UE : et si les Tchèques s’en fichaient tout simplement ?

Ivan Gašparovič et Miloš Zeman, photo: ČTK

Le président slovaque Ivan Gašparovič, dont le mandat arrive à terme en juin, a entamé, ce mardi, sa dernière visite officielle en République tchèque. Comme souvent lors de ce type de rencontres entre hauts représentants des deux pays voisins, cette visite a été une nouvelle fois l’occasion de se féliciter de l’excellence des relations qu’entretiennent Prague et Bratislava. Mais deux jours après l’annonce des résultats des élections au Parlement européen, cette rencontre était aussi celle des chefs d’Etat des deux pays où l’abstention a été la plus importante de toute l’Union européenne.

Photo: ČTK
18,2 % et 13% : tels sont les taux de participation aux élections européennes, très loin des 43% de moyenne pour l’ensemble de l’UE, qu’affichent respectivement la République tchèque et la Slovaquie, les deux seuls pays parmi les Vingt-Huit à être restés en dessous de la barre des 20%. Le quotidien slovaque SME ne s’est pas trompé en titrant en une de son édition de lundi : « Nous n’avons pas voté ». Déjà championne de l’abstention lors des précédentes élections européennes en 2004 et 2009, la Slovaquie a ainsi battu son propre record.

En République tchèque aussi, un autre record a été battu. Si les précédentes européennes en 2009 n’avaient déjà pas mobilisé les Tchèques avec seulement 28% de participation, cette fois, les 18% représentent le plus faible taux jamais enregistré pour des élections organisées dans le pays depuis la chute du régime communiste.

Si le Premier ministre social-démocrate Bohuslav Sobotka a regretté ce désintérêt des électeurs, il s’est néanmoins félicité du fait que la majorité de ceux qui se sont rendus aux urnes aient voté pour des partis pro-européens (cf. Faits et événements de lundi : http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/europeennes-victoire-des-pro-europeens-et-de-labstention-en-republique-tcheque). Une interprétation des résultats avec laquelle n’est cependant pas d’accord l’ancien président de la République, Václav Klaus, satisfait, lui, de la montée en puissance des eurosceptiques dans certains pays :

Václav Klaus,  photo: ČTK
« Je pense que les électeurs ont donné un signal clair. Cela me fait rire quand j’entends les politologues, les journalistes et le Premier ministre Bohuslav Sobtoka dire que ce sont des partis pro-européens qui ont remporté ces élections. C’est un non-sens absolu. Son parti, la social-démocratie, a recueilli 14% des voix. C’est le troisième meilleur résultat, certes, mais ce ne sont que 14% des suffrages exprimés par les 18% d’électeurs qui ont voté. Autrement dit, le parti social-démocrate, qui est actuellement la plus importante formation politique dans notre pays, n’a recueilli que 2,5% des voix de l’ensemble des électeurs potentiels. Pour ma part, je ne considère pas un tel score comme un succès. »

Fidèle à sa position anti-européenne, Václav Klaus, fondateur au tout début des années 1990 du parti libéral ODS, ancienne plus grande formation de droite en République tchèque dont la campagne menée contre l’adoption de l’euro ne lui a permis de ne remporter que deux mandats d’eurodéputé, estime que les vainqueurs de ces élections sont tout autres :

« Les abstentionnistes sont les vainqueurs de ces élections ! Les 82% d’électeurs qui n’ont pas voté ont clairement exprimé leur opinion. Ils ont fait savoir que l’UE ne les intéresse pas, que l’UE n’a rien en commun avec la démocratie et que le Parlement européen est un jouet. Je pense que les gens ont compris que ces élections n’auraient aucune signification pour la vie future en Europe. Je pense que c’est un signal si fort que ceux qui veulent bien l’entendre l’auront entendu. »

Que l’on soit d’accord ou pas avec Václav Klaus, les commentateurs estiment néanmoins que le discours négatif de l’ancien président et son dénigrement systématique de l’UE depuis plusieurs années déjà ont influencé le comportement d’un certain nombre d’électeurs tchèques.

Ivan Gašparovič et Miloš Zeman,  photo: ČTK
Pour autant, s’il a été énorme, le désintérêt pour ces élections européennes n’a pas été propre à la République tchèque et à la Slovaquie, le constat étant le même, simplement dans une moindre mesure, pour l’ensemble des anciens pays de la sphère communiste ayant intégré l’UE en 2004. Relativement épargnés par la crise économique à la différence des pays du sud de l’Europe, peu concernés par la menace russe contrairement à la Pologne notamment, peu enthousiastes à l’idée d’intégrer la zone euro et de participer à l’effort de solidarité, les Tchèques, pas aidés non plus par une campagne électorale guère folichonne, semblent vouloir se contenter d’une Europe sans frontières leur permettant, à eux et à leurs marchandises, de circuler librement. Un constat pas forcément très reluisant qui ne doit cependant pas faire oublier, encore une fois, que ceux qui ont voté, ont voté en majorité pour des partis pro-européens… Alors, qu’en est-il vraiment ?