur la scène politique et a ranimé le débat sur la protection des sources d’informations des médias. Commentée abondamment dans la presse, l’affaire risque d’ébranler la position du ministre de la Défense.

Photo: CTK
Vendredi, plusieurs membres de la police militaire tchèque en tenue de combat investissent les locaux de Česká televize malgré les protestations des ses employés. Ils entrent dans le bureau du journaliste Karel Rožánek et de ses deux collègues et saisissent un certain nombre de documents écrits, de cassettes vidéo et d’ordinateurs. Le reportage de cette opération spectaculaire, que certaines journalistes n’hésitent pas à qualifier de « razzia », est presque aussitôt diffusé par les médias en ligne.

Il s’avère que la police a cherché dans le bureau la copie d’un document utilisé par Karel Rožánek pour son reportage sur une affaire qui devait discréditer, en 2007, les vice-ministres de la Défense. Le reportage a été diffusé en février dernier et le document, d’abord confidentiel, a été déclassifié et n’était donc plus soumis au régime du secret. Les commentateurs et les critiques de cette opération se demandent donc logiquement pour quelle raison la police militaire s’intéresse tellement à la copie d’un document qui n’est plus confidentiel et qui, selon Karel Rožánek, n’était même plus en sa possession parce qu’il l’avait jeté. Président de la commission de la Défense et de la Sécurité de la Chambre des députés, František Bublan s’interroge :

« Qu’est-ce que la police militaire a cherché dans les bureaux de la télévision ? Le document en question est sans doute déposé quelque part au ministère de la Défense, il est connu et n’est donc plus soumis à la loi sur les informations secrètes. Il est donc possible que cette perquisition ait été tout à fait illégale. »

L’attaché de presse de Česká televize, Ladislav Šticha, émet le soupçon que toute cette opération ait pu être menée pour permettre à la police de saisir d’autres documents de Karel Rožánek, qui prépare des reportages sur la situation au ministère de la Défense et dans la police militaire. La télévision publique tchèque porte plainte contre cette intervention que son avocat Martin Elger juge illégale :

« En ce qui concerne l’ampleur de cette opération et de la saisie de documents et d’ordinateurs dans le bureau de Karel Rožánek et de ses deux collègues, documents concernant d’autres affaires et données personnelles de ces journalistes, elle a été tout à fait excessive et inadéquate. Le caractère illégal d’une telle procédure est évident. Pour cette raison la police militaire devrait immédiatement restituer à leurs propriétaires tous les documents saisis. »

Karel Rožánek,  photo: www.army.cz
Selon Martin Elger, les documents ainsi saisis ne peuvent pas être utilisés dans une procédure pénale et sont donc inutilisables sur le plan juridique.

Face à ces critiques, le ministre de la Défense, Alexandr Vondra, a relevé temporairement de leurs fonctions le chef et deux officiers de la police militaire. Il s’en est expliqué dans un débat télévisé :

Alexandr Vondra
« La manière que la police militaire a adoptée pour mener cette opération est tout à fait inadmissible. C’était une démonstration de force complètement idiote. En tant que telle, elle est indéfendable et je ne vais pas la défendre. D’autre part, la police militaire poursuit une enquête sur cette affaire, enquête dans laquelle je ne peux pas et ne dois pas intervenir. L`enquête porte sur la fuite d’informations secrètes du ministère de la Défense et il n’est pas possible de l’ignorer ou de l’arrêter. »

Et le ministre d’affirmer qu’il n’a jamais cherché et ne cherche pas non plus maintenant à se soustraire à la responsabilité politique. Il répète cependant qu’il n’a pas donné l’ordre à une telle opération et n’en a même pas été informé. Il refuse de parler de sa démission tout en déclarant qu’il faut tirer leçon de cette affaire afin qu’elle ne se répète plus.