Tomáš Špidlík, prélat qui savait abattre les barrières par le sourire

Le cardinal Tomáš Špidlík, photo: CTK

Le cardinal Tomáš Špidlík n’est plus. Le pèlerinage terrestre du 21e cardinal d’origine tchèque s’est achevé le vendredi 16 avril à Rome. Ses idées réunies dans une centaine de livres et le souriant souvenir de sa personne restent vivants.

Le cardinal Tomáš Špidlík,  photo: CTK
Pour la postérité le cardinal Špidlík restera probablement avant tout l’homme qui a su marier la spiritualité plutôt rationnelle de l’Occident avec la religiosité profonde et spontanée des Chrétiens de l’Est. Depuis l’année dernière sa santé vacillait mais son esprit restait toujours étonnement jeune malgré son âge vénérable.

C’est en décembre dernier que Tomáš Špidlík a fêté son 90e anniversaire. Né en Boskovice en Moravie, ce fils d’une famille pauvre commence à étudier le tchèque et le latin à l’Université de Brno. Quand les nazis ferment les écoles supérieures tchèques, il entre dans l’ordre des Jésuites et se met à étudier la théologie d’abord à Brno, puis à Velehrad et finalement à Maastricht où il sera ordonné prêtre. Comme son retour en Tchécoslovaquie communiste est impossible, il vit et travaille dès les années cinquante en Italie. Sa voix devient familière aux auditeurs de Radio Vatican, il devient conseiller respecté de diverses congrégations et enseigne dans les universités de trois continents tout en poursuivant son œuvre de penseur. Le philosophe et ancien homme politique Daniel Kroupa rappelle que Tomáš Špidlík a apporté à la théologie sa connaissance de l’Est :

« Le père Špidlík était de ces penseurs qui sont extrêmement rares. Il se consacrait à la spiritualité dans les pays de l’Est et se demandait comment rétablir l’unité européenne. Il disait que l’Europe doit de nouveau respirer avec ses deux poumons, non seulement avec celui de l’Ouest mais aussi avec celui de l’Est. Et si elle n’y arrive pas, elle sera malade. »

Tomáš Špidlík était convaincu que les peuples slaves étaient appelés à jouer un rôle important dans le processus du rapprochement entre l’Est et l’Ouest :

«Aujourd’hui la question se répète, le monde est divisé en blocs Est et Ouest et toute l’Europe ressemble en quelque sorte à la Grande Moravie du début du deuxième millénaire. Elle doit choisir sa future position ou elle se scindera en deux comme se sont jadis scindés les peuples slaves. Nous devons être conscients du fait que l’Europe a une grande mission à accomplir aussi dans la réconciliation de ces deux mondes.»

Tomáš Špidlík
Pour divulguer ses idées, Tomáš Špidlík a toujours utilisé l’humour qui, comme le rappelle Daniel Kroupa, lui attirait les sympathies et l’attention de son auditoire :

« On dit parfois que les intellectuels ne sont pas capables de parler à un plus grand nombre de gens et qu’ils n’arrivent surtout pas à se faire entendre par les gens simples. Le cas du père Špidlík prouve que ce n’est pas vrai. Si quelqu’un est vraiment cultivé, il sait parler au cœur de chaque homme. »

C’est ce mardi que sera célébrée à la basilique Saint-Pierre de Rome en présence du pape une messe de requiem pour ce prélat qui savait abattre les barrières par le sourire. Son corps sera ensuite transféré à la cathédrale Saint-Venceslas à Olomouc en Moravie où les fidèles auront l’occasion de lui rendre un dernier hommage. Le cardinal Tomáš Špidlík sera ensuite inhumé à Velehrad, lieu saint des Chrétiens tchèques. Le fils de Moravie rentrera donc à l’endroit où il a jadis étudié.