Un « Manifeste migratoire » pour des politiques d’asile et d’intégration plus constructives
Apporter des solutions aux problèmes que rencontre la République tchèque en matière de politique migratoire, d’asile ou d’intégration, telle est l’ambition du « Migrační manifest », le « Manifeste migratoire », un document né de la collaboration des associations travaillant en lien avec les réfugiés. Dans un pays européen particulièrement réticent à accueillir les migrants, notamment sur la base des quotas de répartition voulus par Bruxelles, ce texte, présenté début octobre, appelle à prendre de nouvelles orientations mettant l’accent sur la justice sociale, les droits de l’homme ou encore la reconnaissance de la diversité culturelle.
« Les organisations membres du consortium se sont accordées pour dire qu’il serait pertinent d’avoir un document explicitant notre positionnement et qui exprimerait les valeurs et les objectifs de notre travail en lien avec les questions de migration, d’intégration, de politique d’asile. Elles ont donc défini sept points principaux qui selon nous couvrent bien tout le spectre de la politique de la République tchèque en la matière avec des remarques critiques et la formulation de propositions. »
Parmi ces aspects les plus importants, le manifeste demande la mise en place d’une véritable politique d’asile, pour que celle-ci soit tout simplement de l’ordre du possible pour les réfugiés se trouvant en Tchéquie. Eva Dohnalová estime qu’il est essentiel que cette politique soit construite au niveau européen et regrette à ce titre que la République tchèque, où les sondages d’opinion montrent une vraie réticence à l’accueil des migrants, s’inscrive dans le sillage de la Hongrie avec la volonté de protéger prioritairement ses frontières et de refuser la proposition d’une répartition via les quotas.
Le ministre de l’Intérieur, le social-démocrate Milan Chovanec, principal promoteur de cette position, dit souvent que la Tchéquie n’est de toute façon qu’un pays de transit, un argument qu’Eva Dohnalová conteste :« C’est tout simplement un cliché. Je pense qu’il faut prendre en compte la façon dont on travaille ici avec les réfugiés. Ils rencontrent principalement la police, ils n’ont pas d’interprète, pas de service juridique. D’un côté, la Tchéquie dit qu’il est possible de demander l’asile ici mais sous-estime complètement les moyens à mettre à leur disposition pour que cela fonctionne. Par exemple, de nombreux Syriens ne savent même pas où ils sont et ce qu’il s’y passe. Quand ensuite ils sont mis en détention dans un centre de rétention, je pense qu’il est assez compréhensible qu’ils ne veuillent pas rester ici. Donc d’une part, on ne travaille pas assez, on ne communique pas assez avec les réfugiés en Tchéquie pour qu’ils puissent y demander l’asile. Ensuite, au niveau européen, il n’est pas tenable de dire que nous sommes seulement un pays de transit. Nous devons accueillir ces gens. L’Allemagne n’y arrivera pas toute seule. »
Le manifeste pointe encore les efforts à accomplir dans les domaines de l’éducation, des droits sociaux ou encore de l’emploi. Sur ce dernier point, le patronat tchèque indiquait en septembre que les entreprises tchèques étaient en capacité d’employer 5000 migrants, là où, selon le système de quotas, Prague devrait d’ailleurs en accueillir seulement 3000. Les syndicats s’inquiétaient cependant d’une possible dérogation au droit du travail pour les demandeurs d’asile. La réunion tripartite de lundi soir a permis de les rassurer selon Josef Středula, le président de la Confédération tchéco-morave des syndicats (ČMKOS) :
« Nous souhaitions que les employeurs et la Chambre économique se positionnent clairement sur le fait qu’ils ne tolèreraient pas d’abus dans le cas des réfugiés se retrouvant sur le marché du travail. Ils l’ont fait et nous les en remercions. Nous leur avons également demandé de ne pas parler d’offres spécifiques concernant les réfugiés, car à partir du moment où ils sont sur ce marché du travail, c’est au même titre que tous les employés tchèques. »Eva Dohnalová estime de son côté que des points positifs sont à noter depuis l’été, d’abord avec certaines décisions de justice qui ont condamné les conditions de détention des réfugiés, en particulier dans le cas de l’enfermement de familles avec enfants.
Au gouvernement aussi les choses évolueraient selon elle plutôt dans le bon sens, par exemple avec les prises de position du ministre de la Justice Robert Pelíkan, qui s’attend à une augmentation du nombre de plaintes des migrants et s’est opposé sur ce point à M. Chovanec. Celui-ci ne fait d’ailleurs pas partie des rares ministres à avoir manifesté leur intérêt pour le « Manifeste migratoire ».