Une histoire de la Prague contemporaine
Une fois n'est pas coutume, nous parlons aujourd'hui de la ville de Prague, un sujet aussi atemporel qu'actuel ! Car si la Ville dorée compte parmi les plus belles et les plus visitées d'Europe, c'est aussi parce qu'elle a su résister aux effets parfois pervers du développement industriel et économique.
Au début du XIXe siècle, Prague s'étend encore au sein des limites fixées par l'empereur Charles IV cinq siècles plus tôt. Elle accuse alors un certain retard par rapport à d'autres grandes villes européennes comme Vienne ou Paris. Depuis la défaite de la Montagne Blanche, la capitale de Bohême souffre d'un certain provincialisme politique. Symbole de cette baisse d'importance : Prague, lieu de résidence traditionnelle de l'empereur, ne verra que le roi de France Charles X, exilé, habiter un temps entre les murs du Château.
Tout au long du siècle, cependant, la ville connaît un développement rapide, alors qu'en parallèle, l'élément tchèque devient prépondérant. A tel point qu'en quelques décennies, Prague reprend sa place au sein des capitales européennes.
Tout commence en 1815. La ville entame son extension vers les faubourgs proches. Le premier village à s'intégrer à Prague est Karlin, qui s'appellait initialement Spitalsko (de l'Hôpital), car les Chevaliers de la Croix Rouge l'administrent jusqu'en 1848. Formée en grande partie d'ouvriers vivant dans d'anciennes fermes, la population de Karlin s'élève à environ 9 000 habitants en 1850. En 1837, c'est au tour de Smichov de s'intégrer.
En 1880, la population pragoise stagne à 162 000 habitants. Une décennie plus tard, elle augmente des 93 000 habitants des faubourgs. A cette date, il faut dire que le nombre de faubourgs intégrés a augmenté : Karlin et Smichov mais aussi Zizkov l'ouvrière et Vinohrady la résidentielle. A tel point que dans les années 1920, on est passé à Prague à 320 000 habitants. L'annexion formelle à la ville ne se fera toutefois pas sans certaines résistances, notamment de la part de Karlin et de Smichov, qui craignent une augmentation de l'impôt foncier.
Le nouveau visage de la ville s'accompagne d'une modification de sa répartition sociale. La population aisée tend de plus en plus à déserter le centre-ville au profit de certains faubourgs. Le quartier juif est également abandonné par ses habitants d'origine. Quant à Mala Strana, qui semble flotter dans des habits séculaires, elle appartient, comme le Marais à Paris, à la noblesse, qui en garde le contrôle.
A la fin du XIXe siècle, Prague a repris son rang au sein des capitales modernes d'Europe. Les transports en commun se développent ainsi rapidement. Ce sont d'abord les omnibus à chevaux à partir de 1870. On en compte sept lignes en 1890. Un an plus tard, le premier tramway électrique, produit par l'industriel Frantisek Krizik, voit le jour.
Au XIXe siècle, c'est également l'image de Prague qui change radicalement. L'image des touristes tout autant que celle qu'en donnent les artistes et écrivains pragois. La ville se personnifie peu à peu et il faut noter la forte influence de Paris dans cette évolution. Le livre d'Eugène Sue, les Mystères de Paris, qui dépeint un Paris pittoresque et énigmatique, sert de référence à de nombreux écrivains pour élaborer l'image d'une Prague magique, celle de la Ville aux cent clochers.Une telle influence est visible dans le roman qu'écrit Gustav Meyrink en 1915, le célèbre Golem. Point de géant d'argile dans ses pages mais un esprit qui semble imprégner la ville d'un voile mystique. Kafka lui-même aimera à personnifier Prague de manière inquiétante, en parlant de cette petite mère qui a des griffes.
L'époque communiste fera replonger Prague dans une léthargie presque inconnue jusqu'alors. Les plaques annonçant une chute possible de corniche ou de revêtement ne choquent même plus dans les années 1960 ! Le régime communiste crée de toute pièce de nouvelles villes tout autour de Prague, qui s'intègrent à celle-ci. Avec la construction de ces grandes tours de béton, appelés « panelaky », certains parlent avec ironie de la Ville aux cent tours ! Heureusement, le centre-ville est épargné par les constructions intempestives du régime même si, faute d'entretien, il se détériore. D'ailleurs, il devient vite bien moins prisé que les nouvelles habitations périphériques, sans charme mais confortables.
A la différence de Paris, Prague n'a pas connu de rénovation dantesque comme fut celle de Paris par Hausmann dans les années 1850. La seule entreprise notable aura été la destruction et l'assainissement de l'ancien quartier juif, au début du XXe siècle. Ayant échappé au percement de grandes avenues, Prague a gardé sa physionomie historique, avec cet enchevêtrement de styles architecturaux si caractéristique...