Presse : un sentiment de bonheur croissant en Europe centrale, surtout parmi les jeunes
Cette nouvelle revue de presse tchèque de la semaine écoulée revient d’abord sur quelques-uns des commentaires qui ont fait suite à la publication du dernier Rapport mondial sur le bonheur. Autres thèmes évoqués : le message laissé par l’ancien politique Karel Schwarzenber, mort il y a un an, la possible vague de réfugiés ukrainiens à l’approche de l’hiver ou encore la manière dont les grandes figures de l’histoire tchèque sont désormais présentées dans les films et séries télévisées.
« L’importance historique de la chute du régime communiste n’est apparue pleinement qu’avec la génération née après novembre 1989 », lit-on dans le dernier numéro de l’hebdomadaire Respekt. L’auteur explique :
« Il ne fait aucun doute qu’il s’agit du meilleur événement dans l’histoire de l’Europe centrale. Toutefois, si l’on demande à ses habitants s’ils considèrent la démocratie comme un meilleur système que le précédent, le succès n’est pas aussi marquant. Beaucoup, et certains à juste raison, déclarent, en effet, être déçus par l’évolution qui a fait suite à 1989. Il existe pourtant une preuve marquante que les sociétés en Europe centrale vivent beaucoup mieux qu’autrefois : le Rapport mondial sur le bonheur 2024. Ce dernier révèle que, depuis quinze ans, la région de l’Europe centrale et de l’Est est le leader mondial en termes de bonheur grandissant. Un constat qui contrate avec la frustration et la colère qui se répandent sur les réseaux sociaux. »
Plus important encore, toujours selon Respekt, est le fait que les jeunes âgés de moins de 30 ans en Europe centrale se sentent tout aussi heureux que les jeunes Occidentaux :
« Cela laisse à penser que la génération née après la chute du régime communiste, contrairement à ses aînés, a déjà fusionné avec l’Europe. Voilà pourquoi l’avenir démocratique de la région apparaît assez prometteur, et ce, même s’il n’y a aucune garantie, comme on le constate actuellement en Slovaquie. »
« Le débat sur l’interdiction du Parti communiste s’est achevé il y a plusieurs années par le rejet d’une mesure dont la nature était généralement considérée comme anti-démocratique », rappelle aussi le site Echo24.cz, toujours en rapport avec le 35e anniversaire des événements de novembre 1989. L’occasion de constater que l’on ne sait toujours pas exactement combien de personnes dans l’ancienne Tchécoslovaquie sont passées dans les rangs du Parti communiste :
« Bien que six millions soit le chiffre le plus souvent avancé, les historiens n’en sont pas convaincus. Même 35 ans après la chute du régime communiste, cela reste une question à laquelle il est difficile de répondre. »
Le message de Karel Schwarzenberg
Une position ferme, de riches connaissances territoriales et historiques, et le sens de l’humour : autant de qualités, selon un chroniqueur du site Aktualne.cz, qui étaient propres à Karel Schwarzenberg, ancien chef de la Chancellerie présidentielle sous Václav Havel et ancien chef de la diplomatie tchèque, qui est décédé il y a un an, le 12 novembre 2023 :
« Ces trois dimensions de l’existence nous font défaut depuis un an et il est peu probable que quelqu’un comme lui naisse prochainement dans notre pays. La différence entre Karel Schwarzenberg et les oligarques tchèques, comme il aimait le dire lui-même, est que la famille Schwarzenberg a acquis sa richesse en trois siècles et eux en trois ans. Bien qu’aujourd’hui les hommes d’affaires comme Andrej Babiš, Pavel Tykač, Daniel Křetínský et d’autres encore cherchent de plus en plus à entrer en politique et possèdent des médias, il leur manque une position ferme, un engagement historique et, aussi, le sens de l’humour. Aucun d’entre eux ne peut non plus écrire sous son propre nom en toute bonne conscience : Nil nisi rectum - Rien que la loi, comme Schwarzenberg l’avait fait sous son blason. »
De son côté, le journal en ligne Forum24.cz fait part d’une pétition lancée le 12 novembre pour donner le nom de Karel Schwarzenberg à un quai de la Vltava situé dans le quartier de Malá Strana à Prague, entre le palais Liechtenstein et le pont Charles. Un endroit encore sans nom alors que les auteurs de la pétition souhaitent préserver l’héritage de l’ancien chef du parti conservateur TOP 09.
Faut-il s’attendre à une nouvelle vague de réfugiés ukrainiens cet hiver ?
Le journal en ligne Lidovky.cz prévoit qu’avec le retour du froid, le nombre de réfugiés ukrainiens en Europe augmentera considérablement. Une vague de possibles nouvelles arrivées à laquelle la Tchéquie doit se préparer :
« Il est clair que les Ukrainiens continueront à fuir leur pays par dizaines de milliers, peut-être même par centaines de milliers. Si les températures descendent à -20 °C dans certaines régions, les gens sans chauffage quitteront leurs appartements et leurs maisons. Les attaques russes ont détruit au moins 70 % des infrastructures énergétiques de l’Ukraine et la probabilité est faible de pouvoir les remettre en état pour que l’ensemble de la population ukrainienne puisse survivre à l’hiver. Nombre de gens seront également sans travail, car les coupures d’électricité massives entraîneront des perturbations dans la production et une augmentation du chômage. À tout cela s’ajoutent les personnes qui fuient, volontairement ou de force, devant l’avancée des troupes russes. Et si, conformément aux rumeurs, le président américain Donald Trump venait à imposer une paix à l’Ukraine et à la Russie, la cession du territoire ukrainien et la création d’une vaste zone démilitarisée entraîneraient encore plus de fuites. »
Après tout, comme le souligne encore l’auteur, l’exode a déjà commencé. Entre juin et octobre derniers, environ 250 000 personnes ont quitté l’Ukraine et, selon un rapport de la Banque nationale d’Ukraine, l’exode est désormais plus important encore que prévu. Il a touché la Pologne plus particulièrement, mais il se fait sentir également en Tchéquie où résident quelque 380 000 réfugiés. Un défi, toujours selon Lidovky.cz, que les Tchèques doivent être prêts à relever :
« La solidarité des Tchèques est grande, comme l’a montré la crise qui a suivi l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, mais elle a ses limites. Une fois de plus, il n’est pas possible de laisser l’accueil des réfugiés sur le long terme aux bénévoles et aux organisations caritatives. Les citoyens supposent à juste titre que l’État a tiré la leçon de cette première vague et qu’improviser ne sera plus nécessaire cette fois. Et ce, d’autant moins que les réfugiés ukrainiens souhaiteront probablement s’installer pour de bon en Tchéquie et deviendront nos prochains concitoyens. »
« Humaniser » les grandes figures de l’histoire : une tendance confirmée dans le téléfilm « Smetana »
« Smetana » est le titre d’un téléfilm tourné à l’occasion du bicentenaire de la naissance du grand compositeur tchèque et que les Tchèques ont récemment pu voir. Un film dans lequel les créateurs, selon le magazine Respekt, ont privilégié le côté « coureur de jupons » de Bedřich Smetana plutôt que de s’intéresser à sa musique. Une approche qui a animé le débat sur la manière de raconter la vie des grandes figures de l’histoire :
« Même si de nombreux historiens n’apprécient pas toujours cette approche, il n’est pas besoin de juger si les créateurs ont le droit d’inventer un peu, de choisir certains épisodes de la vie d’un personnage, d’omettre ou d’ajouter quelque chose pour l’effet dramatique, de remplir un espace vide ou de présenter le personnage dans une optique contemporaine pour le rapprocher du public. Ce qui est intéressant, c’est que le film ‘Smetana’ confirme la tendance qu’ont désormais les cinéastes tchèques à traiter les personnages historiques. Ils aiment montrer que ces grandes figures avaient elles aussi un sexe, un corps physique qui les trahissait, et c’est pourquoi les spectateurs les découvrent souvent en tenue d’Adam et Ève. »
L’humanisation des acteurs de la grande histoire dans les films et les séries télévisées est une tendance désormais répandue à l’échelle internationale. La critique de Respekt estime cependant qu’en Tchéquie, cette tendance prend une forme plus locale et plus instinctive encore, une façon de rejeter la manière dont les grandes figures nationales ont été traitées par les régimes précédents pour les mettre au service d’un idéal ou d’une idée :
« Plus les grandes figures sont devenues, à divers stades et pour diverses raisons, des êtres déshumanisés, plus le pendule imaginaire de leur représentation s’oriente aujourd’hui vers leur côté humain. Cela était déjà également le cas dans la série consacrée à l’écrivaine Božena Němcová il y a quelques années. On assiste donc à une sorte de démantèlement des icônes qui, pourtant, dans bien des cas, n’est paradoxalement pas même nécessaire. Quoi qu’il en soit, le fait que les gens au XIXe siècle aient eux aussi eu des relations sexuelles, des désirs et des mariages compliqués est finalement un constat assez banal. »