Semaine parfumée : un portrait olfactif de la France
Direction l’Institut français de Prague où toute cette semaine se déroulait la Semaine parfumée. Entretien avec l’artiste française Amande In qui propose son installation, Amélie, qui joue avec une pointe d’ironie et de sarcasme sur l’image couleur sépia d’une France un peu rêvée à l’étranger tout en s’interrogeant sur la manipulation des nouvelles formes de marketing. Il y a quelque chose de la « madeleine de Proust » dans cette expérience olfactive...
Amande In, vous êtes une artiste française, installée à Prague. On s’était rencontrées l’an dernier, à peu près il y a un an, à la galerie Futura. C’était pour l’exposition intitulée Love at first site, une exposition collective à laquelle vous participiez. Et votre oeuvre à l’époque était une oeuvre olfactive, ce qui est assez original puisque c’était une sorte de fil rouge qui traversait l’exposition. On se retrouve aujourd’hui, un an après presque jour pour jour, devant l’Institut français de Prague et vous revenez avec une oeuvre également olfactive, qui s’appelle Amélie. Pourriez-vous nous en parler puisque malheureusement, à la radio, on ne peut pas la sentir...
« Nous sommes donc devant l’IFP, rue Štěpánská, et nous sommes là pour découvrir une nouvelle intervention, une oeuvre spécialement conçue pour l’Institut à l’occasion de la Semaine parfumée qui est une semaine dédiée à la mode et au parfum made in France. »
Vous parlez de ‘made in France’, c’est un peu l’image ‘cliché’ de la France : l’élégance, le luxe, la beauté, le parfum etc. Comment vous êtes-vous adaptée à cette image de la France vue de l’étranger par les étrangers ?
« Cette Semaine parfumée est dédiée à la mode et à la parfumerie françaises. A cette occasion, l’IFP m’a contactée suite au projet pour lequel on s’était rencontrées l’année dernière, l’oeuvre ‘Déjà-vu’ qui réunissait tous les parfums disponibles sur le marché cosmétique au moment, hommes et femmes confondus et mélangés à égale dose. Suite à cette exposition, l’IFP m’a demandé de créer une intervention a priori olfactive. Mon travail n’étant pas de faire des parfums mais de proposer des expériences atypiques dans le champ des arts plastiques, ma première réaction a été de me dire : comment travailler sur l’odeur sans forcément tomber justement dans le cliché du luxe, du raffiné, du délicat. Je me suis demandée : qu’est-ce qui représente la France à l’étranger, quelle est l’icône de la France à l’étranger ? Alors à part le camembert, le fromage... »
Qui ne sent pas forcément très bon...
« C’est clair... j’ai réfléchi, et je me suis dit : l’icône de la France ne serait-elle pas la baguette de pain croustillante, chaleureuse. Le croissant au beurre... Et donc par extension, l’odeur de boulangerie. »
On était toute à l’heure devant l’IFP. On peut sentir en approchant du bâtiment une odeur un peu sucrée, de bonbons. A l’intérieur on sent plutôt une odeur de petits pains. Comment crée-t-on ce type d’odeur à partir de rien quand on n’a pas de petits pains exposés devant nous ?« Le projet Amélie c’est un portrait en creux de la France, invisible, presqu’immatériel puisqu’olfactif, difficile à décrire à la radio. On peut décrire mais on ne peut pas transmettre. Cette odeur c’est une odeur moitié artificielle moitié naturelle. A la maison, quand vous faites cuire un gâteau ça sent. Evidemment dans certaines boulangeries, l’odeur est authentique. Mais dans la plupart des cas, surtout depuis quelques années, c’est une odeur qui est reproduite grâce à un travail de chimie, à partir des molécules. Ce sont des spécialistes, des nez qui arrivent, grâcé aux nouvelles technologies, à reproduire beaucoup d’odeurs. Cette odeur artificielle de boulangerie ça s’appelle du marketing olfactif, une nouvelle forme de marketing qui est en plein essor. C’est un marketing qui pourrait être vécu comme très doux, car c’est une bonne odeur, mais je pense qu’il est au plus haut degré de manipulation du consommateur car on ne peut pas l’éviter, on ne peut pas arrêter de respirer. C’est une des raisons qui m’a motivée à faire ce travail : parler de notre société contemporaine, de la manière dont on véhicule une image, notamment celle de la France, car l’artisan boulanger français est célèbre au-delà de nos frontières. »
C’est l’image du Français avec son béret et sa baguette aussi... Il y a un autre personnage qui est aussi très connu hors des frontières de la France, qui a fait son image à l’étranger, à tort ou à raison, c’est un personnage dont vous vous êtes inspirée pour le titre de ce projet : Amélie Poulain, qui est l’image d’une France un peu surannée...« Amélie me semblait un zeste surannée, comme vous le dites, avec un côté cliché d’une France idyllique, carte postale. Cette ‘France carte postale’ collait bien avec l’odeur de boulangerie diffusée depuis la rue. Sachant que ce que j’espère proposer aux gens qui passent dans la rue sans savoir ou en sachant, c’est une expérience à la fois douce, presque nostalgique d’une France lointaine et en même temps un clin d’oeil plein d’humour à ce que peut porter comme mission un institut français à l’étranger, celui de promouvoir la culture française, et pourquoi pas, sa culture culinaire. »