Sondage : la moitié des jeunes Tchèques ne connaissent pas l’histoire de leur pays

L'occupation des Sudètes par l'Allemagne en 1938, photo: Bundesarchiv, Bild 146-1976-033-20 / CC-BY-SA 3.0

1938, 1948, 1968 : ces grandes dates de l’histoire de la Tchécoslovaquie que les Tchèques commémorent cette année ne disent rien, ou alors très peu, aux jeunes âgés de 18 à 24 ans. C’est ce que démontrent les résultats du sondage réalisé au moins de juin par l’agence NMS Media Research. Ils ont été présentés mercredi à Prague, par l’association Post Bellum, qui collecte les souvenirs des témoins des grands moments historiques du XXe siècle.

Mikuláš Kroupa,  photo: Jana Kudláčková,  ČRo
L’enquête a été menée auprès d’un millier de personnes âgées de 18 à 65 ans. Si, à en croire ce sondage, un Tchèque sur cinq ne connaît pas la date de la fondation de la Tchécoslovaquie indépendante, les événements d’octobre 1918 se rangent toutefois parmi les faits historiques plutôt bien connus des Tchèques, comme l’explique le directeur de l’ONG Post Bellum, Mikuláš Kroupa :

« C’est une des surprises de cette enquête : l’année 1918 était la mieux connue parmi les personnes interrogées. La majorité d’entre elles (79 %, ndlr) associent cette date à la fondation de la République tchécoslovaque. Toutefois, d’autres sondages aussi ont démontré que parmi les personnalités liées à la création de la Tchécoslovaquie, les Tchèques ne connaissent que Tomáš Garrigue Masaryk. Les autres grandes figures de l’époque, appelées ‘les hommes du 28 octobre’, à savoir Stříbrný, Šrobár ou Kramář, sont tombées dans l’oubli. »

A l’autre bout de l’échelle se trouve l’année 1938 marquée par des accords de Munich, signant de facto la fin de la Première République tchécoslovaque. Une année largement méconnue :

L'occupation des Sudètes par l'Allemagne en 1938,  photo: Bundesarchiv,  Bild 146-1976-033-20 / CC-BY-SA 3.0
« Les Tchèques, peu importe leur âge ou leur catégorie sociale, ont les lacunes les plus importantes à propos de l’année 1938. Je ne pense pas qu’elle soit totalement oubliée, mais le sondage a révélé que seuls 40 % des Tchèques savent ce qui s’est passé cette année-là. » Si presque 70 % des Tchèques savent que le Parti communiste a accédé au pouvoir dans le pays en 1948, il s’agit surtout des personnes de plus de 50 ans. Les résultats sont plus rassurants quant à l’année 1968, mais une fois de plus, ils ont révélé une surprise, comme nous le raconte Mikuláš Kroupa :

« Très peu de gens sont bien renseignés à propos du Printemps de Prague. Cette méconnaissance traverse toutes les générations. En revanche, plus de 70 % des Tchèques ont des connaissances sur l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie en août 1968. Dans ce cas, les jeunes apprennent surtout de la part de leurs parents, et pas forcément à l’école Personnellement, je suis étonné par le fait que les Tchèques perçoivent cet événement d’une manière extrêmement négative, encore plus que la proclamation du Protectorat de Bohême-Moravie par les nazis. »

'Histoires de l'injustice',  photo: Člověk v tísni
Toujours est-il que la connaissance historique relative aux « années en 8 fatales », comme les appellent les Tchèques, reste la plus faible chez les jeunes de moins de 24 ans : la moitié des jeunes n’ont aucune notion des grands événements qui ont jalonné l’histoire contemporaine de leur pays. Ce qui pourrait améliorer la situation, c’est sans doute une meilleure communication et un partage des souvenirs au sein des familles, ainsi qu’un meilleur enseignement de l’histoire-géographie dans les écoles. Pourtant, dans ce domaine, les esprits ont beaucoup évolué depuis la révolution de Velours. En 2005, l’ONG Člověk v tísni a lancé un premier projet éducatif dans les établissements scolaires visant à transmettre aux jeunes le vécu de l’avant 1989. Quelque 370 écoles ont participé à la première édition de ce projet intitulé « Histoires de l’injustice ». Depuis dix-sept ans, leur nombre a augmenté à 3 600.

Photo: Archives de Radio Prague
D’autres organisations, comme Post Bellum, ont suivi cet exemple. Fondé par un groupe de journalistes et d’historiens, Post Bellum collecte des témoignages d’anciens combattants, de résistants, de rescapés des camps de concentration, de prisonniers politiques et de dissidents, sous la forme d’enregistrements, de textes et de films. L’association implique dans cette initiative aussi des étudiants chargés de retrouver dans leur entourage un témoin des événements du XXe siècle et de l’interviewer. Pour Mikuláš Kroupa, c’est une méthode d’enseignement plus efficace que la mémorisation des faits historiques :

« Le problème est que pour les jeunes, l’histoire telle qu’elle est souvent enseignée dans les écoles, n’est pas intéressante, captivante, importante pour leur vie. Il n’y a que des histoires personnelles qui ont cette force d’attirer leur attention. Si nous leur permettons de vivre une aventure et d’en débattre, cela restera dans leur mémoire. »