Tanec Praha : encourager la curiosité du public

Tanec Praha

Amener le public, connaisseur ou amateur, à découvrir et à apprécier la danse contemporaine : c’est une mission que le festival Tanec Praha accomplit depuis plus de trente ans maintenant. Du 3 au 22 juin, le festival accueille à nouveau de nombreux artistes internationaux, venus d’Europe, mais aussi d’Asie et d’Afrique. Pour en parler en détail, Radio Prague a rencontré la directrice adjointe du festival, Markéta Perroud.

Tanec Praha

Markéta Perroud, bonjour. Comme tous les ans, nous nous retrouvons pour parler du festival de danse contemporaine, Tanec Praha qui est à nos portes. Je rappelle que vous en êtes la directrice adjointe. L’an dernier, Tanec Praha a fêté ses trente ans. Comment s’est déroulée cette édition anniversaire ?

« Je pense que c’était extraordinaire. Vraiment, c’était quelque chose d’unique, surtout dans l’histoire de la danse contemporaine de cette région. Ici, avoir trente ans de festival international, qui grandit, se développe, c’est quelque chose. Le programme qu’on a offert aux spectateurs était exceptionnel, je crois. Donc, nous étions très contents, les artistes aussi, et le public également. »

Comment entame-t-on la nouvelle décennie ? Est-ce que comme à Nouvel and, on prend de nouvelles et bonnes résolutions ?

Markéta Perroud,  photo: Site officiel du festival Tanec Praha
« Evidemment, ce n’est pas facile de continuer après une programmation comme celle de l’an dernier. Mais notre mission n’est pas encore accomplie. Comme on a essayé par le passé, nous essayons de mettre le spectateur dans un fauteuil actif. Cette année, notre devise est : ‘La curiosité est une chance pour vivre des expériences’. Cela veut dire encourager les spectateurs à être curieux, à ne pas avoir peur de découvrir de nouvelles choses, de l’inconnu. »

Puisque vous parlez des spectateurs, j’imagine que votre public est varié : à la fois des fidèles et puis aussi des générations qui se renouvellent sur trente ans.

« Comme vous le dites, il y a une génération qui vieillit et qui nous suit depuis trente ans. Mais qui ramène aujourd’hui ses enfants. On essaye aussi de proposer un programme pour les personnes qui ne connaissent pas la danse contemporaine. Comme on est un grand festival, on essaye aussi d’approcher des publics différents. On a le programme Tanec Praha Junior qui est vraiment destiné aux enfants. Cette année on a une nouveauté avec des spectacles et événements ‘family friendly’, donc faits pour un public adulte mais accessible aussi aux enfants. On encourage donc à partager l’expérience du spectacle en famille. Donc il y a de quoi faire pour toutes les tranches d’âge. »

Quels sont les principaux invités de cette année ?

« On commence avec Eun-Me Ahn, une chorégraphe et artiste coréenne mondialement connue. Elle revient au festival puisqu’elle était déjà là l’an dernier avec ‘Dancing Grandmothers’. Cette année, elle amène son spectacle ‘Let Me Change Your Name’ qui sera présenté au théâtre Ponec. Il n’est pas grand en taille, mais il l’est en termes d’impact. Le deuxième grand nom, c’est Sharon Eyal qui vient d’Israël. C’est une danseuse et chorégraphe qui a collaboré avec Ohad Naharin, de la Batsheva Dance Company. Plus tard, elle en a été co-directrice artistique. Donc c’est vraiment un nom qui résonne actuellement et c’est la première fois qu’elle vient en République tchèque. Ce sera le 17 juin au Karlin Musical. »

La scène de danse est très active en Israël…

« Oui, depuis pas mal d’années. Et puis à la fin du festival, ce sera la cerise sur le gâteau : Yoann Bourgeois est un acrobate et chorégraphe qui, avec son équipe, va investir l’espace du Palais des Foires où se trouve la Galerie nationale de Prague. »

C’est donc un spectacle site-specific…

Yoann Bourgeois,  'Tentative approaches to a point of suspension',  photo: Géraldine Aresteanu / Tanec Praha
« C’est un spectacle in situ en effet. Il est composé de quelques dispositifs. Pour moi Yoann est quelqu’un qui oscille entre la danse contemporaine et le nouveau cirque. Il nous invite à découvrir son monde très poétique. »

Cette année, vous vous associez avec la Quadriennale de Prague, événement important de la scénographie contemporaine, qui se déroule en même temps en juin.

« Exactement. C’est en plein milieu de notre festival. Avec la direction de la Quadriennale de Prague, nous avons décidé de collaborer, de faire une ligne spéciale qui s’appelle ‘Czech Dance Focus for PQ+’. Sont programmées des œuvres d’artistes tchèques qui sont le top du top. Ce sont des spectacles qui ont reçu des prix, qui ont eu un beau retour pendant leur vie de spectacle. Ce ne sont donc pas forcément des spectacles de cette année. Après on présente aussi une première qui s’appelle ‘Amen’. C’est une création entre des artistes tchèques et des artistes du Ghana. On présente tout ce programme le 7 juin dans un format qui s’appelle PQ Talks. »

Votre festival n’invite pas que des artistes européens, comme on peut le voir avec les chorégraphes coréenne et israélienne dont on a parlé. Vous laissez la place à d’autres traditions de danse. Par exemple l’an passé, vous avez invité des danseurs de différents pays d’Afrique. Vous recommencez cette année ce qui montre l’importance de faire des ponts entre toutes ces traditions…

Rianto,  photo: Tanec Praha
« Quand on fait un premier projet et que ça marche, ça crée un lien fort. C’est ce qui s’est passé avec le Ghana Dance Ensemble. Alors on développe cette collaboration plus loin. C’est ce qui se passe cette année justement. Deux autres noms sont intéressants. Il y a Rianto, un artiste d’Indonésie, qui nous fait découvrir un monde très exotique. Son spectacle ‘Medium’ est un solo très intime, avec sa collaboratrice Cahwati. En fait c’était aussi une danseuse, même si elle ne le dit pas, mais aujourd’hui elle est chanteuse et elle l’accompagne avec des instruments traditionnels. Il nous ouvre cette porte vers ses racines, vers la culture indonésienne, mais les présente sous une forme beaucoup plus contemporaine. Nous accueillons aussi Judith Manantenasoy, de Madagascar, qui va nous faire découvrir la situation des femmes dans son pays. » « Pour nous ce qui est important, c’est de ne pas présenter cela comme des spectacles ‘exotiques’. On veut offrir aux spectateurs la possibilité de se rapprocher des artistes pour vivre une expérience physique avec leur univers. Donc ils peuvent venir faire un workshop avec Judith, Rianto et Euh-Me Ahn. Il n’est pas nécessaire d’être danseur. Tout le monde peut venir. Certaines cultures sont loin de la culture européenne. Pour bien comprendre l’œuvre, il est mieux d’en savoir plus. »

Pour terminer, une question plus concrète : le festival s’étale sur un mois, c’est une grosse machine. Comment organise-t-on un événement d’une telle ampleur ? Quel est votre quotidien ?

« Je pense que cela veut d’abord dire : avoir une bonne équipe, soudée, des gens professionnels. Je pense que Tanec Praha a une équipe comme celle-ci. J’ai des collaboratrices extraordinaires. Notre directrice, Yvona Kreuzmannová, organise ce festival depuis maintenant trente ans. Elle est le moteur de toute l’organisation. Il faut être actif tout le temps. Pendant les préparatifs de l’édition qui arrive, on prépare déjà une ou deux éditions qui suivent. Pour les grands noms, on ne peut pas les réserver un an avant. Il faut vraiment beaucoup plus tôt. Il y a beaucoup de travail pour trouver de l’argent, tout préparer, car le festival n’est pas uniquement à Prague, mais aussi dans les régions du pays. Cette année, nous sommes à Prague, mais aussi dans 22 autres villes et villages. On essaye d’amener la danse contemporaine partout où les gens sont intéressés. Il y a beaucoup de travail en lien avec les relations humaines, il faut beaucoup voyager aussi pour bien choisir. »

C’est un travail de longue haleine…

« Mais un travail extraordinaire, intéressant et très enrichissant ! »

https://tanecpraha.cz/

Judith Olivia Manantenasoy,  'Métamorphose',  photo: Quito Tembe / Tanec Praha