Tous les Tchèques vont valser ou la renaissance des bals en RT

Comme le veux la tradition, la saison des bals en République tchèque a été ouverte au mois de novembre. Avant de s’achever avec l’arrivée du printemps, elle bat en ce mois de février son plein. L’édition de samedi dernier du quotidien Lidové noviny a consacré deux pages entières au phénomène, à la tradition, au présent et aux spécificités des bals dans les pays tchèques.

Les bals en République tchèque connaissent actuellement une véritable renaissance. Des milliers de Tchèques ont déjà visité un des nombreux bals qui sont organisés à travers tout le pays ou bien s’apprêtent à le faire. Cet intérêt a été très probablement nourri par la récente diffusion d’un show télévisé inspiré par un identique programme britannique, au cours duquel des couples composés d’un côté de figures célèbres et, d’un autre côté, de danseuses et de danseurs professionnels se disputent les faveurs des spectateurs. Le taux d’audience de cette émission qui en était à sa troisième édition déjà a été très élevé.

« Rien qu’au cours de ce week-end, une quarantaine de bals se déroulent dans tout le pays », écrit le journal qui fait remarquer que ceux-ci sont fréquentés par les jeunes aussi bien que par les générations plus âgées. Ces dernières préfèrent les bals traditionnels, accompagnés d’orchestres qui jouent les danses classiques: valse, waltz, foxtrot ou encore tango. Un problème pourtant notamment dans les petites villes qui disposent plutôt de petits groupes rock ou autres que de véritables orchestres.

A noter que la République tchèque a encore conservé la tradition des leçons de danse qui est une spécificité par excellence nationale. Dans un passé encore récent, ces cours ont été presque « obligatoires » pour toute jeune personne, au seuil de l’âge adulte. Même si l’intérêt pour ces cours a chaque année tendance à diminuer, on trouve toujours des jeunes, pour la plupart de quinze ans, qui sont prêts à s’y inscrire.

Ce sont en revanche les cours pour adultes, toutes catégories d’âge confondues, qui connaissent en ce moment un véritable boom et qui sont très recherchés.

Pavla Duplinska
Pavla Duplinska vit à Prague. Lorsqu’elle a franchi le cap de la quarantaine, elle a décidé d’élargir la liste des activités auxquelles elle se consacre, à des cours de danse qu’elle fréquente avec son partenaire. Elle explique:

« D’abord, j’aime beaucoup danser. J’ai toujours aimé danser. Mais à Prague, il n’y a pas beaucoup de possibilités d’aller danser, surtout pas les danses classiques. Je ne veux pas dire seulement les danses comme la valse ou la polka, mais aussi le jive ou le cha-cha. Alors quand j’ai appris qu’il y avait cette possibilité, j’ai tout de suite décidé de m’y inscrire. Ce qui me plaît beaucoup, c’est que l’on peut y apprendre aussi de nouvelles danses. Par exemple, je suis tombée follement amoureuse de la salsa. »

Ces leçons pour adultes sont destinées uniquement à des couples, n’est-ce pas?

« Tout à fait. Ce n’est pas la même chose qu’avec les cours pour les jeunes, ou si vous voulez pour les adolescents de quatorze ou de quinze ans, qui fréquentent les leçons de danse à titre individuel et qui peuvent inviter toujours un nouveau partenaire pour telle ou telle danse. Nous, nous venons en couples et suivons des leçons pour danseurs plus ou moins expérimentés. J’adore, non seulement, parce que l’on peut danser, mais aussi parce qu’on s’amuse comme des jeunes et même plus encore. »

Le début de ce qu’on appelait les réunions dansantes à Prague remonte à la première moitié du XVIII siècle. Comme le souligne le journal Lidove noviny, « elles étaient liées notamment aux tendances et au mouvement patriotiques ». C’est le très connu dramaturge et homme de théâtre Josef Kajetán Tyl qui en fut l’un des principaux promoteurs et organisateurs. Et c’est également lui qui a décidé de remplacer le mot réunion par une expression typiquement tchèque, la « beseda ».

Les « beseda », soit les bals tchèques, se déroulaient régulièrement à différents endroits de la capitale, la plus longue et la plus reconnue est la tradition de ceux organisés dans l’enceinte de Žofín, bâtiment située en face du Théatre national, tradition qui s’est d’ailleurs conservée jusqu’à nos jours.

Maturitní ples
A chaque bal son nom. Le journal Lidové noviny dresse la liste de ceux qui sont dans le pays les plus répandus et les plus populaires.

Chaque école du cycle secondaire a son bal dit de baccalauréat (maturitní ples). Ces bals se déroulent d’habitude en hiver donc quelques mois avant l’examen du baccalauréat. Toujours fréquentés par les parents et amis des étudiants qui se voient décorés d’écharpes attestant leur appartenance à la famille des bâcheliers, ces bals se déroulent généralement dans une ambiance solennelle et assez émotionnelle.

Le bal des chasseurs
Le bal des chasseurs (myslivecký bál) est un événement mondain majeur dans les petites villes et à la campagne, il est souvent lié à la dernière traque. Au bal des chasseurs, on peut voir un impressionnant nombre d’hommes en uniforme, le fusil à l’épaule. Toute sorte de gibier est offerte lors de la tombola, des spécialités liées à la chasse sont proposées au menu.

Le bal des sapeurs pompiers avec une tombola
Le bal des sapeurs pompiers (hasičský bál) ressemble en quelque sorte à celui des chasseurs, sauf que les femmes en uniforme y sont plus nombreuses. Une tombola y est également toujours organisée, l’occasion de proposer des prix et des trophées de qualité.

Le bal des fleurs (květinový bál) est destiné à tous les amateurs de danse et de belles plantes. Organisé par le jardin botanique de Prague à Žofín, il peut se targuer d’une remarquable décoration de fleurs. Parfois, cet événement clôt la saison de bals dans le pays et augure l’arrivée du printemps.

Le bal des fleurs à Žofín
Il existe bien sûr beaucoup d’autres bals qui portent leurs noms en fonction des professions ou des activités qu’ils représentent. Ainsi on peut aller danser à des bals de jardiniers, de médecins, de marins, de juristes, et ainsi de suite. Il y a de quoi choisir dans les grandes ainsi que dans les petites villes.

Pavla comme beaucoup de ses contemporains aime fréquenter, outre les cours de danse, également les grands bals qu’elle choisit selon des critères bien précis:

« Je vais trois ou quatre fois par an au bal. Je choisis soigneusement le bal où je veux aller. Je dois d’abord aimer l’endroit, parce que l’ambiance est très importante. Je fais mon choix, aussi, selon l’orchestre qui va jouer, parce qu’il me faut une musique selon mon goût. Et finalement, ce qui compte peut-être le plus, c’est le partenaire avec qui je vais et aussi les amis qui nous accompagnent, parce qu’on veut non seulement danser, mais aussi faire la fête. »

Le bal de l’Opéra
La saison des bals à Prague trouve son point culminant avec le bal de l’Opéra. Le premier bal inspiré par le célèbre bal de l’Opéra de Vienne dans les pays tchèques avait eu lieu en 1948. Cette tradition a été interrompue sous le régime communiste pour être renouvelée dans la première moitié des années 1990, avec un côté très commercial. Parmi les invités de marque que ce bal a pu accueillir depuis, on ne citera que deux stars du cinéma français, Alain Delon et Michèle Mercier.

Le prochain bal aura lieu ce samedi 5 février, dans le bâtiment de l’Opéra d’Etat, en présence du maire de Vienne. Par ailleurs la tradition du Bal autrichien à Prague a été également renouvelée, sa dernière édition ayant eu lieu la semaine dernière à Žofín.