Presse : la cérémonie d’ouverture des JO de Paris vue de Tchéquie

La cérémonie d’ouverture des JO de Paris

Cette nouvelle revue de presse fera d’abord le tour des réactions tchèques à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris. Un regard ensuite sur la parité hommes femmes eu égard au choix des commissaires européens. Deux autres sujets traités : l’annulation d’une émission politico-satirique à la Télévision tchèque et les premières grâces annoncées par le président Pavel.

« La soirée sur la Seine a balayé tous les doutes qui auraient pu la précéder. Elle a confirmé l’ingéniosité, l’espièglerie, la créativité, l’excellence technique de la France. Nous avons assisté à une cérémonie d’ouverture magnifique, grandiose. C’était un cadeau pour tous les spectateurs, présents sur place et devant le petit écran, un cadeau pour la France, pour l’Europe, pour les Jeux olympiques, pour le monde entier. » C’est ainsi que l’événement a été perçu par l’éditorialiste du site info.cz qui a également observé :

« En une soirée, la France a pu se présenter dans toute sa grandeur et sa diversité historique et culturelle. Nous avons vécu quatre heures d’une énergie incroyable, une énergie variée et bariolée, une énergie de tous pour tous et avec tous, sans exception, sans ségrégation ni catégorisation. Tout à fait dans l’esprit des valeurs olympiques. Dommage que cela n’ait duré que quatre heures. On aurait aimé plus. »

Même son de cloche sur le site de la Radio tchèque Plus qui a apprécié « un spectacle gigantesque offrant à la fois une esthétique visuelle raffinée, pleine de couleurs, de lumières, de pyrotechnie, le dynamisme et la jeunesse » :

«  Un spectacle qui brise les conventions et apporte de la nouveauté. Bref, la façon dont la France veut se présenter au monde. Beaucoup pouvaient s’étonner de ce qu’une telle cérémonie se déroule devant le chef d’Etat et que le gouvernement donne carte blanche aux artistes et ne craint pas des idées d’avant-garde qui dépassent tous les codes. La France a été à la hauteur de sa réputation d’un pays dont l’identité se définit par la culture et le rire rabelaisien. Ce spectacle de plusieurs heures a également montré que la France était techniquement capable d’organiser parfaitement un événement géant sans le moindre accroc. Et ce malgré la pluie. »

Selon l’éditorialiste, la cérémonie a également offert un message politique fort pour la France d’aujourd'hui et en particulier pour le président Macron et son entourage :

« Ce n’était pas l’image d’un pays en proie à l’incertitude politique, mais celle d’un Etat fort qui fonctionne bien. Le message disait au monde : nous sommes un pays fier et fort, nous avons du courage et nous n’avons pas peur de la nouveauté. »

Le journal Deník N a pour sa part retenu les réactions sur les réseaux sociaux tchèques qui sont dans la plupart des cas beaucoup moins enthousiastes :

« Après les tenues des athlètes olympiques tchèques, c’est désormais la cérémonie d’ouverture des JO qui fait l’objet de nombreuses critiques de la part des utilisateurs des réseaux sociaux tchèques qui s’affolent en raison d’un monde qui leur paraît débauché. La cérémonie d’ouverture semble résumer les cauchemars de nombreux Tchèques liés au monde contemporain. Or, quiconque sort des sentiers battus, que ce soit en termes d’apparence, d’opinion ou de mode de vie, est automatiquement considéré comme suspect. En surfant ne serait-ce qu’un bref moment sur les réseaux sociaux, on peut constater que ce conservatisme est très répandu au sein de la population tchèque. »

La parité hommes-femmes à la Commission européenne en question

« Les femmes devraient-elles automatiquement représenter au moins la moitié des membres de la Commission européenne, comme le propose Ursula von der Leyen ? » Une question à laquelle l’éditorialiste du quotidien économique Hospodářské noviny répond par la négative. Il explique pourquoi :

Ursula von der Leyen  (centre) | Photo: Christophe Licoppe,  EC AV Service/European Union,  2024

« On peut être d’accord avec le principe qu’il faut tout faire pour qu’il y ait plus de femmes dans la haute politique. Toutefois on peut saluer que le gouvernement tchèque, ainsi que les gouvernements de plusieurs autres pays de l’Union européenne, ignorent les exigences d’Ursula von der Leyen qui dirigera à nouveau la Commission européenne et qui demande aux Etats membres de lui soumettre deux candidats au poste de commissaire européen, un homme et une femme. On a affaire à un choix arbitraire sans aucun fondement dans les traités européens. Et encore, dans aucun pays de l’UE les femmes ne représentent au moins la moitié de l’élite politique. La Tchéquie qui ne compte qu’une seule femme au gouvernement peut servir d’exemple marquant. Or, il s’agirait ni plus ni moins que d’imposer les femmes ‘par la force’. »

Selon les informations dont Hospodářské noviny dispose, le Premier ministre tchèque Petr Fiala a pré-négocié avec la cheffe de la Commission européenne que la Tchéquie n’enverrait finalement qu’un seul candidat masculin. « Une bonne chose », souligne son éditorialiste avant de rappeler qu’au cours des dix dernières années, la Tchéquie a été représentée à la Commission par une femme, Věra Jourová.

« Pourquoi respecter la parité en matière de genre, lorsqu’il s’agit en premier lieu des qualités du candidat » ?, renchérit le journal Lidové noviny. « Le cabinet tchèque a proposé Jozef Síkela, parce qu’il répond à cette exigence. Il ne dispose pas d’une femme aussi bien qualifiée. Pourquoi donc proposer également une candidate féminine ? », se demande-t-il.

L’indépendance de la Télévision publique tchèque menacée ?

« Tandis qu’en Slovaquie et, jusqu’à récemment, en Pologne, les politiciens ont réussi à imposer des remaniements au sein des managements des télévisions publiques pour empêcher les reportages critiques ou peu flatteurs sur les hommes et les femmes au pouvoir, la Télévision publique tchèque a résisté à cette tendance jusqu’ici. » C’est ce dont fait par l’auteur d’un texte publié dans l’hebdomadaire Respekt qui précise :

'168 heures' | Photo: Michaela Buchtová,  ČT

« Pendant de longues années, la direction de la Télévision tchèque (ČT) a réussi à repousser les tentatives visant à la rendre plus obéissante. Voilà pourquoi les programmes qui dérangeaient les politiciens, les lobbyistes et les oligarques pouvaient exister. Il s’agit notamment de l’émission d’investigation Reportéři ČT, du débat politique Les Questions de Václav Moravec et de l’émission hebdomadaire politico-satirique 168 heures. Leurs auteurs étaient habitués à dénoncer les abus en matière de commandes publiques, la corruption et à défendre diverses personnes défavorisées. »

Cependant, comme l’estime l’éditorialiste de Respekt, la confiance en l’avenir de la Télévision tchèque en tant que média indépendant est désormais fragilisé avec l’annonce faite par sa direction selon laquelle l’émission 168 heures va disparaître de l’écran après les vacances. « La fin de cette émission a été expliquée de manière très vague », ajoute-t-il.

Les quatre premières grâces du président Pavel

Le président Petr Pavel a accordé quatre grâces, les premières depuis le début de son mandat. L’éditorialiste du site Seznam Zprávy remarque :

Le président Petr Pavel | Photo: Zuzana Jarolímková,  iROZHLAS.cz

« On ne saurait dénoncer le bien-fondé de cette décision, car  les quatre cas répondent à la définition qui stipule l’adoucissement de la dureté excessive de la peine. Il s’agit, par exemple, de la commutation de la peine de deux mères dont les enfants auraient risqué d’être placés dans un foyer pour enfants. L’important aussi, c’est qu’il s’agit des premières grâces accordées par Petr Pavel, tandis que sous Václav Havel ou Václav Klaus, les grâces se comptaient par centaines. »

L’éditorialiste du site rappelle que les grâces présidentielles aussi compréhensibles soient-elle, suscitent toujours un certain émoi. Comment le président peut-il se permettre d’annuler la décision d’un tribunal indépendant ? Telle est la question le plus souvent soulevée. « Mais quoi qu’il en soit, l’octroi de ces quatre premières grâces choisies parmi 700 demandes signale que Petr Pavel revendique activement son autorité souveraine », écrit-il.