Šestajovice, un village impliqué dans l’attentat contre Heydrich

Jakub Otáhal, photo: Magdalena Hrozínková

Il y a 75 ans de cela, plusieurs milliers de Tchèques et Slovaques étaient victimes des représailles violentes déclenchées suite à l’attentat réussi contre un des plus hauts dignitaires du IIIe Reich et planificateur de la « solution finale » Reinhard Heydrich. Cinq mois plus tard, le 24 octobre 1942, les nazis entamaient, au camp de concentration de Mauthausen, les exécutions de quelque 300 collaborateurs, proches et amis des auteurs de l’attentat, dont les membres du mouvement national sportif et culturel Sokol. Parmi eux, Jaroslav et Marie Starý, des habitants de Šestajovice. Cette petite commune qui fait aujourd’hui partie de l’agglomération de Prague reste marquée par le destin tragique de ce couple courageux. Reportage.

Jakub Otáhal,  photo: Magdalena Hrozínková
Enseignante à l’école élémentaire de Šestajovice et fondatrice, avec son mari, de la branche locale du mouvement Sokol, Hana Otáhalová récite un poème écrit par Jaroslav Starý et récemment retrouvé dans les archives familiales. Pour la première fois, les œuvres littéraires de ce jardinier de profession et musicien amateur, devenu légionnaire tchécoslovaque en Inde pendant la Première Guerre mondiale puis résistant lors de la Deuxième, sont présentées en public. Cette lecture s’est tenue en marge d’une exposition ouverte à l’école du village et consacrée aux époux Starý et à l’histoire du Sokol, ce mouvement à vocation sportive, éducative et culturelle fondé en 1862 dont l’action est étroitement liée à la résistance tchécoslovaque pendant les deux conflits mondiaux.

Jakub Otáhal, qui dirige le Sokol à Šestajovice, explique :

Jaroslav Starý,  photo: Sokol Šestajovice
« L’Union tchèque des Sokols a été interdite à trois reprises. Une première fois en 1915 lorsque ce mouvement patriotique était mal perçu par les autorités austro-hongroises dans le contexte de la guerre. Les membres du Sokol ont ensuite grandement contribué à la formation des Légions tchécoslovaques à l’étranger et, par conséquent, à la création de l’Etat tchécoslovaque indépendant. Puis les Sokols ont été persécutés pendant la Deuxième Guerre mondiale pour avoir participé à des opérations de résistance comme Anthropoid. Interdits par le régime communiste, les Sokols ont été nombreux à créer leurs organisations à l’étranger. »

Contrairement à l’histoire du couple Starý, celle des auteurs de l’attentat contre Reinhard Heydrich est bien connue : il s’agissait de Jozef Gabčík et Jan Kubiš, entraînés en Grande-Bretagne et parachutés, fin décembre 1941, sur le territoire du protectorat de Bohême-Moravie. Jakub Otáhal :

« Jaroslav Starý a occupé un poste important au sein du Sokol. Le fait d’entretenir des contacts étroits avec les frères et sœurs sokols des villages voisins de Jirny et de Horoušany lui a permis d’être efficace dans l’organisation de l’aide aux auteurs de l’attentat qui, en raison d’une erreur de navigation, ont été parachutés à quelques dizaines de kilomètres de sa maison, près de la commune de Nehvizdy. »

Marie Stará,  photo: Sokol Šestajovice
Lui aussi membre actif du Sokol de Šestajovice, Vratislav Pospíšil précise quel rôle exact les époux Starý ont joué dans l’organisation de l’attentat :

« Jaroslav Starý a communiqué à Jan Kubiš l’adresse d’une famille qu’il connaissait bien, il s’agissait de membres du Sokol qui habitaient dans le quartier pragois de Vysočany, où les parachutistes se sont cachés pendant un certain temps avant de perpétrer l’attentat. Jaroslav Starý a aidé à transporter leur matériel à Prague. Lui et sa femme approvisionnaient les parachutistes, ils leur faisaient parvenir de la nourriture et des vêtements. Je suis sûr que les époux Stary étaient soutenus par d’autres familles de Šestajovice, même si je n’ai retrouvé aucune information de cette nature dans les archives. Mais il s’agissait toujours d’opérations collectives, une seule famille n’aurait pas pu faire tout ce que les Starý ont fait. »

La maison de la famille Starý,  photo: Sokol Šestajovice
Jaroslav Starý et sa femme Marie, institutrice à l’école de Šestajovice, figuraient parmi les quelque 300 Tchèques et Slovaques, hommes et femmes confondus, arrêtés immédiatement après l’attentat contre le Protecteur nazi de Bohême-Moravie. Après avoir été transférés au ghetto de Terezín, tous ont été exécutés par balle au camp de concentration de Mauthausen entre 1942 et 1944. Leur destin sera sans doute rappelé lors du XVIe rassemblement des Sokols qui aura lieu à Prague en 2018 pour le centenaire de la fondation de la Tchécoslovaquie.