Social-démocratie, les raisons d’une débâcle électorale
Les partis de gauche sortent laminés des élections législatives tchèques, et en particulier le plus important d’entre eux, le parti social-démocrate. Le ČSSD, principale formation du gouvernement finissant, a obtenu seulement 7,27 % des suffrages, son plus mauvais score depuis sa création en 1921. Le parti de Lubomír Zaorálek et de Bohuslav Sobotka n’a été que le sixième choix des électeurs. Il comptera désormais quinze députés contre quarante-cinq jusqu’alors. Tentative d’explication.
La Tchéquie va bien, pas la social-démocratie
Des salaires à la hausse, un niveau de chômage historiquement faible, une croissance soutenue du PIB : le contexte économique est favorable et le bilan de la coalition gouvernementale sortante, largement épargnée par les affaires, est jugé plutôt positif. Pourtant, la social-démocratie n’a pas réussi à capitaliser sur ces bons résultats. C’est même le contraire, et c’est le mouvement libéral ANO, du milliardaire Andrej Babiš, son principale partenaire de coalition, qui a raflé la mise, avec 29,64 % des votes.Dans une analyse publiée ce lundi, l’Office tchèque des statistiques confirme d’ailleurs un large report des électeurs sociaux-démocrates sur ANO. Cela ne suffit pas à expliquer la déroute et le ministre sortant des Affaires étrangères, Lubomír Zaorálek, qui a dirigé la campagne sociale-démocrate, va devoir maintenant se poser les bonnes questions :
« Nous devons nous dire clairement quelles ont été nos erreurs, pourquoi nous avons perdu notre crédibilité, notre capacité à communiquer avec les gens. Nous pensions faire de bonnes choses au sein du gouvernement, nous pensions faire beaucoup. »
Des divisions stratégiques et politiques
La campagne sociale-démocrate a été perturbée par une crise de leadership au début de l’été, quand le Premier ministre Bohuslav Sobotka, dont la légitimité était contestée, a renoncé à la présidence du parti, et laissé Lubomír Zaorálek prendre les rênes dans l’optique du scrutin. Directeur de la section centre-européenne de Sciences Po, Lukáš Macek constate :« Ce parti paye cher ses divisions, qui sont caractérisées depuis pratiquement l’origine. Et elles se sont avérées fatales dans le rapport de force que ce parti a vécu avec Andrej Babiš au sein de la coalition sortante. »
Sans remonter au controversé « accord d’opposition », signé en 1998 entre Miloš Zeman, alors social-démocrate, et Václav Klaus, le ČSSD a été confronté à des tensions internes durant tout le mandat qui vient de s’achever. Certains membres du parti, estimant insatisfaisante la victoire sociale-démocrate aux législatives d’octobre 2013, avait ainsi contesté la direction menée par Bohuslav Sobotka et tenté sans succès de la renverser lors du « putsch de Lány ».
Mais les divisions sont également d’ordre politique. La ligne incarnée par le ministre de l’Intérieur Milan Chovanec, artisan de la politique tchèque de refus de l’accueil des migrants, n’a pas plus à tout le monde. Lukáš Macek :
« Finalement, il s’est aliéné l’électorat centriste, en essayant de chasser sur des terres de l’extrême-droite, avec une posture notamment sur la question des migrants, sur la question du port d’armes. Ils ont essayé de s’imposer sur des thèmes qui, à mon avis, ont été plutôt contre-productifs, parce que ceux à qui ces thèmes parlaient ont préféré l’original à la copie, comme on dit souvent en France quand on parle du rapport entre la droite et l’extrême-droite. »
La social-démocratie européenne au fond du trou
Et il y a peut-être une explication plus globale à la déroute des sociaux-démocrates, qui essuient des revers partout en Europe après avoir échoué à proposer une autre politique que celle des libéraux. Ce lundi, dans la matinale de France Inter, Benoît Hamon, candidat socialiste malheureux à la présidentielle française, avançait une piste :« En République tchèque, la social-démocratie du gouvernement sortant fait 7 %. Partout en Europe, la social-démocratie est épuisée. Pourquoi ? Parce que la double promesse qu’elle porte, - le progrès social, nous améliorons la vie des gens ; le progrès démocratique, nous vous redonnons plus de pouvoir -, fondamentalement, la social-démocratie ne parvient plus à honorer cette promesse. »
Il y avait d’autres partis en lice à gauche. Le parti communiste, très critiqué par tout le reste du spectre politique, a également réalisé un score décevant (7,76 % contre 14,91 % en 2013). Tout comme les Verts, qui ont vécu une cruelle désillusion avec seulement 1,46 % des votes. Leur président, Matěj Stropnický, a d’ailleurs annoncé sa démission.
Quant à la social-démocratie, même si des discussions auront lieu avec le mouvement de M. Babiš, elle va probablement s’offrir une cure d’opposition. Pour Jiří Dienstbier, ancien ministre pour les droits de l’Homme, s’allier de nouveau avec ANO reviendrait à paver le chemin du parti « vers le néant ».