Sans politique familiale, la démographie tchèque est morose

Photo: Štěpánka Budková

A l’horizon 2100, un scénario démographique de l’Office tchèque des statistiques prévoit que la population de la République tchèque atteindra sept million d’habitants, soit trois millions de moins qu’aujourd’hui. Une baisse significative qui pourrait être déjà engagée si on en croit les chiffres publiés vendredi dernier par ce même institut. En décembre 2013, la République tchèque comptait ainsi 10 512 400 habitants, ce qui constitue une baisse de 3 700 par rapport à l’année précédente, et une première depuis environ une décennie. Actuellement à Paris où elle dispense des cours à l’université Panthéon-Sorbonne, la démographe Jitka Rychtaříková a commenté ces données pour Radio Prague.

Photo: Štěpánka Budková
« Concernant la baisse de la population en République tchèque, pour moi ce n’est pas surprenant. Il faut voir qu’il y a deux choses. La première, c’est qu’il y a plus de décès (109 200) que de naissances vivantes (106 200), chose à laquelle on pouvait s’attendre. Ce qui est plus surprenant, c’est qu’il y a plus d’émigration (30 900 personnes ont quitté le pays) que d’immigration (29 600 s’y sont installées). C’est la première fois dans l’histoire de la République tchèque. »

Comment expliquer ce solde migratoire négatif ? Qui sont ces Tchèques ou ces personnes qui quittent la République tchèque ?

« Je crois que cela est lié à la situation économique. Ce sont surtout les citoyens de l’Ukraine et du Vietnam qui sont concernés. Et partiellement il y a également des Tchèques. »

Il y a eu peu de naissances en République tchèque, c’est une constante. Qu’est-ce qui explique le faible taux de natalité en République tchèque ?

« Selon l’Office tchèque des statistiques, le nombre moyen de naissances vivantes par femme pour l’année 2013 est d’environ 1,45. Cette moyenne n’est pas si différente par rapport à l’année différente. Mais si on regarde l’effectif total, il y a une baisse parce qu’il y a moins de femmes en âge de procréer. Je crois que cette tendance va continuer, c’est-à-dire que l’on va avoir moins de femmes en âge de procréer.

Jitka Rychtaříková,  photo: Archives de Radio Prague
En même temps, l’intensité de reproduction, c’est-à-dire le nombre moyen d’enfants par femme, va aussi baisser. C’est non seulement lié aux conditions économiques mais je crois également à des conditions d’incertitude. La politique familiale, ou de soutien aux familles, n’existe presque pas en République tchèque.

Surtout, il faut favoriser la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Il est bien connu qu’en République tchèque, le congé maternel, le congé parental, est très long mais il est très mal payé. Donc les femmes sont obligés de rester avec les enfants et il leur est ensuite très difficile de poursuivre leur carrière. Cela va aussi avoir un impact sur le revenu présent de la famille mais aussi par exemple concernant la pension, la retraite, etc. »

La situation en République tchèque est-elle comparable à celle de ses voisins européens ? En France ou en Irlande, le taux de fécondité est un peu plus élevé. Pourquoi ?

« Pour ce qui est de la République tchèque, la situation est très similaire dans les anciens pays socialistes. Ce n’est pas seulement la République tchèque. En Slovaquie, en Pologne, en Hongrie, dans les anciennes républiques de l’Union soviétique, partout la fécondité est basse. A mon avis, cela est lié au fait qu’auparavant, sous le régime socialiste, la famille était tout de même soutenue. Bien sûr le niveau de vie était beaucoup plus bas mais relativement, dans ces conditions, la famille était soutenue. Après les changements politiques, il y a une interruption de ce soutien qui explique la réaction actuelle.

Photo illustrative: Kristýna Maková,  Radio Prague Int.
De leurs côtés, les pays occidentaux et les pays de l’Europe du Nord sont dans une situation plus favorable. En France par exemple, on a développé depuis la seconde mondiale le soutien à la famille. Il n’y a pas ce problème de conciliation parce qu’il y a des crèches, des écoles maternelles. Les gens ont le choix et il y a des politiques fiscales avantageuses pour les familles nombreuses. Tout cela n’existe pas dans les anciens pays socialistes. »