Tatra repart à la conquête du monde

Photo: ČTK/Vít Šimánek

Un camion de la marque Tatra a entamé, samedi à Prague, un tour du monde qui, d’ici 2023, fera parcourir 270 000 kilomètres dans 69 pays de cinq continents à son équipage. Appelée « Tatra autour du monde 2 », cette expédition fait suite à une première entreprise du même nom lancée en Tchécoslovaquie à la fin des années 1980.

Photo: ČTK/Vít Šimánek

Petr Holeček,  photo: Site officiel de Tatra kolem světa 2
Un nombreux public a assisté, samedi après-midi, devant le bâtiment du Rudolfinum, dans le centre de Prague, au départ de ce deuxième tour du monde entrepris au volant d’un camion du célèbre constructeur tchèque. Ce périple de trois ans sera divisé en trois étapes. La première, longue de neuf mois et de 70 000 kilomètres à travers 22 pays, mènera ses participants jusqu’à Vladivostok après des traversées des Balkans, de la Turquie, du Proche-Orient, du Caucase, de la Mongolie et de la Sibérie. Les membres de l’équipage sont au nombre de cinq et, parmi eux, Petr Holeček passera l'essentiel de son temps au volant du camion, un T 815 4x4 sorti des usines de Kopřivnice (Moravie) en 2005 et adapté aux exigences de l’aventure :

« Le camion est un Tatra et c’est un véhicule tchèque de A à Z. Il a fallu l’adapter à toutes les conditions auxquelles nous serons confrontés durant notre expédition. Par exemple, nous avons besoin qu’il puisse rouler avec tous les types de carburant. A l’origine, c’est un camion militaire que nous avons transformé. Il fallait qu’il soit beau et que nous puissions vivre dedans. Beaucoup de monde et d’entreprises ont proposé de nous aider notamment pour des adaptations que Tatra ne fait pas forcément, comme par exemple la climatisation double flux. Sans toute cette aide, nous ne serions sans doute jamais partis. »

La première expédition « Tatra autour du monde »,  photo: Hynek Moravec,  CC BY-SA 4.0
L’itinéraire rassemblera à celui de la première expédition « Tatra autour du monde » effectuée entre 1987 et 1990 au volant d’un T 815 GTC. C’est ce modèle - le T 815 - qui, à la même époque, avait permis au légendaire pilote tchèque Karel Loprais de remporter à six reprises le Rallye Dakar. Comme à l’époque de la Tchécoslovaquie communiste, un des principaux objectifs de ce deuxième tour du monde, qui fera l’objet d’une importante documentation, sera de faire la promotion de la République tchèque et de ses produits au-delà de ses frontières, comme l’a confirmé, peu avant le départ de Prague, le ministre du Commerce et de l’Industrie, Karel Havlíček :

« Il aurait été dommage que l’Etat ne profite pas de cette opportunité de présenter ce que nous savons faire dans près de soixante-dix pays du monde. Nous possédons de nombreuses institutions partout dans le monde qui servent justement à représenter les intérêts et à promouvoir l’image de la République tchèque à l’étranger. Tatra est une marque tchèque mondialement connue comme il en existe peu. Nous pouvons encore citer les chaussures Baťa, les voitures Škoda, les motos Jawa ou encore Koh-i-noor (fabricant de crayons et d’articles d’art), et Tatra et ses camions. Montrons donc que nous sommes de bons entrepreneurs, que nous possédons une riche tradition technologique et que nous savons mettre en valeur notre savoir-faire. »

Après un transfert de deux mois en bateau de Vladivostok au Chili, la deuxième étape, longue de onze mois et de 120 000 kilomètres dans 18 pays, permettra cette fois à l’équipage de découvrir l’Amérique du sud jusqu’au nord. Marek Havlíček est un autre membre de l’équipage :

« Ce projet repose sur plusieurs piliers. Il s’agit d’abord de rappeler la première expédition tchécoslovaque partie il y a plus de trente ans pour ne pas qu’elle tombe aux oubliettes. A l’époque, cette expédition avait alors éveillé chez les gens à la fois un désir de voyage et de liberté. Même si nous disposons aujourd’hui de cette liberté, nous voudrions que les gens continuent d’élargir leur horizon. »

'Tatra kolem světa',  photo: Michal Polášek,  ČRo / Musée de Kopřivnice
Partie en mars 1987, la première expédition était revenue trente-sept mois plus tard, en avril 1990, dans une Tchécoslovaquie que la révolution et la chute du régime communiste quelques mois plus tôt avaient rendue de nouveau libre. Ce premier tour du monde avait été marqué, entre autres, par l’arrestation et l’emprisonnement de l’équipage durant plusieurs jours au Guatemala et la mort d’un des hommes de bord au Pakistan lors de la traversée de la rivière Hunza.

Un peu plus de trente ans plus tard, même si tous les risques n’ont pas disparu, les conditions ne seront probablement plus les mêmes, comme le suppose Kateřina Božková, une deux femmes présentes à bord du camion :

« Ce que vous vivez de vous-même est ce qui fait le vrai charme et l’intérêt des voyages. Même si vous trouvez aujourd’hui des informations dans tous les types de médias sur les endroits les plus reculés dans le monde, rien ne remplacera jamais le vécu sur le terrain. Ce que nous voulons donc montrer, c’est comment les gens vivent dans les pays que nous allons traverser, par exemple comment les enfants travaillent à l’école en Mongolie ou au Tadjikistan. C’est pourquoi nous sommes une expédition ouverte : les gens qui le souhaitent, peuvent participer à notre aventure et faire un bout de chemin avec nous. Tous les participants auront un rôle à jouer dans l’équipe : quelqu’un s’occupera de la navigation, quelqu’un d’autre des courses et de la cuisine, peu importe. Chacun aura des obligations en fonction de ses possibilités. »

Avec quatorze sièges et vingt places pour dormir à l’arrière, le camion accueillera tout au long du périple ceux qui souhaitent participer à l’aventure et dont la présence permet de financer un projet dont le montant, tous frais compris, est d’environ un million d’euros.

Enfin, la troisième et dernière étape, de neuf mois et 80 000 kilomètres, proposera une remontée de l’Afrique depuis Le Cap jusqu’au Maroc en passant par de nombreux pays francophones. Puis s’ensuivra la remontée finale vers Prague via l’Espagne, la France et l’Allemagne. Il sera alors temps, 1 095 jours après le départ, de célébrer un constructeur automobile qui, après une longue crise qui avait abouti à sa vente aux enchères à la société Truck Development en 2013, renaît littéralement de ses cendres depuis quelque temps, et ce comme s’en réjouit Petr Holeček :

« Le Tatra est un phénomène comme il n’en existe pas ailleurs avec une conception que nous sommes les seuls à posséder grâce au châssis central développé il y aura bientôt 100 ans par Hans Ledwinka. C’est incroyable tout ce dont ces camions sont capables et ils sont l’héritage du génie technique de nos ancêtres. Bon d’accord, Ledwinka n’a jamais parlé tchèque, mais tout cela s’est passé dans notre belle région de Bohême-Moravie. »

Ne reste donc désormais plus qu’à répandre la bonne parole…

https://www.tatrakolemsveta2.cz/