Sans euro, Bohuslav Sobotka redoute que la Tchéquie joue les seconds rôles
La perspective d’une Europe à deux vitesses suscite des inquiétudes en République tchèque. Celles-ci ont été ravivées par la rencontre entre Emmanuel Macron et Angela Merkel en début de semaine. A tel point que le Premier ministre, Bohuslav Sobotka, a réagi en affirmant que la question n’est désormais plus de savoir si la République tchèque adoptera un jour l’euro, mais quand.
« Les choses s’accélèrent intensément. Il est évident que lorsque les élections seront passées en France et en Allemagne, l’intégration de la zone euro s’accélèrera encore. L’Europe à plusieurs vitesses, qui jusqu’à peu encore était évoquée avec prudence, est déjà devenue une réalité pour l’espace Schengen comme pour la zone euro. Et la volonté de la France comme de l’Allemagne sera d’approfondir ce processus sans attendre certains pays membres. Nous savons très bien que la stabilité, la prospérité et la sécurité de la République tchèque sont fortement liées à notre qualité de membre d’une UE en bon état de marche. Il est indispensable dans la perspective des élections législatives qui nous attendent à l’automne prochain de lancer un débat public sur ce que nous entendons faire pour ne pas nous retrouver à la périphérie de l’UE et rester au centre de cette Union. Tôt ou tard il nous faudra répondre à la question de savoir non pas si, mais quand la République tchèque sera en mesure d’adopter la monnaie unique européenne. »
La question de l’adoption ou non de l’euro en République tchèque revient sur la table à intervalles plus ou moins réguliers depuis l’adhésion du pays à l’UE en 2004. A l’époque, Prague s’était engagé à adopter la monnaie unique, mais sans préciser quand. Dernièrement, c’est l’horizon 2020 qui avait été vaguement évoqué par le gouvernement, puis même 2021 – 2026, mais à chaque fois sans grande conviction, et ce bien que le pays remplisse l’essentiel des critères économiques qui lui permettraient d’intégrer la zone euro. Bohuslav Sobotka lui-même avait expliqué que fixer une date butoir ne serait pas à l’ordre du jour tant que le pays n’aurait pas amélioré l’état de ses finances publiques, pourtant pas spécialement inquiétant, et que le niveau de vie ne se serait pas rapproché de celui de pays références comme l’Allemagne et l’Autriche voisines. Toutefois, confronté à l’évolution, ces derniers mois, de la position des dix-neuf Etats membres de la zone euro et à la menace de plus en plus concrète d’une Europe à deux vitesses, le Premier ministre tchèque a fait évoluer son discours :
« Nous avons besoin non seulement d’un gouvernement qui soit capable de défendre les intérêts de notre pays, mais aussi d’un consensus fort de l’ensemble de la scène politique et de l’ensemble de la société sur le rôle que nous voulons jouer au sein de l’UE à l’avenir. C’est à nous qu’il appartient de décider si cela ne nous dérange pas de rester à sa périphérie ou si, au contraire, nous voulons être au cœur de cette Union en compagnie de pays avec lesquels nous réalisons déjà une grande partie de nos affaires commerciales. »La décision que prendra - peut-être - le prochain gouvernement tchèque, contraint et forcé, ne sera donc plus motivée par des considérations uniquement d’ordre économique, comme cela a toujours été le cas jusqu’à présent, mais aussi politique. Dans un groupe de Visegrád dont le rôle pourrait être amené à se renforcer suite au Brexit, mais dont l’image et la réputation auprès des autres Etats membres sont actuellement catastrophiques, Bohuslav Sobotka semble avoir pris conscience que la République tchèque se trouve à la croisée des chemins. Le choix devra être fait à Prague entre la poursuite avec les pays qui le souhaitent de l’intégration européenne, qui passe par une adoption de l’euro, ou une mise en retrait vis-à-vis de ces Etats, avec le risque d’être cantonné à l’avenir à jouer les seconds rôles.